Cherbourg | 10 ans de prison pour l’homme qui a violé une enfant une vingtaine de fois

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« Non, ce ne sont pas des conneries, ce sont des crimes. Il faut dire : « J’ai commis des crimes »
Un homme comparaît devant la cour d’assises de la Manche, ces lundi 6 et mardi 7 décembre 2021, pour viols et agressions sexuelles d’une adolescente, commis à Cherbourg en 2010

Un homme, âgé 64 ans aujourd’hui, comparaît devant la cour d’assises de la Manche pour viols et agressions sexuelles commis à Cherbourg en 2010 à l’encontre d’une adolescente, âgée de 13 ans au moment des premiers faits.

L’homme a toujours nié.

Jusqu’au jour de son procès, ce lundi 6 décembre 2021.

Il adressait même en mai 2018 au magistrat instructeur un courrier qu’il avait travaillé avec sa femme et sa fille pour nier les faits, accusant la jeune fille d’avoir détruit sa vie et celle de sa famille.

Neuf années d’un déni qui s’est interrompu brutalement lundi matin, juste avant le procès, quand il a reconnu devant sa fille et l’un de ses fils qu’il avait bien commis les viols.

Un déni qui détruit une famille…

À la barre, la fille de l’accusé, 40 ans, mère de famille, restait dans l’attitude de rejet.

Un magistrat l’interroge:

« A 13 ans, vous pensez qu’une enfant peut avoir des relations consentantes avec un homme de 53 ans ? ».

La fille de l’accusé déclare:

C’est mon père. S’il ne revient pas, je ne sais pas ce que je vais dire à ma fille qui se plaint de ne plus voir son papy.

Le président rétorque:

« Vous êtes maman d’une fille »

« que diriez-vous si on vous apprenait qu’elle était agressée par un homme de 40 ans plus âgé qu’elle ? Pourtant, votre père vous l’a dit. Il reconnaît les faits et il en reconnaît la gravité. Quelle est votre réaction ? »

Elle répond:

« Je pleure. J’ai peur pour ma fille, j’ai peur pour ma mère. »

Une mère, épouse de l’accusé, qui a refusé de venir témoigner.

Trompée, utilisée, salie

L’adolescente agressée, aujourd’hui jeune femme, ne veut pas le statut de « victime ».

Droite à la barre, elle va expliquer comment elle a été trompée, utilisée, salie par l’accusé, parfois submergée par l’émotion, mais montrant que sa reconstruction est en marche, avec l’aide de son compagnon et père de son enfant.

Petite, elle avait été fragilisée par sa situation familiale.

Un père parti dans le sud de la France, une mère aux compagnons successifs et dont un frappait la petite.

L’accusé, chef de travaux pour une société qui l’envoyait sur des chantiers à travers la France, était de ceux-là, bien que marié et père de trois grands enfants.

Le soir, elle avait l’habitude de regarder la télévision dans le lit de sa mère.

Un soir de mai 2010, l’accusé l’y a rejointe… et lui avait caressé le bras.

Le lendemain, il était allé plus loin, en mettant sa main sous le tee-shirt de la petite.

Tétanisée, elle n’avait rien osé dire.

Mais elle n’était plus retournée dans la chambre pour regarder la télé.

« T’es plus vierge »

Quelques jours après, l’accusé croise la petite devant la gare de Cherbourg.

Il lui propose de la ramener chez sa mère, mais en faisant un détour rapide à son studio.

Elle avait suivi.

Fermant la porte à clé, il l’avait déshabillée, s’était mis nu, et, sur le lit, s’était allongé sur elle et l’avait pénétrée.

Puis il lui avait-il dit, en lui demandant si elle avait aimé:

« T’es plus vierge »

Elle avait 13 ans, elle n’avait jamais eu de rapport sexuel, elle était tétanisée.

Dans la voiture, au retour, il lui avait demandé de ne rien dire.

Une vingtaine de viols

En juin 2011, elle était partie vivre chez sa sœur.

Celle-ci avait pour compagnon un collègue de travail de l’accusé, qui restait parfois coucher.

Il avait repris ses habitudes auprès de l’adolescente, la surprenant dans son sommeil pour exiger d’elle des relations sexuelles.

Le matelas en était resté taché.

Ça a duré trois, quatre mois.

Une vingtaine de fois, sans protection.

Il s’était convaincu qu’il l’aimait et que c’était réciproque.

Puis il est parti.

Elle ne l’a jamais revu, jusqu’à une confrontation dans le cadre de l’action en justice.

Mise en confiance, placée dans une famille à Tourlaville, se sentant accueillie, elle a révélé ce qu’elle avait subi.

Le 13 décembre 2011, sa situation était signalée au parquet.

L’action judiciaire se mettait en route.

Expert psychologue, Philippe Schwann, qui a rencontré la victime en 2012, a rappelé lundi, au premier jour de l’audience, que le non-dit est caractéristique :

“Le cerveau se déconnecte, la sidération l’empêche de se défendre. Le sentiment d’impuissance la conduit à ne pas avoir de réaction”

« Je suis un lâche »

L’avocat général demande à l’accusé:

« Pourquoi vous êtes-vous obstiné pendant si longtemps dans le mensonge ? »

Il répond:

« C’était pour protéger ma famille. »

L’avocat générale:

Ils sont là, abasourdis. Vous les avez terrassés. Vous n’avez protégé personne !

Aujourd’hui, la jeune femme attend qu’il assume.

Il encourt une peine maximale de 20 années de réclusion.

Soulagement pour la jeune femme : il s’est reconnu coupable

Pour l’adolescente, aujourd’hui femme de 25 ans, l’important de ce procès, c’est que l’homme qui a abusé d’elle alors qu’elle était sans défense, reconnaisse sa culpabilité.

C’est un soulagement pour elle, a précisé son avocate, après neuf années pendant lesquelles sa parole n’était pas reconnue, et qu’on l’accusait de mentir.

Mais l’avocate a aussi recadré l’accusé qui qualifiait ses actes de « conneries » :

« Non, ce ne sont pas des « conneries », ce sont des crimes. Il faut dire : « J’ai commis des crimes »

Et quand l’accusé dit qu’il était devenu amoureux de la petite, Me Tréhet le retoque durement :

« Amoureux ? Ce n’est pas de l’amour que cet homme a proposé à la jeune fille. Il a été attiré sexuellement par une jeune fille de 13 ans, dont il a utilisé les fragilités pour arriver sans ménagement à ses fins. »

Quelles conséquences pour la jeune femme, aujourd’hui encore ?

Elle a un compagnon avec lequel elle a un petit garçon d’un an et demi.

C’est grâce à sa force à lui, grâce à l’amour qu’ils se donnent l’un à l’autre, qu’elle se reconstruit.

Mais, « les éléments post-traumatiques sont bien là dans sa vie. Elle est incapable d’avoir un échange avec une personne qu’elle ne connaît pas. La confiance en l’autre, elle ne l’a plus. Elle a encore besoin de se protéger par abstinence de relations sociales. » Mais pour son avocate, si elle porte ce qu’elle a vécu de la part de son agresseur comme une marque indélébile, elle a la force et les ressources nécessaires en elle pour l’avenir.

Ce mardi 7 décembre 2021, la cour d’assises de la Manche concluait ainsi le procès en le reconnaissant coupable d’attouchements et de viols commis contre une jeune Cherbourgeoise de moins de 15 ans, ce qui avait fait peser sur lui le risque d’une peine maximale de 20 années de réclusion criminelle.

L’avocat général avait requis une peine d’emprisonnement de 12 années.

Il a été condamné à 10 ans de prison ferme.

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