
Paris | L’ex-directeur de Saint-Jean de Passy condamné à cinq ans de prison avec sursis
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 14/06/2025
- 10:08
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Le procès de Daniel Chapellier, 75 ans, s’est ouvert ce mercredi à Nanterre (Hauts-de-Seine).
L’ex-directeur de cette institution du XVIe arrondissement a farouchement nié les faits.
La densité des débats a conduit le tribunal à interrompre l’audience pour la reprendre le 6 juin prochain.
« Je ne l‘ai jamais touché. Je n’ai jamais touché un élève. »
Droit comme un i à la barre du tribunal correctionnel de Nanterre, l’ancien directeur de Saint-Jean de Passy le dit et le répète dès qu’il en a l’occasion.
« Cinquante ans de carrière, jamais un problème. »
Dans son costume marine ajusté, les bras fermement croisés, Daniel Chapellier, 75 ans, comparaît pour « atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans », un adolescent de 14 ans, Valentin (le prénom a été changé), auquel il aurait fait subir des attouchements dans le huis clos de son bureau de la prestigieuse institution catholique de Paris.
Une affaire qui remonte à 2021, concerne un établissement privé catholique de renom, et résonne tout particulièrement après l’explosion de l’affaire Bétharram et les révélations en cascade qui ont suivi.
« Il nous a dit : C’est bon, il m’a donné une deuxième chance »
Avant les dénégations de l’ancien directeur, la mère de Valentin a longuement narré cette journée du mercredi 3 février 2021 à la barre.
« Valentin est rentré un peu plus tôt que d’habitude, il est directement monté prendre une douche, contrairement à d’habitude.
On savait qu’il avait rendez-vous avec le directeur. Il nous a dit : C’est bon, il m’a donné une deuxième chance. »
Dans cette famille où les enfants sont « élevés dans les valeurs fortes catholiques », Saint-Jean de Passy coche toutes les cases.
« Un établissement d’excellence, réputé pour inculquer les valeurs morales », déroule la mère de famille posément.
Alors, même si la famille vit à Neuilly-sur-Seine, qui compte aussi son établissement d’excellence, Saint-Dominique — d’ailleurs récemment visé par plusieurs plaintes —, c’est à Saint-Jean de Passy que les parents font scolariser leur fils aîné à partir de la 6e.
L’adolescent terrifié de risquer l’exclusion
Deux ans plus tard, en pleine adolescence, Valentin ne ramène pas que des bonnes notes.
Il se prend une série d’avertissements pour des « manquements ».
Il peut s’agir d’une chemise dépassant du pantalon, d’un livre oublié…
Mais à Saint-Jean de Passy, on ne rigole pas avec le règlement.
Le gamin se retrouve en « conseil d’éducation », risque l’exclusion.
Surtout quand il est surpris en train de copier sur son voisin lors d’un devoir de chimie.
« La triche, c’est une faute majeure », tranche l’ancien directeur, raide comme un piquet à la barre.
Après cet épisode de « triche », Valentin est convoqué chez le directeur, terrifié de risquer l’exclusion.
Parce qu’il était persuadé que hors de cette école « d’excellence » ultra-stricte, son avenir était fichu.
« Ce soir-là, il est venu me voir dans ma chambre, reprend la mère de l’adolescent devant le tribunal.
Il m’a dit : Si je parle, je gâche ma vie. Si je ne parle pas, ça va être compliqué.
Il était très fermé, je lui ai tiré les vers du nez.
Quand j’ai prononcé le nom de monsieur Chapellier, j’ai vu son regard épouvanté. Puis il a mis énormément de temps, mais il a raconté. »
Des centaines d’images de jeunes adultes sur l’ordinateur de l’ex-directeur
Selon le récit de l’adolescent, détaillé par la présidente du tribunal, Céline Ballerini, Valentin est d’abord un brin congratulé par le directeur pour avoir enfin coupé ses cheveux.
Assez vite, Daniel Chapellier lui demande quels sites il visite avec son téléphone portable.
Ajoute qu’il pense aux sites pornographiques.
L’ado répond que ça lui arrive, que oui, il lui arrive aussi de se masturber.
Le directeur s’approche, demande de toucher son sexe, glisse sa main dans le pantalon de l’adolescent.
Une scène tout à faire contraire à celle que raconte l’ancien directeur.
Selon lui, après les questions sur le porno et le temps qu’il range le dossier de l’ado dans son placard, Valentin a baissé son pantalon avant de demander au septuagénaire de « le sucer ».
« Je suis catégorique. C’est ce qu’il a fait, ce qu’il a dit », insiste le prévenu avec vigueur, précisant qu’il fut « sidéré » par le comportement de son élève.
Pour autant, le directeur n’a pas alerté les parents et n’en a parlé à personne.
Sur les questions concernant le porno, l’homme met mal à l’aise.
Il considère que si les enfants ne travaillent pas suffisamment, c’est souvent à cause des vidéos porno qu’ils regardent sur leurs smartphones.
« Les dérapages de la jeunesse, c’est à cause de la pornographie », gronde l’ancien directeur à la barre.
Et ceux de la vieillesse ?
Dans l’ordinateur de Daniel Chapellier, les enquêteurs ont trouvé des centaines d’images de jeunes adultes, des traces de consultation de sites gays.
C’est parce que l’homme se documentait pour le sujet, a-t-il expliqué pendant l’enquête.
Au deuxième jour de son procès, Daniel Chapellier, 75 ans (qui, entre 2016 et 2025, a consulté et téléchargé des centaines des photos issues de sites porno-gay impliquant de jeunes hommes, peut-être parfois mineurs) s’est redit innocent.
Son principal argument pour expliquer l’accusation dont il fait l’objet : l’adolescent a menti.
Il a mené des milliers d’élèves à la baguette, distribué des sanctions au fil de sa longue carrière.
Aujourd’hui, c’est lui, l’ancien directeur de Saint-Jean de Passy, prestigieux établissement catholique du XVIe arrondissement parisien, qui écope d’une sanction.
L’infamie d’être déclaré coupable d’agression sexuelle sur un de ses élèves, un adolescent de 14 ans, avec une peine d’emprisonnement de cinq ans avec sursis.
Insupportable pour cet homme rigide, strict, qui semble avoir une haute idée de lui-même.
Le « mensonge » qui a tant occupé les débats, dont Daniel Chapellier fait la pierre angulaire de sa défense.
Le « mensonge » d’un gamin de 14 ans, Valentin, qui aurait raconté une scène ahurissante pour accuser le directeur de l’institution.
Il ne fait aucun doute que le 3 février 2021, Valentin a été convoqué dans le bureau de Daniel Chapellier.
Après une série de « manquements », il risquait l’exclusion.
La main dans le pantalon
Selon la version du directeur de l’établissement, le gamin se serait « défroqué pour lui demander une fellation », dans le huis clos de son bureau, résume Me Karine Bourdié, qui représente Valentin et ses parents, avec Me Clotilde Lepetit.
Aberrant, selon les avocates, qui soulignent que « rien dans ce qui va suivre ne permet de dire que cette scène s’est réellement passée. Sinon, Daniel Chapellier aurait eu une réaction. »
Mais le directeur n’en a parlé à personne, ni dans l’établissement, ni aux parents de Valentin, qui, une fois que leur fils leur a raconté ce qu’il a subi, l’ont exfiltré vers Saint-Dominique, à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), où ils vivent.
De toute façon, « le mensonge est trop gros, Valentin n’aurait pas pu le tenir si longtemps et depuis le début, il a été constant et cohérent dans ses déclarations », appuie la procureure.
Certes, avec quelques « variations », mais toutes petites, qui attestent la sincérité de son récit de la scène.
Dans le bureau, le directeur l’a interrogé sur sa sexualité, la fréquence de ses masturbations, sa consultation éventuelle de sites pornos, a demandé de toucher son sexe, glissé sa main dans le pantalon de l’adolescent.
Si elle ne doute pas de la sincérité de Valentin, la procureure ne croit aucunement à celle de Daniel Chapellier, qui, selon la magistrate, a adapté son discours aux éléments soumis par la police.
Certes, seuls Valentin et Daniel Chapellier savent exactement ce qu’il s’est passé pendant ces dix minutes dans l’intimité du bureau.
Mais le comportement de Daniel Chapellier après la scène doit emporter la conviction de sa culpabilité, a-t-elle déroulé.
Sites pornos et photos de jeunes hommes
Et il y a ces consultations de sites porno.
En 2016 et 2025, Daniel Chapellier a téléchargé des centaines d’images de jeunes hommes nus, sans qu’il ne soit possible de savoir s’ils sont mineurs ou majeurs.
« C’est pourquoi l’infraction n’a pas été poursuivie », a rappelé la procureure.
Mais cet intérêt livre un aspect de la personnalité du prévenu que l’on ne peut ignorer.
Plus tôt dans la journée, pas moins de douze témoins ont défilé à la barre pour louer les qualités de Daniel Chapellier.
« Un homme exemplaire, d’une rectitude morale sans faille. »
« Quelqu’un de très exigeant mais juste, et bienveillant. »
« Un directeur strict, sévère », selon d’anciens élèves et collègues, pour qui il est « impossible » que les faits reprochés soient « réels ».
Pour défendre leur client, dont ils ont demandé la relaxe, Mes Yassine Yakouti et Marie Violleau ont insisté sur l’absence de preuve formelle et argumenté sur « le penchant pour le mensonge du plaignant ».
A l’audience, les témoins n’ont rapporté que de petits mensonges, comme des maux de ventres pour éviter un contrôle ou les dénégations de Valentin quand il était soupçonné d’aller voir les jeunes filles.
« Un ado qui mentait comme tous les autres », selon un membre de l’équipe éducative.
« M. Chapellier a été jugé sur une ambiance », déplore Me Yakouti, qui annonce l’intention de son client de faire appel.
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