Plessis-Trévise | Un homme jugé aux assises pour le meurtre d’une ado

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« Cette ordure a anéanti notre vie »
Alors qu’il comparait pour le meurtre de la jeune Anaïs, 18 ans seulement, devant la cour d’assises du Val-de-Marne, Lilian apparaît par moments insolent face à la douleur de la famille de la victime. Le verdict est attendu ce vendredi soir.

Sur l’écran du tribunal, les photos d’Anaïs défilent.

Elle apparaît, adolescente, sur un bateau, gilet de sauvetage sur le torse.

« 14 ans », précise sa mère, assise au premier rang.

La suivante est un selfie de la jeune fille, piercing au nez.

« 16 ans. » Puis une photo où elle semble plus jeune.

Ses cheveux bouclés encadrent son visage enfantin.

« Là, elle a 12 ans. » Suivront des photos avec son frère et sa mère.

À chaque fois, un immense sourire illumine son visage.

Le temps semble suspendu en ce jeudi après-midi dans la salle d’audience de la cour d’Assises de Créteil, où Lilian est jugé depuis mercredi et jusqu’à ce vendredi soir pour le meurtre d’Anaïs.

La jeune fille avait été tuée au Plessis-Trévise (Val-de-Marne) en mai 2021, à 18 ans, lors d’une relation sexuelle tarifée, puis son corps déposé à Pontault-Combault (Seine-et-Marne).

Si l’accusé a reconnu les faits — à savoir avoir étranglé Anaïs — il conteste l’intention de la tuer.

Devant les jurés, un long gilet blanc sur les épaules, la maman s’avance.

Une longue inspiration lui fait remonter les épaules.

Puis elle se place face aux jurés.

« Cette ordure a anéanti notre vie. La mienne, celle de mes enfants, de tout le monde. Je n’ai rien d’autre à dire, je suis désolée. »

Elle quitte précipitamment la barre. En ce jeudi matin, elle n’avait même pas pu rentrer dans la salle.

« On l’appelait notre petit oiseau »

C’est la grand-mère d’Anaïs, Monique, 74 ans, qui prend ensuite la parole.

« J’ai sept petits-enfants dont une seule petite-fille. C’était une gamine gracile, joyeuse, un amour. On l’appelait notre petit oiseau. »

« On n’a plus de joie de vivre, plus de goût, plus de vie, poursuit la septuagénaire. Récemment, on est devenus arrière-grands-parents, on est contents bien sûr mais, devant nous, on a un grand vide. »

Les deux autres parties civiles, le grand-père et le frère d’Anaïs, ne sont, eux, pas présents à l’audience.

« C’était tout simplement insurmontable pour eux », explique leur avocat, Me Fabien Arakelian.

L’audience semble ensuite basculer dans une autre dimension, alors que debout, pull beige et chemise blanche, Lilian répond aux questions sur sa personnalité.

Les réponses sont souvent peu claires, incohérentes, paraissent parfois désinvoltes, parfois insolentes.

L’accusé alterne entre contrition et nonchalance.

Sur sa relation avec Claire par exemple. Son ex-petite amie a, mercredi, largement bouleversé l’audience en narrant les violences à répétition.

« Elle ne mérite pas ce que je lui ai fait », dit-il d’abord.

Avant d’affirmer qu’elle aurait « menti » sur les étranglements qu’il lui aurait fait subir.

De quoi faire bondir la jeune fille, qui quitte la salle précipitamment.

« Si j’avais pu échanger ma place avec Anaïs, je l’aurais fait »

Mais c’est une autre de ses phrases qui met hors de lui le conseil des parties civiles.

Interrogé sur l’avenir, Lilian confie à la cour vouloir « sortir le plus tôt possible pour me relancer. Je n’ai pas loupé ma vie, mais il va falloir commencer à me dépêcher ».

Estomaqué, Fabien Arakelian lui demande s’il mesure le « total décalage » entre ses propos et le motif du jugement.

« On est en train de parler d’une jeune femme de 18 ans à moitié nue entre deux voitures, morte. »

« Je le sais, répond Lilian. Si j’avais pu échanger ma place avec Anaïs, je l’aurais fait. »

Contrition encore. Depuis la veille, le jeune homme louvoie sur cette fine ligne de crête, affirmant avoir « changé ».

Il s’est « excusé » auprès de la famille, disant « ne pas pouvoir imaginer la douleur [qu’il] a causée ».

Lilian insiste : il « mérite » d’être en prison.

Il a d’ailleurs demandé à ses proches de ne plus venir le voir au parloir.

« Je n’aime pas faire vivre ça aux personnes que j’aime. Je ne vois pas grand monde mais au moins je ne fais souffrir personne. »

« C’est comme si vous vous punissiez davantage… », souffle son avocat, Me Julien Dubs.

Lilian hoche la tête, sans un mot.

La cour d’assises aura au moins obtenu quelques éléments de réponse.

Sur son recours à la prostitution, qui a surpris ses proches, il dit aujourd’hui :

« Le fait de payer une personne, elle était obligée de m’écouter. Je n’avais pas besoin d’une prostituée, mais d’une psy. »

Sur l’étranglement d’Anaïs, il a redit à l’audience qu’il voulait qu’elle arrête de crier.

Plus tôt, parlant de son grand-père, il avait dit « admirer » cet homme qui ne se plaignait pas, alors que l’une de ses filles s’est suicidé.

« Le décès d’une fille, c’est une petite raison pas mal pour se plaindre. »

L’audience se fige.

La mère d’Anaïs, elle, enfonce un peu plus la tête entre ses mains.

Dans le box, il n’est pas certain que Lilian ait mesuré ce qu’il vient de dire.

Une fois de plus.

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