Témoignage | «J’avais honte, alors j’ai enterré le truc»

Victime d’agressions sexuelles dans un camp de vacances en 1993, Olivier Savignac témoigne pour «Libération». Il met en cause un abbé et le silence de l’évêque d’Orléans.

Photo Godong

Dans le diocèse d’Orléans, l’ère silencieuse de Mgr André Fort a pris fin. L’ancien évêque a été mis en examen le 8 juin pour «non-dénonciation d’atteintes sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans».

En cause, des faits perpétrés par l’abbé Pierre de Castelet durant un camp du Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ) à l’été 1993. Olivier Savignac, aujourd’hui âgé de 37 ans, est l’une de ses victimes. C’est lui qui a tanné le diocèse d’Orléans pour que la justice soit enfin saisie de l’affaire.

«Ce sont des faits graves qui ont porté sur une dizaine de garçons, raconte-t-il à Libération. A 13 ans, vous ne savez pas que cela peut vous arriver. D’ailleurs, nous n’avions jamais entendu parler de pédophilie.»

C’est la découverte des agressions par les animateurs qui leur fait comprendre la gravité des faits dont ils sont victimes.

«Un jour, une animatrice a surpris le prêtre, se souvient Olivier Savignac. Il était agenouillé face à un camarade de camp qui avait le pantalon baissé.»

Les enfants et les animateurs saisissent alors la direction du MEJ, qui leur promet d’agir. Mais à la fin du camp, chacun repart dans son coin et les relations se distendent. La douleur, elle, demeure.

«Ça ressortait». Pendant vingt ans, il ne parle de cette affaire à personne. Pas même à ses parents.

«J’avais un peu honte, je ne pensais pas qu’un prêtre pouvait être comme ça, confie-t-il. Alors j’ai enterré le truc. Mais à chaque fois qu’un prêtre me témoignait de l’affection, ça ressortait.»

C’est en 2005, au hasard d’un événement professionnel, que les souvenirs rejaillissent vraiment, au point qu’Olivier Savignac soit saisi d’une angoisse tenace. Il décide alors d’enquêter sur le parcours du prêtre. Rapidement, il le découvre œuvrant aux scouts d’Europe.

«J’ai aussitôt rappelé le responsable des MEJ pour m’assurer qu’il avait bien été pris en charge [après les faits de 1993, ndlr]. Hélas, rien n’avait été fait ; son dossier avait seulement été transmis au diocèse d’Orléans, qui aurait dû prendre des mesures conservatoires.»

En 2010, Olivier Savignac prend rendez-vous avec André Fort, l’évêque d’Orléans, pour lui faire part de ses inquiétudes. Le prélat se voit destinataire d’une longue missive contenant «les questions qui rongent» le jeune homme.

«Nous sommes reçus avec l’animatrice de l’époque, devenue psychologue, une femme très à l’écoute, se souvient-il. Il ne semblait pas surpris par nos témoignages et possédait déjà un gros dossier sur l’abbé De Castelet. Il nous a assuré qu’il ne s’était rien passé depuis toutes ces années, alors que nous savions que d’autres plaintes couraient.»

L’abbé démis.

Quelques mois plus tard, Olivier Savignac découvre que son agresseur est invité à une conférence sur la prévention de la pédophilie.

«Je trouve ça abject et j’écris aussitôt à Mgr Jacques Blaquart, le nouvel évêque, en menaçant à mots à peine couverts de saisir le procureur de la République si rien n’était fait.»Jacques Blaquart transmet le dossier au parquet, l’abbé est mis en examen en 2012, avant d’être démis de ses fonctions par l’évêque en 2016.

Libération a tenté de joindre, le prêtre et l’ancien évêque d’Orléans. Avec pour seule réponse le silence.

Source : liberation.fr

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