Friville-Escarbotin | 14 ans de prison pour viols d’adolescentes recrutées sur internet

Cinq magistrats de la cour criminelle départementale se chargent de juger cette affaire de viols qui sort de l’ordinaire par le nombre de victimes – l’enquête en a identifié 7 – et par les actes extrêmes auxquels elles ont été soumises.

Le huis clos a été prononcé dès l’ouverture.

« Aujourd’hui, alors qu’elles ont été terrorisées pendant de trop longues années, les 3 jeunes femmes présentes veulent que la justice mette un mot sur les actes que Julien B. a imposés et que la honte change de camp », explique le bâtonnier Guillaume Demarcq, avocat des plaignantes aux côtés de Mes Florine Talon et Isabelle Ruellan.

Ce mardi, la cour s’est penchée sur la personnalité du principal accusé.

Julien Boulet, 45 ans, au casier judiciaire encore vierge.

Originaire de Montpellier (Hérault), il avait commencé par venir dans la Somme de temps en temps pour rencontrer une adolescente, dont il avait fait la connaissance sur internet avant de vraiment s’installer dans un logement loué par un habitant à Friville-Escarbotin en septembre 2017.

Célibataire, sans enfant, il est reconnu handicapé à 60 % et ne travaille pas.

L’homme est discret et casanier. Ses volets sont tout le temps fermés.

Il ne reçoit que des visites, discrètes, de cette adolescente devenue jeune majeure.

Cette dernière est fragile. Reconnue handicapée, elle présente des défaillances cognitives.

Pour rappel, les gendarmes étaient sur sa piste depuis janvier 2018, quand le service de modération de moviestarplanet.com, un site de jeux en ligne, avait donné l’alerte : un homme agissant sous le pseudonyme « richissimeboyz » proposait de l’argent virtuel à des mineures en échanges de vidéos d’elles à caractère sexuel ou de rendez-vous dans un hôtel.

Après, son arrestation le 29 juin 2019, la réquisition dévoile des écrits et beaucoup de vidéos et il sera découvert que la jeune majeure était soumise depuis de longs mois à des actes zoophiles et urophiles tarifés, des rapports humiliants, en usant de violence, de menaces .

La victime était réduite à l’état de chose

En décortiquant les dossiers informatiques du mis en cause, ou simplement des cahiers dans lesquels il consignait ses « séances », les gendarmes découvrent que des faits similaires ont été commis dans le sud de la France ( Perpignan, Montpellier, Pezenas, Roquemaure, Céret) sur 6 jeunes filles elles aussi fragiles, toutes rencontrées sur internet (en mentant au départ sur son âge réel).

L’enquête met également en cause l’implication de Cédric G., un habitant du Pas-de-Calais âgé de 47 ans, ingénieur informatique et gérant d’un club libertin, homme apparaissant sur des vidéos tournées dans une chambre d’hôtel de Montpellier, en 2013 et 2015, le mettant en scène avec le suspect principal, son chien, et une jeune femme qui avait 17 puis 19 ans à l’époque.

Il a nié les faits arguant qu’il s’agissait de relations sadomasochistes consenties.

Tout comme Julien Boulet qui a indiqué que « pour le moment », il niait avoir violé les plaignantes.

Son avocat est Me Paul-Henri Delarue.

Pour Maitre Paul­ Henri Delarue, l’avo­cat du principal accusé, « cet homme a encore quelque chose à faire dans la société en tant qu’homme libre, il ne fallait pas le condamner à la peine maximale. Parce que dans ce dossier, il y avait des choses extrêmement discutables juridiquement. Les enregistrements effectués par mon client ont pu montrer que pour certaines plai­gnantes, les éléments constitutifs du viol n’étaient pas réunis : la ques­tion était de savoir si l’agresseur avait conscience de violer une fille, ce qui n’était pas le cas. »

L’homme, natif de Montpel­lier, est venu habiter à Friville­-Es­carbotin (Somme) en septembre 2017 où il a abusé d’une jeune Sa­marienne fragile rencontrée sur internet.

Intrigués par son com­portement sur des sites de discus­sions en ligne, les gendarmes avaient découvert ses agisse­ments, et grâce aux centaines d’heures de vidéos retrouvées chez lui, ils avaient pu identifier 6 autres plaignantes, âgées de 14 à 19 ans, soumises à des actes sexuels extrêmes, entre 2012 e t 2020.

Lors des débats, la cour a pu dé­couvrir un accusé à la personnalité particulière.

Entre ses 18 ans et ses 31 ans, il va passer sa vie calfeutré derrière un ordinateur, sur des jeux vidéo.

« Il s’est éduqué sexuel­lement sur de la pornographie, et il a eu un premier éveil avec une escort­-girl qui va lui apprendre la do­mination et la soumission à l’âge de 30 ans, », rapporte son avocat.

Pour Maitre Delarue, son client « attend une nouvelle renaissance. Il a les clés au travers son éducation à de venir un homme tout à fait respectable ».

Ces trois jours de débat au cours desquels une vidéo a été diffusée ont été « lourds » tant les dossiers sont sordides, pour Me Guillaume Demarcq, avocat de parties civiles avec Mes Florine Talon et Isabelle Ruellan : « La cour s’est plongée sur chaque dossier, chaque pr évention et chaque victime. À partir du mo­ment où des acquittements ont été prononcés, il ne pouvait pas être condamné à la peine maximale en­ourue ».

Après trois jours de débats devant la cour criminelle de la Somme, le verdict es tombé jeudi 11 avril, peu avant 23 heures : Julien Bou­let, 45 ans, est condamné à 14 ans de prison.

L’homme a été reconnu coupable de viols sur quatre victimes et il a été acquitté pour les trois autres.

Son coaccusé, Cédric G., gérant d’un club “libertin” un ingénieur infor­matique de 47 ans du Pas­-de­-Ca­lais, contre qui le parquet général avait requis 9 ans de prison, est ac­quitté.