Loir-et-Cher | Un ancien ambulancier condamné à 12 ans de réclusion pour viols et agressions sexuelle sur personnes vulnérables

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« Il s’agit d’un prédateur qui utilise son métier pour asseoir son pouvoir de séduction. »
Un ancien ambulancier comparaissait devant la cour d’assises de Loir-et-Cher pour des faits de viols et agressions sexuelle sur plusieurs personnes vulnérables. Il a été acquitté pour l’un des quatre faits qui lui étaient reprochés, mais reconnu coupable des autres. il été conduit en prison.

Jeudi 5 mai , la cour s’était longuement penchée sur la personnalité de l’homme, Philippe De Oliveira. 47 ans, marié, père de deux enfants.

Il est accusé d’avoir violé ou agressé sexuellement plusieurs personnes en détresse psychologique ou mineures, alors qu’il exerçait la profession d’ambulancier dans le Loir-et-Cher.

Il comparaissait sous contrôle judiciaire et encourait 20 ans de réclusion criminelle.

Quatre faits lui étaient reprochés au total, sur une période allant de décembre 2013 à juillet 2016.

À chaque fois, il aurait abusé d’une situation de supériorité pour parvenir à ses fins et assouvir un appétit sexuel qu’il ne nie pas.

Mais selon lui, les femmes étaient toutes consentantes, et pour certaines elles auraient même eu l’initiative.

Une dizaine de témoins et d’experts se sont succédé à la barre pour dépeindre le portrait de l’accusé et évoquer les premiers faits.

On a découvert un homme décrit comme « charmeur, dragueur, avec un narcissisme prononcé et qui ne pouvait pas ignorer la vulnérabilité des femmes qu’il transportait », d’après Jean-Yves Charvieux, psychologue à Romorantin.

« Je dirais plutôt que je n’ai pas confiance en moi, c’est pour ça que j’ai besoin de séduire, pour me rassurer.

J’ai été infidèle, j’ai eu des relations extraconjugales, mais je ne suis pas un violeur »,

jure Philippe D.

Néanmoins, les doutes sur le comportement de l’homme au point de vue professionnel sont anciens.

Il a été sanctionné de six avertissements pour divers motifs, auxquels s’ajoutent donc les agressions supposées, dont l’employeur a eu connaissance, même s’il n’a jamais été question de le licencier.

« Ce n’était que des “ on-dit ”, on ne peut pas virer quelqu’un sans preuve »,

se défend son ancien patron.

Un peu auparavant au cours de l’audience, l’ex-compagne de celui-ci avait pourtant souligné un fait troublant, livré en ces termes:

« On s’est organisés pour qu’il ne soit jamais seul avec des femmes et des enfants. »

La femme de l’accusé, elle, lui accorde une confiance absolue.

Elle sait que son mari a été infidèle, se sentant délaissé suite à la naissance de ses deux enfants en 2010 et 2011.

« J’ai décidé de pardonner »,

a assuré celle qui partage sa vie depuis 18 ans et qui n’était âgée à l’époque que de 15 ans au début de leur relation (alors que lui en avait 30).

« Je crois en lui, je serai là quoi qu’il arrive. »

Le cas de la première victime, âgée de 47 ans au moment des faits, a été abordé plus en détail, avec une relation sexuelle qui a eu lieu en décembre 2013, à son domicile à Saint-Gervais, où elle avait confié l’homme qui l’avait transportée vers un établissement de soins quelques jours plus tôt.

De l’alcool, un mélange avec des médicaments, un rapprochement qui conduit à un rapport sexuel.

Un viol selon les termes de sa plainte, une relation consentie selon l’accusé.

Un cas complexe, puisque la procédure a d’abord été classée sans suite, la victime n’ayant pas pu participer à une confrontation avec son agresseur présumé, avant d’être rouverte lors des autres plaintes.

Elle n’était pas non plus présente à l’audience, indiquant « ne pas être en état psychologique. »

Les deux versions se sont de nouveaux opposées, l’accusé martelant que la plainte avait été déposée par jalousie :

« Le lendemain de cette relation, où je lui avais demandé d’être ma maîtresse, je lui ai renvoyé un message pour lui dire que j’avais fait une bêtise. Elle n’a pas apprécié le fait que je n’aie pas voulu continuer avec elle. »

Après une première journée d’audience (NR du 6 mai) qui a permis de mieux cerner la personnalité de l’accusé, Philippe D., et de revenir sur les premiers faits de viols qui lui sont reprochés (en décembre 2013), les trois autres victimes ont été entendues vendredi 6 mai, dans l’ordre chronologique des événements.

L’ancien ambulancier est ainsi accusé d’un deuxième viol, qui se serait produit en avril 2014 sur une jeune femme âgée alors de 16 ans, au retour d’un établissement de santé de Huisseau-sur-Cosson.

Placée au cours de son enfance après des faits d’abus sexuels dans sa famille, sujette à des crises de colère et fragile psychologiquement durant son adolescence, la jeune femme s’est avancée hier à la barre pour livrer son témoignage.

La gorge nouée, elle s’est exprimée avec un débit rapide, mais avec une version claire.

Le jour des faits, l’ambulancier aurait fait quelques mètres pour s’arrêter dans un endroit isolé, puis

« il a mis la main sur mon épaule.

À partir de ce moment-là, je savais ce qui allait m’arriver.

J’étais incapable de parler ou de bouger, j’étais tétanisée. »

La jeune femme parle ensuite de caresses, puis d’une relation sexuelle à l’arrière du véhicule, avant un trajet retour vers son foyer.

« Je me sentais coupable, j’avais honte. Aujourd’hui, j’ai 24 ans, j’ai trois enfants, je refuse qu’ils montent dans un véhicule sanitaire. Ma vie est dirigée par ça et je crois qu’elle le sera toujours. »

La version de l’accusé face au président du tribunal Sébastien Evesque est tout autre.

« Quand je l’ai récupérée, elle était en colère, elle a même ouvert la portière pour sauter du véhicule.

Je l’ai mise en position couchette, elle s’est calmée et c’est elle qui a commencé à me caresser.

Je lui ai demandé son âge, elle m’a dit qu’elle avait 19 ans. Je n’ai pas ressenti de paralysie de sa part. »

Ce changement brutal d’état de la victime au moment des faits soulève plusieurs questions de la partie civile et du président.

« J’ai juste accepté la relation qu’elle m’a proposée »,

lâche l’accusé.

 

Deux agressions présumées sur des mineures

Deux autres victimes sont venues à la barre pour des faits d’agressions sexuelles commises durant l’été 2016.

Toutes deux étaient mineures à l’époque des faits.

Pour la première, en juillet, qui était âgée de 14 ans, l’agression se serait également passée pendant un transport, avec un accusé qui

« me touche le ventre puis remonte vers ma poitrine sous les vêtements, d’après la jeune femme.

Je ne voulais pas, je lui ai donné un coup de coude. »

« Je la taquinais, je suis tactile »,

glisse l’homme pour sa défense, réfutant des attouchements.

Le père de la victime, qui a recueilli le témoignage de sa fille, s’est lui aussi constitué partie civile.

La deuxième agression, en août, aurait eu lieu au domicile de l’accusé.

Lors d’un après-midi festif, il aurait caressé une jeune fille de 15 ans qu’il connaissait dans sa piscine, sous ses vêtements de bain, alors que l’oncle de celle-ci, présent sur les lieux, s’était momentanément absenté.

« Il s’est arrêté quand mon oncle est revenu, précise-t-elle.

J’étais tétanisée, je suis immédiatement sortie de la piscine, je suis allée prendre une douche et je me suis couchée sans manger. »

Là encore, Philippe D. nie, indiquant que la jeune fille « mentait beaucoup ».

La psychologue qui a rencontré les quatre victimes, Cendrine Péris, souligne les similitudes entre les quatre femmes,

« toutes tétanisées, terrorisées, un effet de surprise qu’on retrouve chez les victimes d’agressions sexuelles et de viols »,

indiquant qu’elle ne pensait pas que les relations étaient consenties.

À l’avocat de la défense, Me Damien Vinet, qui lui indique qu’elle n’a que le témoignage des jeunes femmes, elle répond :

« Elles sont quatre, elles ne se connaissent pas mais ont un vécu identique, avec une stratégie qui est la même. »

L’accusé martèle qu’il ne connaissait pas les pathologies de ces femmes.

« En tant que professionnel de santé, je n’aurais pas dû être aussi taquin ou accepter ces relations.

J’ai réfléchi sur moi-même depuis ces faits, je ne comprends toujours pas ce qui m’arrive, mais je suis un autre homme aujourd’hui. »

La deuxième journée d’audience s’est terminée avec les plaidoiries des avocats des parties civiles, Sandrine Cariou, Nathalie Coeudevez, Stéphane Rapin et Audrey Hamelin.

Ils ont insisté sur la vulnérabilité et la fragilité des victimes, dont l’accusé assure ne pas avoir pris conscience, et d’absence de remise en cause de la part de l’homme, qui affirme que les victimes mentent et qu’elles veulent se venger de lui.

Elle avait également examiné le premier fait dont il était accusé, un viol qui se serait produit en décembre 2013 à Saint-Gervais-la-Forêt.

“Un prédateur qui utilise son métier”

Samedi 7 mai, les débats se sont rouverts sur le réquisitoire de l’avocat général, Luc Belan.

Revenant en détail sur les quatre faits, il les estimait formellement bien établis et insistait sur le fait que l’homme ne pouvait pas ignorer la vulnérabilité des trois premières plaignantes, dont il savait qu’elles étaient suivies dans des établissements psychiatriques.

« Je pense que vous n’aurez pas de doute sur sa culpabilité,

a-t-il déclaré au jury.

Il s’agit d’un prédateur qui utilise son métier pour asseoir son pouvoir de séduction. »

Relevant que le père de famille n’avait jamais été condamné auparavant, mais inquiet de son absence de remise en question, il requérait une peine supérieure à 10 années de réclusion, puis un suivi sociojudiciaire de 8 ans (et, à défaut, 4 ans de prison supplémentaires).

“Cela n’est pas synonyme de culpabilité”

« Le doute est un hommage que l’on rend à la vérité »,

a rappelé en défense Me Damien Vinet, citant Ernest Renan.

Il demandait au tribunal de juger les faits au cas par cas sans céder à des a priori.

Certes, la femme de l’accusé n’avait que 15 ans (et lui 30) lorsqu’ils se sont rencontrés ; certes, il a été infidèle, a essayé l’échangisme, aime se prendre nu en photo… mais

« cela n’est pas synonyme de culpabilité »,

a martelé l‘avocat.

« Et ce n’est pas parce que l’on fréquente un hôpital psychiatrique que l’on est complètement zinzin »,

ajoutait-il, en expliquant que la vulnérabilité des trois premières plaignantes n’était pas établie ou apparente.

Pour le premier fait, il tendait à démontrer que la femme (de 47 ans à l’époque) « savait très bien ce qu’elle faisait ».

Quant au second, il estimait qu’il existait « plus qu’un doute » sur l’absence de consentement.

Pour le troisième, il considérait qu’il n’existait « aucun élément permettant de retenir la culpabilité de [son] client dans cette affaire ».

Quant au dernier, il évoquait un mensonge.

 

12 ans de réclusion criminelle

À l’issue du délibéré, Philippe De Oliveira a été acquitté pour le premier fait, mais reconnu coupable des trois autres.

Il a été condamné à 12 ans de réclusion criminelle complétés d’un suivi sociojudiciaire de 5 ans (et, à défaut, 3 ans de prison supplémentaires) comportant notamment une obligation de soins.

Il lui a également été fait interdiction d’exercer toute activité en lien avec des mineurs pendant 10 ans, ainsi que le métier d’ambulancier de manière définitive.

Il devra également verser 25.000 € à la victime du viol pour lequel il a été reconnu coupable, ainsi que 2.000 € à chacune des deux jeunes femmes qu’il a sexuellement agressées.

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