Affaire Angélique | ” Un pédophile fait à peu près 120 victimes dans une vie “

Angélique, 13 ans, a été violée et assassinée par un pédophile récidiviste. Un crime qui bouleverse et révolte mais hélas ne surprend pas Homayra Sellier, présidente d’Innocence en danger*. Depuis 1999, elle dénonce le manque de volonté politique et l’absence de campagnes de prévention. Entretien.

Photo : Bakounine/ABACA

Le viol et le meurtre d’Angélique bouleversent le pays. Quelle est votre réaction en tant que présidente d’Innocence en danger ?

Cette petite Angélique qui a 13 ans s’est débattue. Son agresseur a dit « j’ai dû la tuer ». Les petites victimes qui se débattent, on les tue, et celles qui ne se débattent pas, la justice estime qu’elles sont consentantes. On est en pleine schizophrénie. Prenez ces décisions de justice qui sont tombées récemment, comme cette préadolescente de 11 ans à Pontoise. Violée par un homme de 28 ans, la justice a considéré qu’elle était consentante et a qualifié les faits comme une « atteinte sexuelle sur mineure de moins de 15 ans ».

Je travaille dans huit pays, le fait de devoir prouver qu’on était ou pas consentant quand on est mineur n’existe nulle part. Sauf en France.

Les agresseurs sexuels ne sont pas reconnus coupables, ils ont une peine de 18 mois avec sursis. Ici, il vaut mieux violer un enfant que voler une voiture ! Celui qui a prouvé qu’il avait un penchant pour un mineur, se retrouve en liberté dans la société, il n’est même pas sur le Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV).

Tout le monde peut consulter ce fichier ?

Ce fichier n’est pas automatique, c’est le juge qui décide qui doit y figurer. Sa consultation hélas n’est ni automatique ni obligatoire, et les personnes fichées sont uniquement celles qui ont été condamnées à des peines de plus de 5 ans. Ce qui est très rare en France. La consultation de ce fichier devrait être obligatoire par toutes les entités publiques et privées quand elles offrent des emplois en contact avec des enfants.

Quel suivi faut-il mettre en place pour les pédophiles ?

30 à 40% des pédocriminels, abstinents ou pas, ont vécu des abus sexuels dans leur enfance. Ils n’ont pas été entendus ni reconnus comme victimes. On les a mis au banc de la société sans rien leur proposer. Il n’y a pas eu de suivi médical. Nous avons proposé des solutions qui marchent ailleurs. L’attirance sexuelle envers les enfants, ce n’est pas une maladie, cela ne se soigne pas. Le pédophile n’est pas malade, c’est pas un monstre, c’est un être humain comme nous. Sauf qu’il éprouve une attirance sexuelle qui est grave, condamnable et punissable. Il faut les aider comme on le fait dans d’autres pays.

Innocence en danger travaille dans plusieurs pays. Vous avez lancé des campagnes efficaces notamment en Allemagne…

Le premier mois, nous avons reçu plus de 700 appels et depuis 2005, nous avons traité plus de 10 000 cas. La campagne a été financée par des fonds privés et publics. Nous avons créé une hotline 24h sur 24 avec des experts. Et un spot très soft : un homme dans le métro est assis face à une maman avec son petit garçon de 8 ans, il le regarde et baisse les yeux gêné. Une voix off dit « Si tu aimes les enfants, mais un peu trop, tu as besoin d’aide, appelle-nous ». Franchement, c’est pas agressif. Nadine Morano venue nous voir en Allemagne, avait apprécié cette campagne et ce spot mais de retour en France, elle nous a dit « Ca on ne peut pas le faire en France ».

A l’association, on reçoit des courriers de prédateurs sexuels qui ne sont pas actifs, qui sortent de prison, et ils ont peur. Peur de craquer. Il faut les aider, cela s’appelle de la prévention, pour eux et pour les enfants. Il n’y a rien pour eux en France alors qu’on sait qu’un quart des pédophiles récidivent, que beaucoup ne sont jamais condamnés, et qu’un pédophile fait à peu près 120 victimes dans une vie. C’est grave ! Il n’y a pas d’impulsion politique, devant cette inertie et cette inaction, je me pose des questions.

Source : marieclaire.fr

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