Cahors | Récit d’un multirécidiviste qui a téléchargé 105 000 fichiers pédopornographiques
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 21/05/2024
- 20:11
Mercredi 7 mai 2024, M. V. un homme approchant la cinquantaine, a comparu devant le tribunal correctionnel de Cahors pour l’acquisition, la détention, la consultation et la transmission d’images de mineurs présentant un caractère pornographique.
Les faits incriminés portent sur la période allant du 22 novembre 2022 au 30 avril 2024 et se sont déroulés à Cahors.
À la lecture de la prévention, le président Philippe Clarissou, ne cache pas sa stupéfaction devant l’ampleur du phénomène.
Le président rappelle que les enquêteurs spécialisés dans la cybercriminalité disposent d’outils permettant de repérer les connexions à caractère délictueux, via l’adresse IP propre à chaque ordinateur, tablette ou smartphone.
En effet, grâce à l’adresse IP, chaque connexion à Internet identifie son utilisateur.
Sont donc particulièrement surveillées les connexions aux sites criminels.
Et plus les connexions sont réitérées, plus elles attirent l’attention des enquêteurs…
Ainsi, les opérations de téléchargement menées par le prévenu ont été renouvelées à maintes et maintes reprises, sur une période d’au moins 18 mois.
Le premier téléchargement concernait 137 fichiers portant des images de petites filles.
Puis il a été retrouvé 149 fichiers sur une clé USB, 162 sur un disque dur, 5000 sur une tour d’ordinateur… soit 105 000 fichiers au total, effacés ou actifs.
« Toutes ces images concernent de jeunes enfants, pour la plupart prépubères, âgés entre 5 et 8 ans », souligne le président, n’hésitant pas à fournir des précisions plus horrifiantes les unes que les autres…
Lors des auditions, M. V. reconnaît globalement les faits reprochés, cherchant cependant à en minimiser la portée. M. V. dit qu’il recherchait plutôt des photos de jeunes femmes. Or le président le reprend sur le champ :
« Comment pouvez-vous dire cela, dans la mesure où les mots clés que vous avez tapés dans vos recherches sont : « 8 years, young girl… » ? » tonne le président.
« Ces mots clés que vous dites, c’était exceptionnel ! » précise le prévenu.
Le président ne lâche pas prise et enfonce le clou :
« Tous les fichiers retrouvés et exploités correspondent en tout cas, à des viols d’enfants et le fait de les consulter vous fait participer à cette industrie de la pédopornographie et c’est préoccupant ! » affirme le président.
Le prévenu se défend :
« Je les ai regardés ces fichiers, d’accord, mais c’est tout, je n’ai rien échangé avec personne ; je n’étais pas au courant que les fichiers étaient partagés avec d’autres personnes ! »
Le prévenu soutient qu’il consultait ces fichiers à raison de deux à trois fois par semaine.
Selon le calcul des enquêteurs, il a été consulté 227 fichiers en moyenne par jour. M. V. maintient qu’en réalité il n’en visionnait qu’un ou deux par jour, « pas plus ! ».
À présent, le président cherche à connaître les motivations qui poussaient M. V. à ce type de consultations.
« Cela me rappelle ce que j’ai vécu dans mon enfance et cela me permet de ne pas passer à l’acte ; je me suis fait un point d’honneur de ne pas passer à l’acte ! » fait valoir le prévenu, avec le ton de celui qui estime avoir accompli une prouesse, considérant que ces images lui servaient de dérivatif.
Il ressort du rapport d’expertise psychiatrique que M. V. aurait été marqué par des sévices infantiles et resterait affecté par un sentiment abandonnique.
Un accompagnement psychologique et une injonction de soins seraient souhaitables, aux yeux du professionnel de santé.
Il ressort de la fiche pénale, que M.V. a déjà été poursuivi en 2000 pour agression sexuelle sur un de ses enfants et pour violences conjugales en 2005.
En 2009, il a écopé de 2 ans de prison pour agression sexuelle sur mineur de moins de 15 ans.
« Malgré les soins prescrits, votre problématique n’est pas réglée ! » déplore le président Clarissou.
Le tribunal s’inquiète de la situation
« Vous avez des pulsions ? » demande le président.
« Cela peut m’arriver de temps en temps ! » répond du tac au tac le prévenu.
Aujourd’hui M. V. est célibataire. Il est père de 5 enfants, dont il ne voit plus que le dernier, dans un espace médiatisé. Le président paraît désarmé :
« Qu’est-ce que vous avez entrepris pour sortir de cette spirale infernale ? » demande-t-il.
« Quand j’ai été condamné à des soins obligatoires, je les ai suivis et après j’ai arrêté. Les pulsions sont revenues il y a deux ans ! » répond M.V.
« Vous n’avez pas eu l’idée de revenir vers un professionnel de santé, pour lui expliquer que cela ne va pas ? » interroge M. Clarissou.
« Ben non ! » rétorque le prévenu.
« Alors vous avez trouvé votre propre dérivatif, dans un acte totalement illicite ! » observe le président.
« Aidez-moi à m’en sortir, car il y a des moments, où c’est plus fort que moi… Je suis obligé de regarder ce genre de choses… » ajoute le prévenu sur un ton pathétique.
Puis le prévenu cherche à donner sa petite idée au tribunal, pour lui inspirer la marche à suivre.
« M’enfermer ? Cela servirait à quoi ? À rien ! » s’empresse de répondre M. V. Le président ne désarme pas pour autant. Peut-être qu’il se fait sa petite idée lui aussi.
« Vous avez déjà été condamné à deux reprises… Il y a vous et il y a les mineurs ! » observe-t-il. Le prévenu surenchérit :
« Mais je n’agresse personne ! » soupire le prévenu.
Sur le plan professionnel, il y a une dizaine d’années, M.V. travaillait dans le bâtiment, mais suite à un mal au dos, il n’a pas repris.
M.V. n’a plus guère de contact avec sa famille. Il se dit « isolé ».
Il fait part au tribunal de son souhait de ne pas retourner en prison.
Son intention étant de conserver son logement et de retrouver un emploi… Dit-il !
« 105 000 fichiers consultés ! » s’indigne Mme la Procureur de la République.
La magistrate explique que de tels téléchargements nécessitent de multiples manipulations et imposent d’avoir recours à des logiciels particuliers.
Elle se dit inquiète quant au comportement du prévenu qui selon elle « n’a pas l’air de comprendre la gravité de ses actes ».
Elle requiert 10 mois de prison avec mandat de dépôt.
Elle demande un engagement des soins en détention avec poursuite dans le cadre d’un suivi sociojudiciaire pendant une durée de 7 ans (avec 2 ans de prison encourus en cas de non-respect).
Elle ajoute une interdiction définitive d’exercer un métier en contact avec des mineurs.
Enfin, elle préconise la confiscation de l’ensemble du matériel saisi qui a contribué à la réalisation de l’infraction.
Me Anaïs Pronzac, avocate du prévenu, met en avant les difficultés qu’a connues son client dans sa vie:
« Il a été marié à trois reprises avant de se retrouver dans l’isolement et de se réfugier dans ces fichiers prohibés ».
Elle fait part de la honte qui a envahi le prévenu avant de pouvoir s’exprimer et de pouvoir poser des mots sur ce qu’il avait commis.
Elle décrit un repli sur soi-même avec une incapacité à se tourner vers des professionnels, en mesure de prendre en compte ses addictions.
Me Pronzac, demande une injonction de soins et un suivi sociojudiciaire à titre principal, estimant qu’une incarcération ne s’imposait pas, la dangerosité de son client, apparaissant comme limitée.
Son client ajoute en se tournant vers ses juges : « Je peux vous donner ma parole d’honneur, de ne jamais plus utiliser d’ordinateurs pour ce genre de consultation ! ».
Après en avoir délibéré, le tribunal a suivi les réquisitions de Mme la Procureur de la République, en les aggravant même, en prononçant une obligation de travail et une interdiction définitive de toute activité professionnelle ou bénévole, en lien avec des mineurs.
Le prévenu voit son nom inscrit au Fijais (Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes).
Le prévenu dispose d’un délai de 10 jours pour interjeter appel.
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