Paris | Les accusations de violences sexuelles dans les conservatoires se multiplient

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Jérôme Pernoo accusé de violences sexuelles sur mineurs
Jérôme Pernoo, qui enseigne au CNSMD de Paris, a été suspendu mi-mars. Plusieurs accusations similaires ont émaillé l’actualité dernièrement, interrogeant une nouvelle fois les méthodes d’enseignement au sein des conservatoires.

Le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris a suspendu mi-mars le professeur de violoncelle Jérôme Pernoo à la suite d’accusations de violences sexuelles.

Dans le cadre d’une enquête interne, sont décrits des attouchements envers de jeunes garçons mineurs. Le parquet de Paris confirme qu’une enquête préliminaire a été ouverte le 20 avril 2021 du chef d’ “agression sexuelle sur mineur”, enquête menée par la Brigade de protection des mineurs.

Les faits présumés auraient eu lieu en dehors du conservatoire et se seraient déroulés sur plus d’une dizaine d’années. Jérôme Pernoo enseigne au CNSMD de Paris depuis 2005.

Le violoncelliste Bruno Philippe, élève de Jérôme Pernoo entre ses 14 et 21 ans, prend la défense de son professeur.

“Des prises de bec entre prof et élève pour des questions d’ordre purement technique, oui. Mais tout ce qui est dit dans l’article, non, jamais il n’y a eu ce genre de dérives”,

déplore-t-il :

“Un conseil d’administration doit être réuni dans 10 jours pour décider entre guillemets du sort de Jérôme Pernoo par rapport à cette enquête et je trouve ça absolument fou que le nom fuite maintenant, si ce n’est peut-être pour influencer la décision de la commission. Je suis assez dégouté et ce que je retiens, c’est l’aigreur par rapport aux témoignages de pas mal de gens qui préfèrent rester anonymes.”

Hervé Temime, l’avocat de Jérôme Pernoo, réagit également ce mercredi soir dans un communiqué transmis à France Musique :

“Cette information a été rendue publique par le site d’information en ligne Mediapart, alors que l’enquête en question doit répondre à une exigence de confidentialité absolue”,

écrit-il.

“Cette enquête interne, fruit de biais méthodologiques manifestes et de dysfonctionnements importants, n’est en aucun cas susceptible d’établir la matérialité des faits allégués. Monsieur Pernoo conteste fermement les accusations portées à son encontre.”

Selon les sources de Mediapart, au cours de l’enquête interne visant Jérôme Pernoo, une cinquantaine de témoignages ont été recueillis, qui ne se limitent pas seulement au professeur de violoncelle.

L’article évoque également le nom d’Yves Petit de Voize, figure réputée du monde musical, qui selon les informations de Mediapart fait l’objet d’un signalement au procureur de la République, suite à un récit décrivant une agression sexuelle.

Plusieurs affaires similaires

Si les 2 hommes sont présumés innocents, cette affaire rappelle d’autres accusations et condamnations. France Musique détaillait le mois dernier le cas du trompettiste Guy Touvron, professeur au Conservatoire à rayonnement régional de Paris jusqu’en 2015, visé par une enquête préliminaire pour “viol” à la suite d’une plainte déposée par une musicienne de 25 ans.

Guy Touvron avait déjà été accusé d’agression sexuelle par une autre femme, et avait été condamné en septembre à 6 mois de prison avec sursis, constatait France Musique dans une copie détaillée du jugement correctionnel. Les faits s’étaient produits en 2017 dans un appartement, en marge des rencontres musicales des Monts Dore à côté de Clermont-Ferrand. Pour étayer sa décision, le tribunal correctionnel évoquait les “déclarations constantes et très circonstanciées” de la plaignante, “tant dans la plainte que dans ses récits aux différents témoins.”

À Rouen, une ancienne élève flûtiste accuse aujourd’hui son professeur de l’avoir harcelée sexuellement courant 2019. Elle a déposé une plainte, à la suite de laquelle le parquet de Rouen a ouvert une enquête.

À Tours, le chef de chœur du conservatoire Francis Poulenc, Pierre-Marie Dizier, avait été poursuivi pour viols et agressions sexuelles sur mineurs, notamment dénoncé par des élèves à qui il aurait tenté de faire ingérer des pilules d’anxiolytiques. Pierre-Marie Dizier s’était suicidé en prison il y a trois ans.

La remise en cause d’un système ?

Faut-il mettre en cause le système d’enseignement au sein des écoles de musique ? France Musique évoquait en 2016 ce rapport de l’Inspection générale de la ville de Paris, qui recommandait de limiter les cours individuels dans les conservatoires pour éviter les situations présentant un risque d’infraction sexuelle sur les mineurs.

Les cours individuels y étaient décrits comme

“porteurs de risque de dérapages importants qui s’inscrit dans la durée, de rapports de proximité et de séduction et d’un contexte musical marqué par une banalisation des relations sexuelles et amoureuses entre maître et élève “.

Le texte avait alors provoqué la colère des enseignants.

Dans une chronique de 2018 sur l’antenne de France Musique, Aliette de Laleu dénonçait l’ “insupportable impunité” face aux violences sexuelles dans l’enseignement musical, à la suite de la parution d’une enquête consacrée au sujet dans l’Obs.

L’article évoquait 4 femmes harcelées sexuellement par un directeur d’école de musique, ainsi qu’une jeune fille abusée par son professeur de flûte : un homme qui avait 66 ans alors qu’elle en avait 16 et qui l’a forcée, sous couvert de chantage, à des actes sexuels non consentis.

Une enquête du quotidien Libération, publiée en septembre, épinglait elle des “scènes cruelles au conservatoire de Rennes”, avec des récits de harcèlement, d’humiliations et d’agressions sexuelles.

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