
Évry | 18 mois de sursis pour agressions sexuelles et violences sur ses filles
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 18/03/2025
- 11:46
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La plupart des affaires jugées ici sont des agressions sexuelles et des violences sur mineur.
Les victimes, souvent éprouvées par les faits et terrifiées par le procès, viennent à l’audience, entendent la juge leur annoncer que leur affaire ne pourra pas être jugée ce jour car d’autres dossiers attendent depuis plus longtemps, et qu’il faut revenir dans neuf mois.
Le plus souvent, elles ne reviennent pas. Leur avocat explique :
« Elles l’ont très mal vécu la première fois, revenir était au-dessus de leur force ».
Quand le dossier repose essentiellement sur leurs déclarations, cette absence, fatalement, affaiblit l’accusation.
Les filles de Marc, 56 ans – lunettes rondes et teint rosé – ne sont pas revenues.
Il écoute seul à la barre la présidente faire un résumé des faits d’agression sexuelle incestueuse qui lui sont reprochés.
La psychologue de Julie*, l’aînée, adresse une information préoccupante aux autorités en mai 2023.
Sa patiente lui a confié que son père lui aurait touché la poitrine quand elle avait 14 ans, 6 ans plus tôt.
En fait, elle ne s’en souvenait pas en raison de « l’amnésie traumatique » qui la touche, rapporte la présidente, mais sa petite sœur Alice* lui a rafraichi la mémoire.
Julie dit aussi qu’elle se souvient avoir pris une douche avec son père quand elle avait 12 ans, et avoir découvert, en fouillant son compte Instagram, qu’il l’utilisait pour converser avec de jeunes adolescentes.
L’homme était aussi violent, dit-elle. Il l’aurait rouée de coups au sol lorsqu’elle avait 11 ans.
Alice s’est également confiée à sa psy, qui aurait fait un signalement si celle de Julie ne s’en était pas déjà chargé.
Comme sa sœur évoque des violences physiques, pour lesquelles leur père n’est pas poursuivi.
Elle décrit une scène qui se serait déroulée chez la grand-mère maternelle : le père qui leur touche les seins et les fesses à table, pendant le dîner.
La grand-mère interrogée dit n’avoir rien vu, sauf un mouvement brusque de Julie qui s’écarte brusquement de son père. Elle dit aussi, pour le contexte, que son gendre est grossier et vulgaire.
Alice explique encore que son père tente d’ouvrir la porte de la salle de bain verrouillée avec une fourchette. Cela s’est déroulé à leur domicile de Draveil et dans leur location de Samoëns, lors d’un séjour à la montagne.
« Je n’ai jamais été un tyran »
Auprès des policiers, Marc nie avoir eu les comportements dont on l’accuse. S’il a touché les fesses et les seins de ses filles, c’est « sans faire exprès », « peut-être en leur faisant des chatouilles, par affection », a-t-il soutenu.
Au tribunal, il déclare sur le ton gouailleur qui semble être le sien :
« Tout ce que je viens d’entendre, ça me fait très mal. Je n’ai jamais touché les seins et les fesses de mes filles, c’est vraiment l’incompréhension totale. J’ai toujours été un père normal, j’ai tout fait pour mes enfants : la maison avec le jardin, les vacances au ski. »
La présidente reprend donc les déclarations des filles :
« Elle dit aussi que vous lui touchiez les seins et les fesses.
— C’est faux, j’ai toujours évité ces endroits là.
— Vos filles ont parlé de violences aussi, qu’en dites-vous ?
— Quelques fessés et des coups de pied aux fesses, mais jamais ce qu’elles ont décrit.
— À sa psy, Julie dit avoir ‘vécu son enfance dans un climat incestueux.’
— Elles avaient un mal-être depuis 2-3 ans, mais leur enfance a été normale. Elles ont toujours fait ce qu’elles voulaient, je n’ai jamais été un tyran. Je me suis mis en colère deux fois en 20 ans. Parfois, je haussais le ton, mais c’était très exceptionnel.
— Dans quel but font-elles cela ?
— Me nuire.
— Pourquoi ?
— Je cherche l’explication. J’ai tout fait pour elles. Tout. Comme un bon père de famille fait pour ses enfants. »
La mère des enfants est présente. Ils sont séparés ; elle vit dans la maison familiale avec les filles, il est hébergé par sa mère en Bretagne. Une procédure de divorce est engagée.
« Vous avez cru vos filles ? »
La mère est appelée à la barre et la présidente demande :
« Décrivez-nous les choses.
— Ça se passait bien quand elles étaient jeunes, et il y a eu un moment où leur père est devenu brutal
— Envers les deux ?
— Envers tout le monde. Si nous ne partagions pas les mêmes idées, c’était compliqué. Après, Alice a eu des problèmes avec la nourriture. Elle ne mangeait plus. C’était difficile pour elle. Il la forçait à manger.
— Est-ce qu’il essayait d’entrer dans la salle de bain quand elles y étaient ?
— Je n’ai pas remarqué ce genre de comportements.
— Elles décrivent toutes les deux des attouchements. Vous avez pu voir ce genre de gestes ?
— Je n’ai pas remarqué.
— Quand vous l’avez appris, quelle a été votre réaction ?
— Je me suis demandé : qu’est-ce qu’il s’est passé que je n’ai pas vu ?
— Vous avez cru vos filles ?
— Je me pose des questions.
— Vous les croyez ou vous ne les croyez pas ?
— Je ne peux pas dire que je ne les crois pas.
— Vous les trouvez comment aujourd’hui
— Mieux, c’est beaucoup plus calme. Il n’y a plus cette crainte qu’elles avaient. Ça fait un an qu’il n’y a plus d’échanges avec leur père.
— C’est normal, il y a une interdiction de contact. »
La juge assesseur de gauche demande :
« Si les faits n’étaient pas avérés, pourquoi elles iraient formuler de telles dénonciations ? »
et la mère ne sait que répondre. La juge assesseur de droite prend les commandes :
« La psychologue dit ‘famille carencée, ambiance violente’ … est-ce que c’est votre quotidien de l’époque ?
— Il y avait cette brutalité.
— C’était quotidien ? Monsieur dit que c’est arrivé deux fois.
— Non, c’était régulier.
— Tout le temps ?
— Non, quand même pas.
— Et vos filles ? Vous les sentiez malheureuses ?
— En colère, je dirais. Ce n’était pas un climat apaisé. »
Depuis le début de la procédure, Marc est suivi par un psychiatre qui l’aide à comprendre ce qui « cliche » chez lui. La présidente lui demande :
« Vous en retenez quoi ?
— Il a fini par me dire que j’étais une belle personne, j’en retiens la conclusion ! » Marc aime bien aller chez son psy.
En l’absence des parties civiles, leur avocate doit « soutenir la parole de ces deux jeunes filles », et la première chose qu’elle voudrait préciser est « qu’elles n’ont pas eu la volonté de nuire. »
Elle répète ce qu’Alice racontait à sa psy :
« Il nous traite de folle, il continue à nous rabaisser, il me traite de grosse. Il ne se remet jamais en question. Il n’est pas capable d’entendre la souffrance de ses filles. »
Elle apporte une précision : Julie a été agressée sexuellement lors d’une soirée entre amis, quand elle avait 15 ans.
Depuis, elle est en dépression, a été hospitalisée en psychiatrie et le psychiatre évalue son retentissement psy à 4/7.
Elle présente des éléments de stress posttraumatique. Les deux filles voient un psychologue toutes les semaines encore aujourd’hui.
« Leur fatigue morale est importante, Alice éprouve un sentiment de dégoût à l’égard de son père, c’est une jeune femme fragilisée », dit le rapport psy.
Aujourd’hui, elles regrettent les conséquences judiciaires de leur parole et aimeraient revoir leur père.
« L’impact de la procédure sur lui a été stratosphérique »
La procureure n’ose pas parler d’emprise mais « d’une cellule familiale qui dysfonctionne ».
Elle rappelle que si le parquet existe, « c’est notamment pour protéger les victimes contre elles-mêmes », leur sentiment de honte et de culpabilité.
Elle estime que les déclarations des deux filles et le retentissement traumatique constaté sont suffisamment d’éléments pour déclarer le prévenu coupable et le condamner à 12 mois de prison avec sursis probatoire, incluant une interdiction de contact.
L’avocate de la défense s’accoude à son pupitre, se frotte le menton :
« Mesdames, ce dossier me met mal à l’aise. »
Elle concède ne pas connaître la vérité, mais « ce que je peux vous affirmer, c’est que l’impact de la procédure sur lui a été stratosphérique ».
L’avocate regrette qu’on n’ait pas interrogé l’environnement familial de son client (sa sœur et sa mère sont à l’audience) et constate qu’on a passé plus de temps à parler des violences pour lesquelles il n’est pas poursuivi que des agressions sexuelles incestueuses qui, selon elle, n’ont jamais existé, et c’est pourquoi elle demande la relaxe.
Non seulement elle ne l’obtient pas, mais le tribunal condamne Marc au-delà des réquisitions, à 18 mois de prison avec sursis probatoire incluant une interdiction de contact avec ses filles pendant trois ans.
*Les prénoms ont été changés
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