France | L’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une priorité absolue

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“Il est urgent de faire cesser l’omerta sur les violences sexuelles”
La Défenseure des droits, Claire Hédon, et son adjoint Défenseur des enfants, Eric Delemar, ont été auditionnés le 9 mai par la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE).

La Défenseure des droits dont la mission est de défendre les droits de tous les enfants et de garantir le respect de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE), se félicite du travail nécessaire de la CIIVISE en matière de lutte contre les violences faites aux mineurs. Cette lutte doit être un objectif prioritaire des politiques publiques.

Dans les situations de violences sexuelles sur mineurs soumises au Défenseur des droits, plusieurs difficultés sont identifiées de manière récurrente.

Les difficultés persistantes dans le traitement judiciaire

La Défenseure des droits constate fréquemment, dans les dossiers de dénonciation d’infraction sexuelle sur mineur dont l’institution est saisie, des enquêtes judiciaires très succinctes dans lesquelles ni les professionnels en contact quotidien avec le mineur ne sont sollicités ou entendus – comme les enseignants, éducateurs, ou professionnels médico-social, ni d’autres membres de la famille, du voisinage ou de l’entourage du mineur.

Les délais d’enquête observés dans certains dossiers ne permettent souvent pas une réponse adaptée.

La Défenseure des droits constate par exemple l’absence d’actes d’enquête pendant plusieurs mois doublée d’un délai de procédure trop long jusqu’au jugement de l’affaire.

Or l’issue de l’enquête pénale est déterminante pour les décisions qui interviendront sur la vie de l’enfant.

Le manque de communication et d’échange d’informations entre les différents services

La Défenseure des droits a également souligné, dans plusieurs situations, une prise en charge inadaptée de l’enfant par les institutions qui porte atteinte à leur droit d’être protégé de toute forme de violences : défaut de surveillance continue, défaut de prise en compte des dangers inhérents, manque de discernement dans la gestion de la situation…

Le risque de survenance de ce défaut de prise en charge adaptée est redoublé lorsque des enfants sont hospitalisés dans un service de psychiatrie adulte.

Ces situations résultent souvent d’un manque de partage d’informations entre les professionnels intervenant dans l’intérêt de l’enfant et un cloisonnement des interventions dont on observe encore aujourd’hui un fonctionnement « en silo », sans coordination globale.

Le recueil inadapté de la parole de l’enfant

La sensibilisation et la formation de l’ensemble des professionnels en lien avec les enfants au recueil de la parole de l’enfant sont primordiales.

Les rapports annuels du Défenseur des droits de 2019 « Enfant et violence : la part des institutions publiques » et de 2020 « Prendre en compte la parole de l’enfant : un droit pour l’enfant, un devoir pour l’adulte » formulent des recommandations visant à protéger l’enfant en permettant que sa parole soit écoutée et prise en compte dans des conditions satisfaisantes.

L’éducation à la sexualité des plus jeunes doit permettre une prévention efficace

La Défenseure des droits souligne depuis plusieurs années[1] la nécessité de développer une approche globale de l’éducation à la sexualité, intégrant ses aspects affectifs, psychologiques ou sociaux au même titre que ses aspects reproductifs.

Elle regrette la trop faible mise en œuvre de la loi de 2001 dans les établissements scolaires, alors que l’éducation à la sexualité peut contribuer à aider un enfant ou un adolescent à mettre des mots sur le comportement déviant d’un adulte et à le dénoncer.

 

La Défenseure des droits appelle à un changement de culture radical.

Il est urgent de faire cesser l’omerta sur ces violences par la mobilisation et le renforcement de la formation des professionnels en lien avec les enfants, y compris des médecins.

Il est urgent également de créer les bonnes conditions de l’accueil et du recueil de la parole par la création d’espaces dédiés notamment dans les commissariats et les gendarmeries mais également dans les tribunaux, et de favoriser l’évolution des pratiques et du droit.

Les travaux de la CIASE et de la CIIVISE, l’impact attendu sur le traitement judiciaire de ces situations, couplés à une écoute de la parole des enfants victimes, doivent conduire à un changement de culture radical permettant de faire primer leur intérêt supérieur sur toute autre considération dès les premiers soupçons de violence.

[1] Avis du Défenseur des droits n°19-03

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