
Lille | Un centre accompagne les mineures en situation de prostitution vers la réinsertion
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 06/04/2025
- 20:12
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Un chaleureux repas et des éclats de rire.
Des habitudes, “comme à la maison”, qui ne laissent présager le parcours des personnes attablées pour le déjeuner.
Sous le toit de “Gaïa”, établissement unique en son genre, 10 jeunes filles mineures en situation de prostitution âgées de 13 à 21 ans.
“Ici, elles viennent soit du département du Nord ou d’ailleurs en France, elles nous sont confiées par l’Aide Sociale à l’Enfance.
Elles viennent globalement de toutes classes sociales, mais elles ont toutes vécu des ruptures dans leurs parcours.
Elles ont de gros troubles de l’attachement.
À un moment donné, les figures parentales n’ont pas été présentes dans les moments où elles en avaient besoin”, explique Hélène Bodart, directrice du pôle protection de l’enfance de l’association SOLFA (Solidarité Femmes Accueil).
Cuisine, babyfoot, salle d’activité, chambre individuelle… tout le confort d’une maison leur est proposé, ainsi qu’un accompagnement par des éducateurs.
L’objectif : leur offrir un espace sécurisé et bienveillant, comme un cocon.
“Leur schéma de pensée, c’est la rue, l’errance, les phénomènes de prostitution. Il faut déconstruire leurs schémas pour qu’elles comprennent que c’est nous (les adultes, NDLR) la protection.”
“Je suis là pour avancer dans ma vie”
Jeanne, dont le prénom a été modifié pour préserver son anonymat, est l’une des mineures hébergées dans l’établissement.
“Je me sens bien, franchement les locaux sont pas mal. On est bien entourées et il y a de bons éducateurs. J’aime bien”, détaille celle qui y habite depuis quelques mois.
“Je suis une ancienne prostituée, on m’a aidée, on m’a accueillie ici. Je suis là pour avancer dans ma vie, pour avoir un bon parcours. Parce qu’au final, ça sert à rien tout ça”.
Motivée à se sortir de sa situation, Jeanne veut rendre fiers ses proches et ne plus vivre grâce à “l’argent sale”, comme elle l’appelle.
La jeune fille en est convaincue, cet hébergement l’a aidé “à évoluer, à (s)’améliorer”.
“J’ai fait beaucoup de progrès. J’ai progressé sur mon comportement. Je m’énervais facilement, je me tiens mieux, j’ai une bonne hygiène. Je suis devenue une nouvelle personne. Avant, c’était catastrophique, je me mettais en danger.”
Entourée des éducateurs, elle apprend à grandir.
“Dès que j’ai un problème, j’en parle et ça se résout”.
Cette main tendue, Jeanne l’a saisie et se projette déjà dans une vie autonome et responsable d’adulte.
“Tu es entouré d’adultes, tu prends exemple sur leur comportement, c’est comme ça que j’ai appris”.
Pour la suite, elle ambitionne d’ouvrir son propre restaurant italien.
Des éducateurs à l’écoute
Pour encadrer les 10 jeunes filles, l’établissement peut compter sur des éducateurs dévoués qui les accompagnent tout en leur apprenant à être autonomes.
“Au quotidien, elles ont besoin de gérer leur lessive, de ranger leur chambre, on les aide à préparer des repas, à gérer leur budget”, précise Djamila, la maîtresse de maison.
À l’heure du repas, elle s’occupe par exemple de placer les aliments au four, et s’assure que personne ne se brûle.
Des petites attentions qui recréent la confiance de ces jeunes avec les adultes.
Côté santé, elles peuvent également compter sur Emmie, leur infirimière.
“J’accueille les jeunes filles, je recueille des données, je mets en place un suivi de médecine de ville pour les inscrire dans un parcours de soin. Elles sont assez marginalisées, la santé n’est pas un axe prioritaire quand elles arrivent ici.”
Au sein de l’établissement, elle dispose d’un petit cabinet où elle peut s’occuper, en toute confidentialité des résidentes.
“Mon but c’est de créer un lien de confiance suffisamment important pour qu’elles comprennent qu’on a toutes les cartes et que, si à un moment donné, elles ont besoin, elles peuvent toquer.”
Avec les résidentes, les actes qu’elle réalise le plus sont les dépistages et “tout ce qui concerne le traitement des IST”.
Ilies Ammioui, chef de service du centre Gaïa, résume l’organisation de l’établissement comme un “internat” dont l’objectif est d’accompagner ses jeunes “dans le quotidien”, “l’insertion professionnelle”, “la santé”, “l’administratif”, ou encore “la parentalité”.
“Ça reste des jeunes filles, des adolescentes, avec des parcours de vie jonchés de difficultés. (…) L’idée, c’est que plus tard, elles puissent être des femmes indépendantes, autonomes et insérées socialement.”
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