Creuse | 10 ans de prison pour le pédocriminel coupable de viols et détention de pédoporno
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 22/09/2022
- 12:48
Il lui sera fait interdiction pendant cinq ans d’avoir une activité en lien avec les enfants et sera inscrit au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes.
Ce mercredi 21 septembre, dans le cadre du procès aux assises d’un homme de 56 ans poursuivi pour viol sur mineure, la victime a été reconnue comme telle et un sérieux coup a été porté par la justice à la culture du viol.
L’avocate de la victime, Christel Jousse, a d’abord vivement dénoncé un « dossier de la confusion ». Confusion des rôles chez l’accusé : il représentait une image quasi paternelle pour la victime, avant de lui imposer son « désir d’adulte », son « désir sexualisé ».
Or cette dernière était en recherche, après la mort de son père, d’une figure paternelle. Elle avait besoin de « repères » et était reconnue comme « docile, émotive, fragile ».
« Même l’accusé le dit ! », tance-t-elle.
« Elle a besoin de lui, il lui sert de père. Comment peut-on croire qu’elle a voulu, qu’elle a initié les relations sexuelles ? ».
Pour elle, l’accusé a sciemment « abaissé les barrières » et opéré un « rapprochement affectif » pour obtenir des relations sexuelles avec cette enfant de plus de 35 ans sa cadette.
« Il y a une confusion des rôles maximale, une transgression générationnelle. C’est gravissime ! »
L’avocate de la victime a également fustigé un accusé « pas à court de mensonges et d’idioties » – en référence à ses explications (*) pour nier la paternité de l’enfant de la victime – et un entourage familial coupable d’un « concert de dénigrement contre cette petite fille ». S’adressant à la cour, elle a demandé à « lever les ambiguïtés » sur cette affaire : il s’agit bien d’un viol sur une personne mineure.
Elle a terminé en évoquant l’enfant né de la relation entre l’accusé et la victime :
« Vous devez rendre à cette petite fille la mère qu’elle mérite d’avoir. »
Au tour de l’avocate générale de s’exprimer. Lydie Warolin a rappelé que la loi a évolué mais que celle qui doit être appliquée est celle qui était en cours à l’époque des faits. Et celle-ci reconnaît que :
« La contrainte morale peut résulter d’une différence d’âge et d’une autorité morale de fait de l’auteur sur la victime ».
S’appuyant sur le fait qu’il existe :
« Enormément d’études sur les traumatismes liés à des abus sexuels », l’avocate générale liste ceux dont la victime a pu faire part : « la honte, les insomnies, les cauchemars, les crises de larmes », etc.
Elle y voit le signe, confirmé par les experts psychologues convoqués lors du procès, des abus sexuels subis par la victime.
Lydie Warolin n’a pas manqué de relever la constance de la victime dans ses accusations, quand bien même ses souvenirs sont très imprécis, comme c’est justement le cas chez les victimes d’abus sexuels. A l’inverse, elle a critiqué l’accusé en ce qu’il a largement fluctué dans ses dépositions, « pour se dédouaner de ses responsabilités ». Avant de poser un constat global :
« La relation entre un adulte et un enfant est une relation inégale. L’adulte a autorité, et lorsqu’il vient introduire des relations sexuelles, ça brise le psychisme de l’enfant. L’enfant accepte pour ne pas décevoir. Et puis il y a un chantage insidieux, au fil des ans. On détruit, on insulte, on dégrade, on menace. C’est du viol. Une forme plus pernicieuse. Où l’agression est cachée sous couvert d’affection. » LYDIE WAROLIN (Avocate générale)
Et d’ajouter que contrairement à ce qu’a pu dire l’avocat de la défense pendant le procès :
« La victime qui revient vers son bourreau, c’est assez fréquent ». « On le voit bien avec les femmes victimes de violences. »
Elle a requis 12 ans de réclusion criminelle, trois ans de suivi socio-judiciaire, avec obligation de soins et interdiction de contact avec la victime.
Jean-Christophe Romand a finalement pris la parole. Le conseil de l’accusé a commencé sa plaidoirie à l’envers, en réclamant directement la relaxe pour tous les chefs d’inculpation. D’abord concernant la détention d’images pédopornographiques, puis les chefs d’inculpation les plus graves, en particulier le viol sur mineur.
« Pour entrer en voie de condamnation, a-t-il dit en s’adressant aux jurés, vous devez vous dire : “J’ai la certitude absolue qu’il n’y avait pas de consentement” ».
Pour l’avocat, aucun doute : ce consentement existait.
« Si la victime fait des crises pour venir à la ferme de l’accusé, c’est que là où elle va, c’est mieux que là où elle est », a-t-il argué.
Balayant les études sur le sujet, Jean-Christophe Romand a tenté de convaincre que les victimes d’abus sexuels ne reviennent pas vers leur agresseur, n’ont pas de sentiment pour eux. Il a fait mine de reconnaître le statut de victime de la partie civile, pour mieux le nier ensuite :
« Est-ce que c’est la victime de l’accusé ? Ou celle d’autre chose ? », a-t-il interrogé de manière rhétorique.
Dans une imitation caricaturale de ce que serait pour lui le comportement d’une « vraie » victime, il s’est écrié, en se tournant vers l’accusé :
« Je ne t’ai jamais aimé, tu m’as violée ! ».
Puis se tournant vers les jurés :
« Vous l’avez vu ça pendant son procès ? »
Non. Il a enjoint la cour à ne pas entrer dans des considérations morales, notamment sur les écarts d’âge (alors que la loi y fait référence) :
« Une jeune fille à 14 ans, elle n’a pas droit d’être amoureuse ? » JEAN-CHRISTOPHE ROMAND (avocat de la défense)
Et le conseil de se laisser aller à des considérations douteuses sur la vénalité des femmes, sur la compétence de l’enquêtrice de la police judiciaire « bombardée », pour sa première affaire, « directeur d’enquête pour crime aggravé », mais aussi, sur la sexualité des hommes, réputée incontrôlable :
« C’est bien naturel ! Comme une vessie qui doit se libérer. »
Dans un élan théâtral, il s’est exclamé, à propos de la relation entre l’accusé et la victime :
« Non, c’est pas dégueulasse ! L’amour, c’est la vie ! ».
L’amour, c’est la vie. Mais défendre une conception égalitaire des relations amoureuses et protéger les enfants, c’est le rôle de la société et de la justice. C’est pourquoi la cour d’assises a décidé, après plus de six heures de délibéré, de condamner l’accusé à 10 ans de réclusion criminelle pour l’ensemble des faits qui lui sont reprochés. Sa peine est complétée par l’interdiction pendant cinq ans d’avoir une activité avec des mineurs. Il sera inscrit au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes et a également été condamné à la somme de 20.000 euros au titre du préjudice moral.
(*) L’accusé a notamment avancé que sa victime avait dû tomber enceinte par la simple utilisation des toilettes après que l’accusé y ait eu une relation sexuelle.
Réactions à l’annonce du jugement
Christel Jousse, avocate de la partie civile :
« En termes de peine, je n’avais pas d’attentes particulières, (la victime) non plus. Ce qu’on voulait, c’était restituer la place de chacun : la place de la victime, la place de l’auteur. Certaines confusions régnaient au terme des déclarations de l’accusé. Seul comptait ce statut de victime qu’il fallait lui accorder. En ce qui concerne la peine, très objectivement, elle me semble adaptée. »
Jean-Christophe Romand, avocat de la défense :
« (Mon client) n’est pas dans l’esprit de contester la décision dans la mesure où il a effectué trois ans en détention provisoire et où ça me paraîtrait risqué de retourner devant une cour d’assises qui, de façon traditionnelle, aurait des réquisitions encore plus élevées que les douze années réclamées. Cette affaire nous conforte dans l’idée, en termes de défense, que la parole d’une jeune victime est sacrée et que même si on a des éléments substantiels au dossier pour la remettre au moins partiellement en cause, c’est devenu impossible. »
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