Thonon-les-Bains | Privée de jouets pendant 1 an, la fillette vivait dans l’austérité
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
- 18/05/2017
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Un lit, une table de chevet, une étagère vide. La description des photos de la chambre d’Anna (prénom d’emprunt) n’a pas pris beaucoup de temps à Fabrice Gauvin, qui présidait l’audience correctionnelle du 2 mai dernier au tribunal de grande instance de Thonon. « Il n’y a absolument rien d’autre. Pas un livre, pas un poster, pas un jouet… »
La pièce ressemblait à tout sauf à une chambre d’enfant, au moment où les services sociaux sont venus enquêter au domicile de cette fillette de 9 ans, en décembre dernier, à la suite de deux signalements.
Et retirer provisoirement la garde de l’enfant à sa maman, appelée le 2 mai à la barre pour “soustraction aux obligations légales compromettant la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant”.
En janvier 2016, Anna a en effet été privée de ses jouets et interdite de recevoir ses copains à la maison. Une punition d’un an infligée par sa mère, parce qu’elle allait jouer au bord de la rivière malgré l’interdiction parentale, ou parce qu’elle quittait la maison sans rien dire, certains jours, pour aller jouer au parc.
« Les cellules des détenus sont mieux fournies »
Une fois rentrée de l’école, la petite fille ne pouvait sortir de sa chambre que pour manger, dira l’une des deux personnes ayant alerté les services sociaux. « Sa seule distraction était de regarder des murs », dira ainsi Fabrice Gauvin, pour qui Anna a été « isolée du monde ».
« Quand je regarde les photos de sa chambre, j’ai l’impression d’être dans une cellule à la maison d’arrêt de Bonneville. » La vice-procureur de la République Cathy Mancipoz parlera plutôt, elle, de cellule de méditation. « Car celles des détenus sont mieux fournies ! »
« J’ai été un peu excessive », a souligné à la barre la mère d’Anna, qui a également reconnu le coup de ceinture qui lui était reproché. « Elle avait pris de l’argent dans mon portefeuille… »
La maman parle d’un complot.
Mais la maman a ensuite évoqué un complot monté par les deux personnes ayant prévenu les services sociaux lorsqu’il fut question de leurs accusations de mépris et de privations de nourriture.
« Anna fait en revanche l’objet d’un régime alimentaire très strict. Elle a passé les premières années de sa vie chez ses grands-parents, au Portugal, et quand je l’ai récupérée, elle pesait déjà 48 kg, à six ans. »
Son compagnon comparaissait lui aussi à la barre du tribunal correctionnel de Thonon pour violence sans incapacité sur un mineur de moins de 15 ans. En l’occurrence un autre coup de ceinture, qu’Anna a dit aux enquêteurs avoir reçu pour avoir mangé deux bouts de chocolat sans autorisation… avant de revenir sur ses propos.
Pour ne pas nuire à sa maman et surtout à son petit frère, estime Cathy Mancipoz. « Elle est intelligente, cette petite ! Elle sait bien que son beau-père peut partir… »
Pour l’avocate de l’Union départementale des associations familiales, qui s’est portée partie civile, la fillette « sera pendant toute sa vie d’adulte en quête de reconnaissance, d’amour, de confiance en soi. Le préjudice, il est là ! »
« Anna se sent responsable des mesures en cours », a regretté de son côté la vice-procureur de la République Cathy Mancipoz, qui a requis un an d’emprisonnement avec sursis pour le couple.
« Les faits sont graves, et ont duré. Et cette enfant ne doit pas endosser cette culpabilité. »
Sylvie Correia, l’avocate du couple, avait plaidé la relaxe, après avoir précisé qu’il n’y avait « pas eu d’atteinte effective à la santé de l’enfant », et évoqué une différence de culture, la maman d’Anna étant originaire d’un pays où la plupart des enfants n’ont absolument rien « et sont heureux, savent jouer ».
Une mère « tombée enceinte à 15 ans, mise à la porte par son père et séquestrée, frappée et privée de nourriture par son compagnon de l’époque », a encore souligné l’avocate.
Mis en délibéré, le jugement a été rendu hier mardi.
Le tribunal a condamné la mère à 8 mois de prison avec sursis et relaxé son compagnon.
Source : ledauphine.com
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