Reims | On prive les victimes de procédure

non

Un père réclame un référendum à Macron sur l’irresponsabilité pénale
Le président de l’ “Association Delphine Cendrine”, dont la fille de 17 ans a été assassinée en 1998 par un déséquilibré, a écrit au président de la République pour solliciter un référendum sur l’irresponsabilité pénale.

La cour d’appel de Reims (Marne) doit se prononcer ce jeudi 3 avril sur l’irresponsabilité pénale de Franck Freyburger, 61 ans.

Le 22 mai 2023, il avait poignardé à mort Carène Mezino, une infirmière du CHU de Reims alors qu’elle se trouvait dans le vestiaire de son service, et avait grièvement blessé une secrétaire médicale.

Rapidement, il est apparu que Franck Freyburger souffre de graves pathologies mentales. En 2017, il avait déjà sauvagement agressé au couteau quatre membres du personnel médical de l’établissement d’aide par le travail (ESAT) au Miex-Tiercelin (Marne), et avait été déclaré irresponsable pénalement.

Les différentes expertises ont établi que Freyburger souffre depuis l’adolescence de schizophrénie paranoïaque, et attribue au monde médical la responsabilité de son état.

Le jour du meurtre de Carène Mezino, il avait interrompu son traitement depuis plusieurs mois. S’il est déclaré irresponsable, il n’y aura pas de procès.

Cendrine, 17 ans, abattue sur son lieu de travail

Une situation très mal vécue par les parents de Carène.

Tout comme ce qu’a vécu Christian Stawoski.

Il réclame un référendum sur l’irresponsabilité pénale qui prive chaque année des milliers de victimes de réponse à leur souffrance.

Christian Stawoski a perdu sa fille Cendrine, 17 ans, abattue par un déséquilibré à Montrabé (Haute-Garonne) près de Toulouse.

Un retraité de 78 ans avait tiré une balle dans la tête de cette apprentie-coiffeuse, le 14 août 1998, avec un fusil dans le salon de coiffure où elle travaillait, tuant également la propriétaire du local et blessant grièvement la gérante à la jambe.

Depuis ce drame, ce père de famille de 68 ans milite au sein de son “Association Delphine Cendrine”, créé en 2003 et comptant 120 membres, pour faire évoluer l’article 122.1 du Code pénal stipulant qu’une personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes n’est pas pénalement responsable.

À chaque nouveau fait divers impliquant des individus souffrant de troubles psychiatriques qui concluent à une irresponsabilité pénale de l’auteur, Christian Stawoski a l’impression de revivre la tragédie de sa fille.

Mi-février, il a envoyé une lettre au président de la République demandant un référendum sur cette question, lui rappelant ses propos du 25 janvier 2020 sur l’affaire Sarah Halimi :

« Dans sa part sacramentelle, il est indispensable, pour faire son deuil, pour parachever l’exercice de vérité… Il faut un procès sur des sujets aussi forts, quand bien même à la fin, pour des raisons d’expertise, on déciderait qu’il n’y aurait pas de responsabilité pénale, parce qu’on aura établi les autres responsabilités, qu’on aura permis de faire émerger la vérité et de faire le deuil. »

« Il y a des responsabilités indirectes (…) mais on ne les cherche pas »

Christian Stawoski plaide pour avoir le droit à une vraie procédure pour permettre aux victimes de savoir et de comprendre et pour l’égalité des droits à la justice pour toutes les victimes, comme le stipule l’article 6 des Droits de l’Homme.

« L’article 122.1 du Code pénal est-il constitutionnel alors que, devant l’article 6 de la déclaration des Droits de l’Homme, il est précisé que toute personne a le droit à l’égalité devant la justice pour savoir et comprendre ?

Après avis des psychiatres, on prive les victimes de procédure.

Pour ma fille, j’ai eu le droit à un papier comme quoi l’affaire était classée pour irresponsabilité pénale et qu’il n’y avait aucune raison pour poursuivre la personne.

Il y a pourtant des responsabilités indirectes dans l’entourage de l’auteur, des médecins qui les suivent, mais on ne les cherche pas en se repliant derrière l’irresponsabilité pénale. »

Ce père déterminé à faire aboutir son combat depuis 26 ans égraine les cas d’homicides ces derniers mois où des personnes souffrant de troubles psychiatriques sont passées à l’acte : le 4 février, un homme blesse légèrement au couteau trois policiers devant la préfecture de police de Paris, le 19 février un homme de 71 ans tue un autre homme de 77 ans à Toulouse…

Un plaidoyer contre les aberrations de l’irresponsabilité pénale

Le Toulousain, qui a contribué, en 2008, à la loi Dati permettant l’inscription au casier judiciaire de décisions de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, réclame de vraies enquêtes et des moyens supplémentaires pour la psychiatrie.

« Une fois que la personne est déclarée comme déséquilibrée, l’enquête s’arrête et les articles de presse aussi alors qu’il y a des victimes derrière ces faits divers, s’insurge-t-il. »

« La loi Dati mène à un débat d’experts psychiatres non formés ou sans outil commun pour expliquer l’abolition du discernement, mais cela ne satisfait pas les victimes. Il faut savoir que les personnes en hôpital psychiatrique touchent l’allocation aux adultes handicapés alors qu’ils sont nourris et soignés. Cela représente 339 millions d’euros par an qui pourraient être alloués à ce secteur. »

Pour faire entendre son combat au grand public, Christian Stawoski a décidé de publier un livre, intitulé « Plaidoyer contre les aberrations de l’irresponsabilité pénale », qui doit paraître fin avril.

Le père de Cendrine, qui se rend tous les jours sur sa tombe, y raconte ce terrible jour, les déceptions face à la justice, sa bataille pour faire évoluer les hommes politiques sur cette question, mais surtout la souffrance des autres victimes qui le contactent via son association.

« Depuis la mort de ma fille, il y a eu au moins 5 700 morts liés à l’irresponsabilité pénale et pourtant on n’en parle que pour les affaires de Pau ou Halimi, confie Christian Stawoski.

On sait que ces personnes sont malades, qu’il faut les soigner, mais il faut vraiment que cela change et que les victimes ne soient plus oubliées. »

 

Source(s):