En attente du procès de son père pour inceste, ma fille de 5 ans est en garde partagée

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A l’heure actuelle, plus de 70% des plaintes de ce type sont classées sans suite.
Cette maman mène un combat judiciaire contre son ancien compagnon, que leur fillette de 5 ans aurait accusé de violences sexuelles. L’avocat de cette mère, Me Paul Gallix, nous parle des possibilités mais aussi des limites du système pour défendre les victimes d’inceste.

Un enfant sur dix serait victime d’inceste.

Parmi ces victimes, peu obtiennent justice puisque moins d’un millier d’agresseurs sont condamnés chaque année… quand les affaires arrivent déjà jusqu’au procès.

Ainsi, de nombreux enfants victimes d’agressions sexuelles incestueuses sont obligés de rendre visite ou de résider avec leur parent incestueux.

Dans le cadre d’un divorce, l’autre parent, souvent la mère, peut être condamné à de lourdes peines de prison ferme ou avec sursis et mise à l’épreuve s’il ne confie pas son enfant à son agresseur présumé, dans le cadre de la loi de non-représentation d’enfants.

C’est exactement l’histoire que nous raconte Florence*, dont la fille Marine*, aujourd’hui âgée de 5 ans, aurait subi des violences sexuelles de la part de son père.

Victime de violences conjugales (le père a été condamné à du sursis en 2013), la jeune mère finit par se séparer du papa en 2017.

La garde partagée est accordée par le juge des affaires familiales en 2019.

Après 15 jours passés chez son père, la fillette revient complètement bouleversée :

« C’était une vraie tempête émotionnelle, elle a mis des jours à retrouver un comportement normal », raconte cette maman infirmière de profession, qui est désormais formatrice auprès de publics paramédicaux.

Même si sa fille ne voulait pas retourner chez son père, Florence était dans l’obligation d’appliquer le jugement.

« Papa me touche la foufoune avec ses doigts »

A chaque passage chez son père, Marine semble aller de plus en plus mal.

« A l’âge de 4 ans, un médecin lui a même prescrit une sorte d’anxiolytique par homéopathique », se désole la maman.

Alors qu’elle fait la toilette à sa fille, celle-ci lui aurait demandé de lui laver le sexe « pour faire des guillis, comme fait papa », ce qui interrogea fortement la mère.

Mais les suspicions de sévices sexuelles de Florence se sont véritablement confirmées en avril 2020, quand sa fille demanda à un homme au cours d’un diner à la maison de lui faire des caresses.

« Maman, papa il me touche la foufoune avec ses doigts », se justifie la petite fille, qui raconte que son père vient la nuit et que ça lui fait un peu mal.

Florence se mit alors à enregistrer les propos de son enfant.

Marine lui raconta également comment il a joué à la chenille pour faire rentrer sa saucisse dans le trou de sa foufoune.

Florence s’est alors rendue immédiatement au commissariat pour porter plainte.

Le soir même, la petite Marine dessinait des phallus sur le carrelage, visiblement en état de choc.

Quelques jours jours plus tard, la fillette est entendue par la gendarmerie mais elle refuse de parler.

Sur les conseils d’un médecin, elle est hospitalisée, pour être suivie.

Elle s’introduit la nuit des doigts dans l’anus, ne souhaite plus se laver et s’endort uniquement dans les bras de sa mère.

Elle est à nouveau entendue par la police, mais à chaque question concernant son père, elle répond : « Je ne sais pas ».

Quelques temps plus tard, la petite fille se confie à un psychologue scolaire.

Sa mère dépose une nouvelle plainte. Une pédopsychiatre conclut alors à « une situation très préoccupante ».

Garde à vue pour non-représentation d’enfant

Une enquête est alors ouverte.

Mais voilà, Florence est finalement convoquée pour non-représentation d’enfant par son ancien conjoint. Elle est mise en garde à vue.

« Malheureusement, c’est une situation assez courante. De nombreuses femmes finissent par être poursuivies, voire condamnées, alors qu’elles cherchent au départ à défendre l’intégrité morale et physique de leurs enfants victimes d’agressions sexuelles incestueuses », déplore Ghada Hatem, fondatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis. « Quand elles portent plainte, pour dénoncer les agressions sexuelles incestueuses subies par leurs enfants, les mères constatent que les pères obtiennent quasi-régulièrement un non-lieu sous couvert d’un manque d’éléments non suffisamment caractérisés et de la nécessité de maintenir le lien parental. Et souvent, les pères vont porter plainte contre elles pour dénonciation calomnieuse, entraînant ainsi de nouvelles condamnations de prison assorties de dommages-intérêts pour ces femmes qui cherchent à protéger leurs enfants », explique-t-elle.

Florence se trouve actuellement dans cette situation.

Son ex-compagnon a porté plainte pour diffamation, car elle a raconté son histoire à la presse.

« C’est une véritable guerre judiciaire, c’est horrible », confie Florence, qui a vu plusieurs avocats laissant tomber son dossier.

Depuis quelques mois, Me Paul Gallix, avocat au barreau de Montpellier, la représente.

« Ce sont des dossiers complexes, car il faut jongler entre des procédures auprès du juge des enfants, du juge des affaires familiales et au pénal », explique-t-il. « Mon choix de la défendre n’est pas militant, d’ailleurs j’ai aussi défendu des pères accusés à tort. Mais dans ce dossier, des preuves existent, je veux défendre cette enfant », déclare-t-il.

Depuis mi-décembre, pour des raisons médicales, la fillette n’est pas retournée chez son père :

« Elle reste une enfant plutôt joyeuse, mais on la fait suivre de près. Elle va beaucoup mieux, en apparence. Elle fait preuve d’amnésie traumatique. »

Mais en tant que mère, Florence se sent impuissante et désarmée :

« C’est l’inconcevable pour un parent. Malheureusement, on réalise en parlant que l’abus d’enfants n’est pas si rare, mais les procédures judiciaires n’incitent pas à faire entendre sa voix », confie-t-elle. « D’après les gendarmes qui donnent leur compte-rendu au procureur, il n’y a aucun élément vraisemblable, malgré le témoin, les dessins, l’enregistrement audio. Pour eux, c’est un conflit pour la garde de ma fille et je fais ça car je suis toujours amoureuse de mon ex », se désole-t-elle.

Elle regrette ainsi que la parole de l’enfant victime soit à ce point discriminée.

Ghada Hatem donne son point de vue  :

« Aujourd’hui en France, des voix se font entendre et au-delà de la parole, l’écoute se libère. Dans de nombreux cas, il reste cependant très difficile de dénoncer des violences incestueuses, notamment dans le cadre d’une procédure de divorce. Les propos des enfants sont régulièrement remis en cause car les mères se voient accusées de manipulations, et on a vite fait de parler de syndrome d’aliénation parentale. »

Pour une meilleure information et éducation de la police

Selon le réalisateur Patric Jean, auteur de la La loi des pères, une enquête choc sur l’aveuglement de la justice face à l’inceste et à la pédophilie, la justice française ne veut pas prendre la mesure du phénomène d’inceste.

A l’heure actuelle, 70% des plaintes sont classées sans suite et certains agresseurs écopent seulement de peines avec sursis.

Les faits sont là : aujourd’hui, en France, vous risquez beaucoup plus si vous commettez un vol caractérisé que si vous agressez sexuellement un enfant.

Dans les colonnes de Marie Claire daté de janvier 2021, il l’explique par plusieurs raisons et notamment, celle de la remise en cause de notre vision de la famille :

« Admettre que l’endroit où l’enfant est le plus en danger en termes d’agressions sexuelles ou de viol est sa propre famille et son entourage proche (…) c’est une révolution copernicienne de la pensée. »

« Il y a un manque total d’éducation, d’information et parfois d’empathie du côté de la police », estime pour sa part la jeune mère.

Un point de vue que partage également Patric Jean :

« Il faut former beaucoup plus de bons professionnels à l’écoute des enfants, former les magistrats de manière plus pointue, et donner les moyens à la justice de ne plus classer ces dossiers et d’ouvrir des enquêtes. Tant que des moyens ne seront pas alloués, les enfants n’ont aucun intérêt à parler. D’ailleurs aujourd’hui des mères ont peur que leurs enfants parlent par crainte des répercussions. Elles ne sont pas toujours complices. Pour certaines, dès qu’elles commencent à parler, on les fait taire : “Mais qu’est-ce que vous dites là ? Vous avez mis ça dans la tête de votre enfant”. Des avocats conseillent parfois à leurs clientes d’y aller très, très mollo parce que même en cas de fortes suspicions, ça peut se retourner contre la victime et contre sa mère. »

Un système judiciaire dépassé ?

De tels changements dans l’écosystème judiciaires impliquerait plusieurs coûts.

En France, 10% des enfants, cela correspond à 720 000 victimes estimées parmi les mineurs actuellement scolarisés.

En prenant également en compte ceux qui ont 18 ans et dont les affaires ne sont pas prescrites, vous avez près d’un million de victimes susceptibles de demander des comptes à leurs agresseurs devant la justice.

« Mais le système judiciaire n’est pas capable d’en encaisser 10%. La justice n’a donc pas d’autre choix que de botter en touche en classant 70% des plaintes, et en acceptant encore des théories fumeuses du type du “syndrome d’aliénation parentale” (SAP) où l’enfant mentirait, poussé par sa mère », décryptait ainsi Patric Jean, toujours dans Marie Claire.

En attendant la suite des procédures judiciaires, Florence espère obtenir la garde exclusive. En partageant son combat, elle souhaite faire entendre la parole des victimes et alerter sur certaines défaillances du système judiciaire en ce qui concerne l’inceste.

« Les délais sont longs, certes, mais il y a des ressorts, tout comme des solutions pour les familles. Je ne jette pas la pierre aux magistrats, car il faut également entendre que dans certaines affaires, la parole des enfants est difficile à crédibiliser, d’autant plus depuis l’affaire Outreau. Pour autant, il faut continuer de faire confiance à la justice. Les juges des enfants notamment gardent un œil attentif sur les enfants, même lorsque les affaires sont classées sans suite pour faute de preuves », nuance l’avocat au barreau de Montpellier.

Le gouvernement vient pour sa part d’annoncer sa volonté de faire voter un seuil de non-consentement à 18 ans dans le cas d’inceste.

Note de Wanted Pedo : Il s’agit d’une maman que nous accompagnons pour faire entendre la voix de sa fille.

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