Vanuatu | Anne Pakoa combat les violences quotidiennes faites aux femmes et aux enfants
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
- 10/04/2017
- 00:00
Catégories :
Mots clés :
Au Vanuatu, État confetti du Pacifique, 60% des femmes ont connu des violences physiques ou sexuelles par leur conjoint. Des chiffres choquants dénoncés régulièrement par des activistes comme Anne Pakoa.
Anne Pakoa est une femme occupée. Pour convenir d’un rendez-vous, il faut s’armer de patience. Cette Vanuataise âgée de 46 ans dédie sa vie à ses concitoyennes. Infirmière de formation, elle enchaîne depuis des années des expériences dans les domaines de la santé, de l’éducation et des droits des femmes. Depuis sept ans, elle coordonne le VEPAC (Vanuatu Education Policy Advocacy Coalition).
A l’âge de 19 ans, Anne Pakoa rencontre un homme.
« Je suis tombée enceinte à 20 ans et il m’a battue. Il m’a poignardée à la tête. Mes frères et mon père ont réussi à me sortir de cette relation horrible. Quand ma fille avait 14 mois, j’ai dû quitter le pays pour étudier à l’étranger. Cela a été très dur. C’est à ma famille que je dois la personne que je suis aujourd’hui.
Au Vanuatu, la plupart des femmes et filles sont traitées comme des animaux !
Anne Pakoa, activiste des droits des femmes
Pour la Vanuataise, les défis liés à la violence dans son pays sont énormes. « La plupart des femmes et filles sont traitées comme des animaux! » lance-t-elle. Et une Vanuataise sur deux pense que l’épouse doit obéir à son mari En 2004, Anne Pakoa se présente à l’élection présidentielle. « J’ai été la première femme candidate de l’histoire de mon pays (un micro-Etat de 252 763 habitants, ndlr). » En juin 2015, elle reçoit un prix pour son courage de la part des États-Unis. Dans son discours, elle se remémore comment ses parents ont appris à leurs enfants, entre garçons et filles, à se respecter. Elle détaille également combien il est important d’avoir plus de femmes en politique pour donner une voix à ses concitoyennes. « C’est honteux pour le Vanuatu de ne pas avoir de femmes représentantes au sein de notre parlement national à cette date.
Droits des femmes, lutte contre le réchauffement, même combat
Anne Pakoa, hyperactive, est sur tous les fronts. Elle a participé à un projet visant à encourager le rôle des femmes dans le Pacifique dans la communication des désastres naturels (les femmes sont chargées de préparer leurs villages lorsqu’une catastrophe arrive). Le “Vanuatu Young Women for Change” (Les jeunes femmes du Vanuatu pour le changement), qu’elle a créé en 2014, vise à sensibiliser la population aux problèmes sociaux qui affectent particulièrement les jeunes femmes (analphabétisme, chômage, grossesses précoces, manque de droits, viols, etc.)
Les bénévoles de cette association sont souvent à la clinique Alesi. Ce petit dispensaire de Port Vila, la capitale du Vanuatu, est tenu par une jeune femme de 25 ans. Sabrina Brown n’est autre que la fille d’Anne Pakoa. Elle travaille à sensibiliser sa communauté et ne tarit pas d’éloges sur sa mère. « Ma mère est une femme très forte. C’est un modèle. Elle aide tous ceux qui en ont besoin. Depuis que je suis enfant, je la vois agir et notre maison a toujours été ouverte à tous. » Pourtant, Sabrina a grandit principalement avec sa grand-mère. « Car maman était extrêmement occupée. »
La coutume plutôt que le droit
Sabrina Brown sait, elle aussi, de quoi elle parle quand il s’agit de violence domestique. « Mon ex petit-ami, infidèle, avec qui j’ai une fille, était très jaloux. Il m’a frappée et je suis partie car sinon je serais morte un jour. » Pourtant Sabrina n’a pas voulu impliquer la police. « C’est mon oncle qui s’est occupé de ce problème » reconnaît-elle. Suivre la coutume plutôt que de témoigner face un policier, c’est le choix de la majorité des personnes victimes de violence.
Erieth Ian, 26 ans, une mère célibataire, fait partie de l’association. Active notamment sur le changement climatique, elle s’inspire d’Anne Pakoa. « Elle est comme un mentor. Elle est pleine d’assurance dans tout ce qu’elle entreprend. » Dans le hall de la clinique, sept femmes de tous âges sont présentes ce jour-là. Une seule assure avoir une relation amoureuse non violente. Toutes parlent de jalousie et de manque de communication avec leurs maris et petits-amis. « Mon ex savait exactement à quelle heure je devais être rentrée à la maison. Il y a sûrement des types biens… Un pour un million ! » lance Erieth en riant.
Sabrina renchérit :
« Vous savez, ici, c’est courant pour les hommes de battre leurs femmes. La femme doit tout faire à la maison. Depuis 2008, nous avons une loi sur la violence domestique. On a une loi mais cela reste au bon vouloir de chacun d’aller à la police. Souvent, les femmes ont peur de la réaction de la famille de leur mari. Il y a des pressions, des menaces… »
La résilience par le théâtre
Pour donner la parole aux Vanuataises, Marinela Crosato a créé un projet de théâtre social intitulé “Aelan Gel” (les filles des îles). Elle explique sa démarche :
« La condition des femmes au Vanuatu est caractérisée par une significative marginalisation des sphères publiques et des processus décisionnels. Ce facteur est accompagné par l’augmentation des problèmes sociaux qui ont un impact direct sur la vie des femmes. La fréquence des violences domestiques révèle le manque d’éducation appropriée et le poids du travail domestique. Malgré cela, j’ai pu observer que les femmes sont des actrices très importantes au sein de la communauté. »
Nous avons aussi abordé des histoires de succès au féminin
Marinela Crosato, travailleuse sociale, metteuse en scène
Son projet Aelan Gel est né en 2016, à l’occasion de la campagne des 16 Jours d’activisme contre la violence basée sur le genre.
« J’ai eu l’idée de travailler sur le marché. C’est un endroit dynamique où les femmes, les “mamas”, gèrent des petites entreprises et des activités commerciales. Nous avons commencé par le partage de nos histoires de vie et par des questions – sans artifices ni préparations ni textes. Que pensons-nous de la vie des femmes, du pouvoir et de la violence ? »
Le résultat : 12 femmes impliquées dans trois représentations, un documentaire et une exposition photo. Quant aux thèmes abordés, ils reflètent les préoccupations de nombreuses Vanuataises :
« Le coût trop élevé de l’éducation scolaire des enfants, le lien avec les îles d’origine, la violence, abordée au travers des objets du quotidien qui sont fréquemment utilisés comme outils d’agression (un couteau, des pierres, un bâton, des allumettes, un téléphone, du piment…). »
Marinela Crosato ajoute néanmoins :
« Nous avons aussi abordé des histoires de succès au féminin et des témoignages liés aux figures masculines qui ont joué un rôle positif dans la vie de ces femmes. »
Source : information.tv5monde.com
Source(s):