Dijon | Le père incestieux condamné à deux ans ferme

Cinq ans, dont trois avec sursis mise à l’épreuve. Les jurés de la cour d’assises de Dijon ont rendu mardi un verdict d’apaisement bien loin des lourdes réquisitions du ministère public qui proposait dix ans de prison ferme.

Dessin ZZIIGG
Dessin ZZIIGG

Le verdict vient de tomber. Il s’apprête à partir pour la maison d’arrêt. J., son fils, sa victime, échange un regard avec lui. 

Le procès terminé, J. va pouvoir se reconstruire. De son côté, P., le père qui l’aurait violé lorsqu’il était enfant, a recouvré avec cette condamnation une forme de dignité.
À l’ouverture de l’audience, il avait eu cette déclaration surprenante pour un père accusé d’inceste qui risque 20 ans de prison : « Je suis fier de mon fils ».
Appelé à préciser sa pensée par le président Brugère, il a expliqué, mardi matin, peu avant la clôture des débats :

« Je suis fier parce qu’en me dénonçant, il m’a aussi protégé. J’ai pu parler, mettre des mots sur mon histoire ».

« Cette sortie du silence l’a rassuré »

L’histoire de P. éclaire celle de son passage à l’acte. Son enfance ? C’est L’Enfer de Dante, version sauvagerie rurale des années cinquante.
Un père alcoolique qui l’aurait violé alors qu’il a 6 ans, pendant plusieurs années.
Une mère au cœur séché par les épreuves, épuisée par quinze grossesses : les voisines, chaque soir, venaient lui coudre une ceinture de chasteté pour qu’elle échappe au rut d’un époux ivre et violent. « Sans cette enfance-là, il ne serait pas ici devant vous », plaide MeTouraille. « Quel homme, quelle femme seriez-vous devenus avec une enfance pareille ? », lance-t-il aux jurés.

L’avocate de la victime, Me Wendell, n’a pas enfoncé l’accusé. Honnêtement et sobrement, elle a rappelé l’enjeu du procès pour J.

« Porter plainte lui a permis de rompre le silence. Cette sortie du silence l’a rassuré. Mais son objectif premier est d’abord de protéger ses enfants contre les agissements éventuels de son père. »

Dans le registre du cogneur, l’avocat général Ezingeard, qui n’est certes pas réputé pour être un tiède, a cette fois visé à côté. Non pas dans son argumentation : le ministère public rappelle fort justement la gravité des faits et n’élude pas l’enfance difficile de l’accusé. Mais, au terme d’un réquisitoire équilibré, Jean-Michel Ezingeard propose une peine de dix ans de réclusion criminelle, bien lourde pour ce dossier singulier.

« Que souhaitons-nous pour justice ? »

En défense, le bâtonnier Touraille cisèle, en artiste du prétoire, une plaidoirie qui remue les tripes mais s’adresse aussi à la raison. L’enfance difficile de son client est importante mais l’argument, aussi éclairant soit-il, est insuffisant. « Que souhaitons-nous pour justice ? » interroge alors l’avocat. « Comment réagira la victime si vous envoyez son père en prison pour dix ans, alors qu’il ne le souhaite pas ? »

La peine prononcée, deux ans ferme et trois ans avec sursis mise à l’épreuve, envoie le père en prison. Une demande d’aménagement pourra être déposée et, d’ici quelques mois, P. devrait sortir.
Le parquet général, de son côté, dispose de dix jours pour faire appel.

Source: http://c.bienpublic.com/

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