Nancy | Deux sœurs jumelles violées par leur père et leur oncle

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Parfois, les frangins dégueulasses s’en sont pris à elles ensemble…
Deux frères ont été condamnés à cinq et dix ans de prison devant les assises de Nancy (Meurthe-et-Moselle) pour viols incestueux. Ils ont été reconnus coupables d’abus commis sur les filles jumelles de l’un d’entre eux.

Ce jour-là, Sarah a invité son amie Pénélope*, 17 ans, chez elle. Soirée cool entre filles.

Calées dans le canapé, une vodka tonic à la main, les deux copines regardent en bavardant une émission criminelle à la télé.

Sarah adore les affaires policières. L’autre jour, explique-t-elle à son amie, c’était une histoire d’inceste.

À ces mots, Pénélope se fige, les doigts crispés sur son verre. Puis après une courte hésitation, lâche d’une voix enrouée :

— Moi aussi, ça m’est arrivé…

Et elle éclate en sanglots. Nous sommes alors à la rentrée 2018.

Une digue vient de céder, libérant un flot de secrets trop longtemps retenus. Plus rien ne va désormais le contenir…

Le 22 octobre suivant, Pénélope se présente avec sa sœur jumelle et leur mère au commissariat de Freyming-Merlebach, en Moselle.

Les deux adolescentes viennent dénoncer l’homme qui a piétiné leur enfance durant plus de dix ans. Leur père.

Une image traumatisante qu’elles n’ont jamais oubliée

Tout a commencé quand elles étaient toutes petites, peut-être 5 ans, peut-être un peu plus.

Un jour, leur mère n’est pas là. Leur père les emmène dans sa chambre et exige d’elles une fellation.

C’était au moment d’Halloween, se souviennent-elles : il portait un nez de sorcière. Une image traumatisante qu’elles n’ont jamais pu oublier.

Les abus se sont ensuite répétés au fil du temps. Leurs parents ont divorcé lorsqu’elles avaient 11 ans et elles sont restées vivre avec leur mère.

— Mais ça a continué les week-ends où on allait chez lui, racontent-elles. Attouchements, caresses… Il disait que c’était normal, que tous les pères faisaient ça…

Baisers sur la bouche. Cunnilingus. Quand les gamines se dérobent, le pervers pète les plombs. Alors elles le laissent faire.

— J’attendais que ça passe, explique Marguerite*.

Un expert en chantage et autres manœuvres répugnantes

Face aux policiers, les deux adolescentes témoignent en relais, l’une après l’autre. Mais leurs deux voix mêlées expriment une même colère pleine d’amertume.

Pendant toutes ces années, elles ont gardé le silence. Un temps, leur mère est partie vivre dans le Nord avec son nouveau compagnon.

Pour les garder sous sa coupe, leur père a alors menacé de les placer à la DDASS, se révélant un expert en chantage et autres manœuvres répugnantes.

— Quand il nous achetait des chaussures ou un vêtement, il nous disait : « Tu sais comment me remercier… »

Les viols se poursuivent ainsi jusqu’à la fin de leurs années collège. Jusqu’à ce qu’elles comprennent que non, tous les papas ne font pas ça.

Échangeant un regard devant les policiers, les deux sœurs font ensuite une révélation fracassante.

Le frère jumeau de leur père, leur oncle, a lui aussi abusé d’elles. Seule nuance : il n’insistait pas quand elles disaient non.

Les deux filles se dressent enfin contre les deux violeurs

À 15 ans, alors que leur mère revient dans la région, les filles se dressent enfin contre les deux violeurs.

Dès lors, les agressions cessent. Mais les adolescentes ne vont encore rien dire publiquement.

Pas avant ce soir de la rentrée 2018 où Pénélope craque devant sa copine, et lui raconte tout. Le début du domino cascade.

Quelques jours plus tard seulement, elle se libère également devant sa mère. Cette dernière, sous le choc, exhorte ses deux filles à porter plainte.

Quand la double audition s’achève, les flics sont abasourdis. Y a-t-il une seule raison de mettre en doute la parole de ces jeunes filles ?

À vrai dire, aucune, d’autant plus que leur parcours scolaire éclaire singulièrement leur récit.

À compter de 2016, soit au moment où elles ont enfin osé se rebeller, leurs résultats se sont améliorés.

Pour preuve de leur bonne foi, elles ont également ces captures de 168 textos signés de leur père.

« Un petit bisou tout doux sur ta belle peau douce de velours », écrit-il par exemple.

On dit peut-être ça à sa maîtresse, mais à sa fille de 15 ans ?

Enfin, pour appuyer leur plainte, les jumelles ont le rapport de la psychologue qui les a reçues. La professionnelle les croit sur parole, ne relevant aucun travers dans leur personnalité.

« Tout ce qu’elles veulent, c’est que leur père et leur oncle soient punis et empêchés de recommencer» note la professionnelle.

Décrits par beaucoup comme gentils et serviables

Face à ce dossier accablant, les deux frères mis en cause sont placés en garde à vue.

Allure sportive, plutôt beaux gosses, Matteo et Rocco sont décrits par beaucoup comme gentils et serviables et n’ont pas d’antécédents judiciaires.

Matteo, le père des filles, était autrefois soudeur chez Total. En 2010, il a été victime d’une explosion sur un site pétrochimique.

Il en a gardé des migraines, des troubles ORL, des pertes de mémoire et des problèmes d’érection.

Confronté aux accusations des adolescentes, il commence par tout réfuter en bloc, puis voyant que le déni ne le mènera nulle part, il reconnaît avoir commis des « actes peu corrects ».

Finalement, il avoue les viols et se dit soulagé d’un poids. Il jure vouloir présenter ses excuses à ses filles.

L’oncle, Rocco, apparaît davantage comme un « suiveur ». Timide, un peu « limité » intellectuellement, il n’a jamais vécu en couple et n’a jamais quitté la maison de ses parents.

Sous le feu des questions, il reconnaît sans mal les faits. Un jour, Matteo lui a dit ce qu’il infligeait aux gamines. Il a eu envie d’essayer.

Parfois, les frangins dégueulasses s’en sont pris à elles ensemble…

Cette décision leur laisse-t-elle croire qu’ils vont s’en tirer ?

À l’issue de leur audition, les deux suspects sont mis en examen pour « viols et agressions sexuelles incestueux sur mineur par personne ayant autorité, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2016 ».

Curieusement, ils sont laissés en liberté sous contrôle judiciaire.

Cette décision difficile à comprendre leur laisse-t-elle croire qu’ils vont bien s’en tirer ? Le 6 février 2020 en tout cas, marche arrière toute.

Ils se rétractent d’une même voix, contestant les conditions dans lesquelles leurs aveux leur auraient été « extorqués ».

Plus de repentir. Plus d’excuses.

Les flics les auraient maltraités alors que l’un avait la migraine et l’autre une rage de dents. Ils n’ont fait que dire ce qu’on leur demandait, pour que leur supplice s’arrête !

Changeant complètement de cap, Matteo jure désormais avoir été un super papa, et le « prouve » en exhibant une petite carte sur laquelle une de ses filles a écrit « Je t’aime » avec des cœurs.

Espérait-il vraiment se dédouaner comme ça ? S’il y a cru, il a dû être déçu.

Fin février, après projection des vidéos montrant que personne ne l’avait maltraité en garde à vue, les assises de Nancy l’ont condamné à dix années de réclusion.

Son frère a écopé de cinq ans de prison dont trois avec sursis.

Maintenant, leurs deux victimes vont enfin pouvoir se reconstruire. Vraiment.

*Les prénoms ont été changés.

 

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