Gabriel Matzneff rattrapé par l’une de ses victimes ?
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
- 26/12/2019
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Adolescente à l’époque, l’éditrice Vanessa Springora dénonce aujourd’hui les rapports non consentis qu’elle a eus avec l’auteur de “Maîtres et complices”
Le goût de Gabriel Matzneff pour “les moins de seize ans” est au cœur de son œuvre, mais jamais l’une des adolescentes séduites par l’écrivain n’avait pris la parole et dénoncé ces actes pédophiles.
L’éditrice Vanessa Springora décrit une relation sous emprise dans un livre qui secoue déjà le monde littéraire, avant sa sortie prévue pour le 2 janvier.
La nouvelle directrice des éditions Julliard raconte sur 200 pages comment elle a été séduite à 14 ans par le presque quinquagénaire [elle le nomme G.] au milieu des années 1980. Publié aux éditions Grasset, “Le consentement” sort dans un contexte de dénonciation des violences sexuelles.
“À quatorze ans, on n’est pas censée être attendue par un homme de 50 ans à la sortie de son collège, on n’est pas supposée vivre à l’hôtel avec lui, ni se retrouver dans son lit, sa verge dans la bouche, à l’heure du goûter”, écrit crûment Vanessa Springora.
Sans acrimonie ni victimisation, Vanessa Springora évoque l’ambivalence d’une époque où la libération sexuelle flirte avec la défense de la pédophilie, la fascination exercée par l’écrivain sur le milieu littéraire, ses proches et elle-même, puis le poids de cette histoire sur sa vie, ponctuée de dépressions.
Et de décrire une emprise qui se poursuit sur le terrain littéraire: l’écrivain écrit beaucoup et couche sur le papier ses conquêtes et aventures sexuelles, y compris avec des garçonnets lors de voyages en Asie.
“Comme si son passage dans mon existence ne m’avait pas suffisamment dévastée, il faut maintenant qu’il documente, qu’il falsifie, qu’il enregistre et qu’il grave pour toujours ses méfaits”, écrit Vanessa Springora, qui signe là son premier livre.
Une époque révolue
Une époque où Louis Aragon, Simone de Beauvoir ou Roland Barthes pouvaient signer une pétition lancée par Matzneff pour la relaxe de trois pédophiles poursuivis devant la justice pour avoir eu des relations avec des enfants de 12 et 13 ans. franceculture.fr
La sortie de cet ouvrage remet un coup de projecteur sur la notion de consentement sexuel.
“Comment admettre qu’on a été abusé, quand on ne peut nier avoir été consentant? Quand on a ressenti du désir pour cet adulte qui s’est empressé d’en profiter ? Pendant des années, je me débattrai moi aussi avec cette notion de victime”, écrit-elle.
“C’est vrai. Les ados sont en demande de tester leur pouvoir de séduction, qu’on leur dise qu’ils sont sexy ou beaux. Et c’est votre putain de rôle d’adulte de leur mettre des limites immédiates”, a réagi sur Twitter la féministe Valérie Rey-Robert.
Aux antipodes, Josyane Savigneau, membre du jury Femina et ancienne patronne du Monde des Livres, a évoqué une “chasse aux sorcières” en mettant en ligne le long article du Monde sur Matzneff publié ce lundi 23 décembre, pour lequel elle a refusé de répondre.
Apostrophé
Lauréat du Renaudot essai 2013, l’écrivain de 83 ans a longtemps été une figure prisée du milieu littéraire, invité à la télévision pour s’épancher, sans trop choquer, sur ses attirances sexuelles, comme l’illustre une séquence d’“Apostrophes” avec Bernard Pivot, très partagée sur les réseaux sociaux.
Il y est interrogé sur ses attirances. Seule la romancière canadienne Denise Bombardier intervient, le comparant à ces “vieux messieurs” qui attirent les enfants avec des bonbons.
Gabriel Matzneff n’a jamais caché ses attirances pour les adolescentes, comme sur le plateau d’ “Apostrophes”, en 1990. Vanessa Springora publie un livre, “Le consentement”, dans lequel elle décrit l’emprise qu’il a exercé sur elle dans les années 80 quand elle était mineure. pic.twitter.com/T2l2xyEsmC
— Ina.fr (@Inafr_officiel) December 26, 2019
Gabriel Matzneff, encore chroniqueur aujourd’hui au Point sur la spiritualité et les religions, n’a jamais été condamné par la justice, rappelle Le Monde, évoquant un “malaise” dans le milieu littéraire.
Apporter une pierre à l’édifice
L’âge de la majorité sexuelle est fixé à 15 ans en France. En dessous, toute relation sexuelle avec un majeur équivaut à une “atteinte sexuelle”.
Dans sa loi contre les violences sexuelles d’août 2018, le gouvernement a renoncé à instaurer un âge minimal de consentement à un acte sexuel, promis à 15 ans, décevant très fortement les associations. Dans deux affaires ces dernières années, des fillettes de 11 ans avaient été considérées comme consentantes par la justice, provoquant un vif émoi.
“J’espère apporter une petite pierre à l’édifice qu’on est en train de construire autour des questions de domination et de consentement, toujours liées à la notion de pouvoir”, explique dans L’Obs Vanessa Springora, qui précise avoir commencé à écrire son livre “bien avant l’affaire Weinstein” fin 2017.
Sollicité via son éditeur, Gabriel Matzneff n’a pas souhaité répondre à l’AFP. Dans un message à L’Obs, il fait part ce jeudi 26 décembre de sa “tristesse” au sujet d’un “ouvrage hostile, méchant, dénigrant, destiné à [lui] nuire”.
Ironie du sort, Gabriel Matzneff se prétendait contre le droit à l’oubli ( sur internet ) dans un article de la rédaction Le Point en 2016.
Que signifie “consentir” quand on a treize ans ?
Dans Le Consentement, on voit comment un type de cinquante ans, qui a fait de sa perversion œuvre littéraire, qui rayonne dans un milieu littéraire pathétique (celui des années quatre-vingt), jette son dévolu sur une petite de quatorze ans, profite de sa vulnérabilité, va commencer à la harceler de lettres dites d’”amour”. Or il n’y a pas d’amour dans le récit de la relation qui va suivre : juste le système d’un maniaque qui assouvit ses obsessions sexuelles en les maquillant de rhétorique, en les “théorisant”, en prônant la “liberté”. Vanessa Springora ne raconte pas seulement les relations sexuelles avec cet homme de 46 ans son aîné quand elle le rencontre dans les années 1980, elle raconte aussi leurs conversations et c’est édifiant. Il s’agit plutôt d’ailleurs d’un monologue : il ne parle que de son goût pour de très jeunes personnes et comment l’assouvir, et comment le reste de la société a tort. Comme s’il fallait la convaincre, l’endoctriner en lui prouvant que tout cela est normal.
Le titre, lui aussi, est important : qu’est-ce que signifie “consentir” quand on a treize, quatorze ans ? Qu’est-ce que signifie “consentir” quand est un petit garçon forcé de se prostituer dans un pays comme la Thaïlande où la misère fait rage ? Article : lesinrocks.com
Les réactions du gouvernement
Le ministre de la Culture Franck Riester a apporté hier soir son soutien à “toutes les victimes” de l’écrivain Gabriel Matzneff, au coeur d’une polémique pour son attirance sexuelle pour les jeunes adolescents. “L’aura littéraire n’est pas une garantie d’impunité. J’apporte mon entier soutien à toutes les victimes qui ont le courage de briser le silence”, écrit le ministre sur son compte Twitter avant la parution début janvier de “Consentement”, témoignage de l’éditrice Vanessa Springora, séduite à 14 ans par Matzneff.
“Je les invite, ainsi que tout témoin de violences commises sur des enfants, à contacter le 119”, poursuit M. Riester.
Le ministre demande par ailleurs au Centre national du livre (CNL) de lui fournir “toutes les précisions” concernant une allocation versée à certains écrivains pour compenser les difficultés financières liées au grand âge ou à la maladie, dont Gabriel Matzneff est bénéficiaire. “Je prendrai mes responsabilités”, ajoute le ministre.
De leur côté, la rédaction du Point défend son auteur :
Alors que son chroniqueur Gabriel Matzneff est sous le feu des critiques, l’hebdomadaire Le Point soutient l’auteur de 83 ans.
Dans le contexte de dénonciation de la pédophilie qui entoure la sortie de “Consentement”, livre écrit par l’une des victimes de l’écrivain, l’éditrice Vanessa Springora, Étienne Gernelle, le directeur du Point déclare:
“Les mêmes journaux qui, il y a trente ans, disaient que l’amour avec les enfants c’est bien, au nom d’une morale soixante-huitarde, voudraient virer ces mêmes gens”.
“La liberté d’expression est importante. Je rappelle que Matzneff n’a pas été condamné.”
Source 1 : huffingtonpost.fr
Source 2 : marieclaire.fr
Source 3 : franceculture.fr
Source 4 : jeanmarcmorandini.com
Source 5 : huffingtonpost.fr
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