
Oise | Il a enquêté sur le prêtre qui l’a violé à l’âge de 12 ans
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- 02/04/2025
- 21:25
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C’est un trauma amnésique de deux décennies qu’a vécu Georges-Emmanuel Hourant à la suite d’abus sexuels commis par un prêtre en 1972.
Un choc émotionnel impossible à encaisser pour le jeune garçon d’une douzaine d’années qui, par un mécanisme psychologique d’autodéfense, a enfoui ces souvenirs au plus profond de sa mémoire.
« Je me suis absenté pour survivre, pour échapper à folie », résume aujourd’hui celui qui est devenu psychothérapeute.
Ce n’est que passé la trentaine, lors d’une psychothérapie de groupe, que tout explose quand il entend une victime de viol témoigner.
« Je me suis écroulé, littéralement, relate-t-il. J’ai sangloté pendant une dizaine de minutes. Ce n’étaient pas des souvenirs précis mais ma mémoire émotionnelle qui se réveillait. »
Un épisode qui lui fait prendre conscience de l’importance d’entendre les victimes s’exprimer sur ce qu’elles sont subi.
Des agressions commises lors d’un séjour aux sports d’hiver
Un précepte qui ne l’a pas lâché depuis. Ce samedi 29 mars, il reviendra là où il a grandi, à Méru (Oise), où, en compagnie d’autres victimes, il participera à la création d’un collectif et d’un groupe de parole de personnes victimes d’agressions sexuelles exercées par des membres de l’Église catholique dans le département.
Lors d’une soirée consacrée aux témoignages, il dénoncera pour la première fois publiquement son agresseur.
C’est à 11 ans que Georges-Emmanuel Hourant fait la connaissance du père Georges de Sagazan, qui vient d’arriver dans la paroisse de Méru en tant que vicaire.
Le religieux, né en 1926 à Beauvais, repère rapidement le garçon. En 1972, il propose à sa mère de l’amener aux sports d’hiver, dans sa famille.
C’est là que, durant une semaine et malgré ses protestations, le jeune homme sera victime de viols et d’agressions sexuelles. Au retour, il refuse de revoir le prêtre et fuit l’église.
« J’ai hurlé de rage »
S’ensuivent de longues années d’errance et de multiples conséquences sur la vie de Georges-Emmanuel.
« J’aurais pu sombrer », confie-t-il.
Jusqu’au choc survenu lors de la thérapie de groupe. Puis des années de psychothérapie jusqu’à ce que, peu à peu, les souvenirs reviennent.
En 2000, à 40 ans, il décide d’écrire à Georges de Sagazan.
En retour, il reçoit une lettre dans laquelle, si le religieux reconnaît les faits, il tente néanmoins d’apitoyer sa victime.
« Un courrier pathétique, résume l’intéressé. Je décide d’en rester là. Je me sens libéré mais pas totalement. Sans le conscientiser, je le vivais comme si j’avais été la seule victime d’un homme qui avait cédé à des pulsions. »
Il lui faudra encore vingt années pour poursuivre sa démarche de guérison. Jusqu’en 2021, en découvrant le nombre de victimes dénombrées dans le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase).
« 330 000 mineurs (estimés d’après un modèle mathématique. Pas répertoriés. Mais ce sont de toutes façons quelques dizaines de milliers au vu des cas avérés), précise-t-il. J’ai hurlé de rage, un tel choc qui ne pouvait que signifier que je n’avais pas tout réglé. Je ne voulais pas en rester là, je voulais finir ma vie apaisé et heureux. »
Malgré des faits avérés, le curé poursuit son sacerdoce
À l’été 2022, il écrit à l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr) pour se faire connaître comme victime.
Au bout de six mois, il apprend qu’il faudra encore deux ans avant que sa requête n’aboutisse.
« Ils font ce qu’ils peuvent, mais je ne voulais plus attendre. Les victimes ont besoin d’écoute mais surtout que la vérité soit établie. »
Il décide alors de mener sa propre enquête en rencontrant des témoins et en écumant les archives départementales et diocésaines.
Georges-Emmanuel Hourant a réalisé une véritable biographie de son agresseur.
Il découvre notamment que Georges de Sagazan a été condamné en 1982 par le tribunal de Compiègne pour attentat à la pudeur sur quatre garçons d’une dizaine d’années.
Dans un article du Courrier de l’Oise, il lit que c’est une entreprise de développement de photo qui a prévenu la police, après avoir trouvé des pellicules du prêtre et de ses jeunes victimes dans des positions « qui ne laissaient aucun doute sur leur aboutissement ».
En contactant la famille de Georges de Sagazan, chez qui il avait séjourné lors des abus sexuels de 1972, il apprend qu’il n’a pas été le seul enfant amené par le curé pour une semaine de vacances.
Durant une vingtaine d’années, il est venu chaque année avec un jeune différent, jusque dans les années 1990, même après sa condamnation. Car malgré des faits avérés, le prêtre a pu continuer son sacerdoce.
Protégé par des responsables de l’Église, évoquant un « accident de parcours » dans les archives retrouvées par Georges-Emmanuel Hourant, il est accueilli dès 1983 dans le diocèse de l’Essonne avant de rejoindre la Bretagne en 1994. Il y finira ses jours en 2016.
« Un aveuglement généralisé, condamne Georges-Emmanuel Hourant. Il y a ceux qui ne se posent pas de questions et ceux qui dissimulent. »
L’Église affirme prôner « la libération de la parole »
Soulagé par sa démarche, reconnu victime par l’Inirr, il veut aujourd’hui en aider d’autres à se libérer avec la création du groupe de parole ce samedi à Méru.
Pourtant, des approches similaires existent déjà au sein du diocèse de l’Oise où soixante-dix victimes sont connues et trente religieux mis en cause pour des actes de pédocriminalité commis depuis 1950.
« Ce que l’Église propose, c’est d’entendre les victimes, le plus souvent accompagné par une démarche de pardon, reprend Georges-Emmanuel Hourant. Il faut arrêter de faire peser ce poids du pardon sur les victimes, ce n’est pas notre responsabilité. Et il peut être difficile d’entreprendre une démarche de guérison auprès de personnes parties prenantes avec nos bourreaux. »
Une difficulté dont le diocèse de l’Oise assure être conscient.
« On sait que certaines victimes ne pourront pas venir nous voir car nous représentons l’institution qui les a blessées, reconnaissent les responsables. Ce que nous souhaitons, c’est la libération de la parole, peu importent les moyens. »
Les représentants ecclésiastiques assurent ne pas vouloir se débarrasser du sujet :
« C’est un dossier qui reste ouvert, sur lequel on veut avancer. On peut toujours nous dire qu’il faut faire mieux, mais nous restons mobilisés. Nous sommes conscients qu’il y a encore du travail. »
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