France | Agnès Naudin : “Pour les ados, filmer des actes sexuels, les leurs ou ceux des autres, est banalisé”

“Pour les ados, filmer des actes sexuels, les leurs ou ceux des autres, est banalisé”. Agnès Naudin, capitaine de police en Ile-de-France, publie “Affaires d’ados”. Son but : la prévention.

Agnès Naudin capitaine de police

Pourquoi publier cet ouvrage, en racontant des affaires marquantes traitées par votre service, mais aussi votre vie privée ?

C’est un ouvrage qui a plusieurs buts : parler de notre profession, faire comprendre ce qu’on fait, et montrer, en parlant de la vie privée, qu’on n’est pas des robots.

À côté de ça, c’est surtout un livre pour les parents, pour leur permettre de comprendre quels peuvent être les bons réflexes dans certaines situations.

Qu’observez-vous sur les liens entre adolescents, sexualité et pornographie ?

Je pense qu’il y a un déni chez les parents, qui crée des situations très dangereuses.

Dire à nos enfants que ce n’est pas bien pour les ados de regarder du porno, c’est bien, mais c’est un concept.

Montrer véritablement jusqu’où ça peut mener, ce n’est pas la même chose.

C’est pour ça que j’ai choisi la première affaire dont je parle, où des ados se filment en ayant des relations sexuelles et diffusent ensuite les images.

Je veux que les jeunes comprennent que quand ils se filment et qu’ils le diffusent via les réseaux sociaux à d’autres personnes, à partir du moment où il y a des mineurs, c’est de la pédopornographie et c’est un délit.

Est-ce fréquent ?

C’est quelque chose qui est devenu très courant.

Ce dont j’ai peur, c’est qu’on soit arrivé à un point où pour l’adolescent, la porte d’entrée dans la sexualité soit directement le porno.

Ils se construisent avec cette vision-là.

Pour eux, filmer des actes sexuels, les leurs ou ceux des autres, est complètement banalisé.

À partir du moment où ces images sont diffusées, chez les copains ou les copines, c’est dramatique en termes d’impact psychologique sur des personnalités qui ne sont pas construites.

Autre récit : la question du consentement entre une jeune adolescente et un adulte ?

Je voulais expliquer ce que cela recouvre, et prendre position pour dire qu’il ne faut pas selon moi descendre l’âge de la minorité sexuelle à 13 ans.

Il faut pouvoir continuer à traiter policièrement ce type d’histoires avec soin, car il y a des phénomènes d’emprise.

Sinon, on va passer à côté d’affaires dramatiques.

Vous racontez aussi un viol intrafamilial entre un grand frère et sa demi-sœur ?

C’est un cas qui se produit de plus en plus dans le cadre des familles recomposées, avec une combinaison entre l’accès du porno sur internet et les recompositions familiales qui font sauter l’obstacle de l’inceste.

Il faut faire attention à ce qui se passe sous son toit, et être attentif aux signaux d’alertes, quand un enfant change de comportement.

On est frappé par la précocité sexuelle que vous décrivez ?

C’est le cas.

Je ne sais pas ce que vont devenir plus tard ces ados qui sont biberonnés au porno.

On banalise la sexualité et c’est un problème de société dont les parents n’ont pas conscience.

Il faut se poser la question de comment aborder la sexualité avec les ados.

Moi, je fais ce constat dans mon bureau, et je veux faire de la prévention : faites attention, personne n’est à l’abri.

Source : Midi Libre

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