Brest | Elle sort du silence après 25 ans elle s’en souvient encore

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«Tu m’as pris mon adolescence, mais pas mon envie de vivre »
Elle a mis un quart de siècle à déposer plainte contre celui qui l’avait agressée sexuellement pendant deux ans, chaque samedi, quand elle était adolescente. Aujourd’hui, elle témoigne.

Pendant deux ans, chaque samedi, S., mère de famille résidant près de Landivisiau, a subi les agressions sexuelles de l’infirmier de ses grands-parents.

L’infirmier de la famille

« Tu es un monstre. Tu m’as pris mon adolescence, mais pas mon envie de vivre. Tu m’as salie. Tu m’as fait culpabiliser. Mais j’ai relevé la tête grâce à ma famille, mes amis et mes médecins. J’ai le droit d’être heureuse ».

Ces mots, les premiers d’une longue lettre qui s’étale sur plus de trois feuilles A4 perforées d’écolière, S. les a écrits à la demande de sa psychologue.

D’un trait, sans pouvoir s’arrêter, comme on crache un secret trop longtemps enfoui, une vérité indicible.

C’était le 13 septembre 2019. Soit neuf jours après avoir enfin réussi, poussée par sa meilleure amie, à déposer plainte à la gendarmerie.

Ces mots, emprunts de chagrin et de haine, mais aussi d’espoir, sont destinés à son bourreau.

Un homme qui, pendant deux ans, l’a agressée sexuellement tous les samedis.

« J’avais 13 ans quand ça a commencé. J’en ai 40 aujourd’hui. Pendant très longtemps je n’ai pas pu en parler. Mon père est mort sans avoir jamais rien su »

explique cette mère de famille installée dans une commune proche de Landivisiau.

« Pour ma grand-mère, c’était le bon Dieu incarné »

À l’époque des faits, prescrits (la plainte a été classée sans suite), ses parents étaient en instance de divorce. Tous les week-ends, son père et elle se rendaient chez les grands-parents, au nord de Brest.

« Ils étaient tous deux handicapés et avaient besoin d’un infirmier. Pour ma grand-mère, c’était le bon Dieu incarné. Il était gentil, attentionné… Mais moi, il me faisait systématiquement monter à l’étage, prétextant que j’avais mal au dos pour pouvoir me masser… et caresser mon vagin ».

Pendant toute cette période, S. s’est tue.

« C’était tabou. Mais je suis devenue très agressive. Et je m’habillais comme un homme car je pensais que ça me protégerait. Ma famille a mis ça sur le compte de la crise d’adolescence ».

Les agressions ont cessé du jour au lendemain,

« quand il a vu dans mes yeux que j’avais compris. Il m’avait sans cesse répété qu’il ne fallait en parler à personne car tout ça était normal, mais ça ne l’était pas. Dès lors, il m’a ignorée, comme si rien ne s’était jamais passé ».

« Il faut parler »

Mais le mal était fait. Et S. ne s’en est jamais remise. Elle suit une psychothérapie depuis quatre ans. Prends chaque jour des anxiolytiques et antidépresseurs.

Se réveille encore la nuit à cause de flashs. Elle veut s’en sortir. Pour elle, bien sûr. Mais aussi pour ses enfants.

Et son mari, qui ne comprenait pas pourquoi son épouse avait tant de mal à se laisser toucher. Jusqu’à ce qu’il apprenne la vérité.

À l’heure où la parole se libère de plus en plus chez les victimes d’agressions sexuelles et/ou de viols, le fait de témoigner, même anonymement, lui sert d’exutoire.

« Si je parle aujourd’hui, explique S., c’est grâce aux affaires qui sont sorties récemment. Et parce que j’ai appris que mon agresseur, ce prédateur, avait fait d’autres victimes. Il a d’ailleurs fait de la prison pour cela. Mais il y en a peut-être qui n’ont jamais parlé. J’ai aussi peur pour mes filles… Mon message est clair. Rester muette, se renfermer comme je l’ai fait, ça détruit. Il n’y a pas de honte à avoir ; il faut parler, déposer plainte. Nous sommes des victimes ».

 

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