Trégor-Goëlo| Victimes d’agressions sexuelles de la part de leur entraîneur de tir à l’arc

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« Il nous a mis à l’aise tout de suite, comme un grand-père avec ses petits-enfants »
Condamné à du sursis par le tribunal judiciaire de Caen pour agression sexuelle et atteinte à la vie privée de deux de ses nièces
Un club de sport avait déjà attiré l’attention du comité de Bretagne sur le comportement du pédocriminel qui a abusé de deux fillettes. La justice aurait-elle une fois de plus été en mesure d’empêcher ces crimes ?

Agressions sexuelles au club de tir à l’arc : 18 mois après, la famille se reconstruit

En 2019, Béatrice, habitante du Trégor-Goëlo (Côtes-d’Armor) apprend que ses filles sont victimes d’attouchements sexuels de la part de leur entraîneur de tir à l’arc.

L’homme est condamné huit mois plus tard. La famille essaie, depuis, de se reconstruire.

Effondrée, Béatrice* l’est, ce 19 août 2019, lorsqu’elle se présente à la barre du tribunal correctionnel de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor). Cette mère de famille de six enfants vient témoigner contre l’ancien entraîneur de tir à l’arc de deux de ses filles, accusé d’agressions sexuelles.

Un homme en qui la famille du Trégor-Goëlo, avait « confiance », au point de le considérer comme le grand-père. Âgé de 73 ans lors du procès, il a été condamné à huit ans de prison.

Tout commence lorsque Mathilde et Elsa, aujourd’hui âgées de 11 et 12 ans, s’inscrivent au tir à l’arc, à l’été 2017. À la rentrée, les séances estivales laissent place aux entraînements hebdomadaires. Mathilde se passionne pour la discipline. Elsa s’inscrit en attendant de se remettre d’un souci physique et de se tourner vers un autre sport.

Lundi, mardi, mercredi : les deux petites participent à trois séances de 1 h 30 par semaine.

La plus jeune se rappelle :

« Il y en avait une autre le jeudi mais on ne pouvait pas y aller ».

L’entraîneur tisse le lien. Et sa toile. Il propose de ramener les filles chez elles après les cours. Explique vouloir rendre service à Béatrice.

Quand elle lui demande « si ça ne le dérange pas », il répond que c’est « sur son chemin ».

Rapidement, Mathilde se met à la compétition. La présence de l’entraîneur grandit au sein de la famille. De simple coach aux bons services rendus à Béatrice et sa famille, il n’y a que le pas de la porte de la maison à franchir.

La maman se rappelle :

« Il nous a mis à l’aise tout de suite, comme un grand-père avec ses petits-enfants ».

Il est invité à partager des repas avec la famille. Noël et le Jour de l’An compris. Puisqu’il est proche des petites, il propose à Mathilde de venir dormir un soir chez lui, pendant les vacances de Noël 2018. Dans un premier temps, les parents, mis devant le fait accompli, refusent. Mais la fillette pique une colère.

La maman rapporte :

« L’entraîneur était là, les mains dans le dos près de la porte, à nous regarder essayer de prendre une décision ».

Les parents finissent par céder. Mais elle ira accompagnée de sa sœur.

Les filles rentrent le lendemain soir à la maison. Béatrice n’est pas sereine. À leur retour, elle échange avec elles pour les sensibiliser aux agressions sexuelles.

« Je leur ai dit que si c’était un copain, un entraîneur, un prof, un copain de papa, ou même une femme, ça aurait pu arriver, si quelqu’un avait des gestes pas très catholiques, il fallait nous le dire tout de suite. »

Mathilde et Elsa lui répondent de ne pas s’inquiéter. L’aînée lui raconte tout de même que l’homme a ouvert la porte de la chambre dans laquelle il l’avait installée alors qu’elle se déshabillait. Béatrice s’en inquiète. Mais, au même moment, elle apprend que sa mère est en fin de vie.

Au retour des vacances, Mathilde ne veut plus retourner au tir à l’arc.

« Je la voyais commencer à se recroqueviller sur elle-même, elle restait en pyjama, ne sortait plus, était cloîtrée dans sa chambre ».

Fatigue, mal au ventre ou à la tête, sa fille trouve à chaque fois une excuse.

Béatrice, qui a elle aussi été victime d’attouchements dans son enfance, insiste. Mathilde révèle alors à sa maman que l’entraîneur lui a mis la main dans la culotte. À deux reprises. Une fois dans la maison familiale, une autre fois chez lui. Il a aussi touché sa sœur, au-dessus des sous-vêtements.

Tout de suite, les parents portent plainte.

Béatrice rapporte :

« Mon compagnon avait d’abord été à la gendarmerie de Paimpol pour se renseigner sur la démarche à suivre après un attouchement sexuel. Le gendarme lui a alors montré une photo de l’entraîneur, plus jeune… »

En juin 2019, l’entraîneur est arrêté par la gendarmerie. Il est jugé au cours de l’été. La famille doit contracter un prêt à la consommation de 3 000 € pour se payer les services d’une avocate. Un prêt qu’elle continue de rembourser aujourd’hui.

Pour aider sa fille à se reconstruire, Béatrice emmène Mathilde chez une psychologue, dès les faits dénoncés. Sa sœur n’a pas souhaité y aller.

La professionnelle diagnostique alors que :

« Elle mettra du temps à refaire confiance ».

Cela se confirme quand les deux fillettes s’inscrivent dans un autre club de tir à l’arc. À ce moment, il n’est pas question pour elles d’abandonner ce sport, qu’elles aiment.

Devant les interrogations des dirigeants sur ces arrivées en milieu d’année, Béatrice ne cache pas la situation. Ils ne sont pas surpris. Ils avaient déjà attiré l’attention du comité de Bretagne sur le comportement de cet homme, ancien entraîneur au sein de leur club.

Au bout de quelques mois, Elsa s’oriente vers une autre discipline. Sa sœur souhaite continuer.

« J’ai dit : dans ce cas-là, je m’inscris, retrace Béatrice. C’était pour être avec elle. Je l’ai accompagnée pendant plus d’un an à tous ses concours. Pour lui montrer que je ne la lâchais pas. Maintenant, je pense qu’elle est plus sûre d’elle. »

Mathilde confesse :

« Là, c’est passé, mais parfois ça revient. Je commence à faire confiance, mais c’est difficile ». Surtout aux hommes.

De ces agressions, le caractère de Mathilde s’en est trouvé changé.

« Désormais, elle est du style à dire ce qu’elle pense, pointe sa maman. En un regard, elle sait dire aux gens que ça l’agace. Avant, elle était plus calme. »

Deux ans sont passés et Béatrice n’hésite pas à parler de ce que sa famille a vécu, même si tous souhaitent aller de l’avant.

« Maintenant, je préviens. Il faut faire attention à tout. Moi-même, j’ai dû manquer quelque chose pour laisser cette personne être proche des filles comme ça. Au départ, je le prenais pour un grand-père en manque de ses petits-enfants, mais maintenant je comprends, parce que je suis passée au tribunal. »

Elle insiste sur la nécessité de sensibiliser les enfants aux violences sexuelles.

« Je trouve qu’on n’en parle pas assez. Avant, il y avait des témoignages dans les écoles, on prévenait les jeunes de faire attention aux inconnus ou aux gestes mal placés des proches. Il n’y a plus de tout cela. »

 

* Tous les prénoms ont été modifiés

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