Montceau-les-Mines | Un couple du bassin minier accusé de viols incestueux

« Je m’appelle Sylvie*, j’ai 11 ans, je suis chez ma mamie et je déteste mon beau-père parce qu’il me viole. »

Ces mots manuscrits sur une page arrachée à un carnet – avec un dauphin sur la couverture – sont bien ceux de la petite fille, atteste l’expert en graphologie de l’institut de police technique et scientifique basé à Lyon-Ecully. Ces mots disent-ils quelque chose qui est réellement arrivé ? C’est l’enjeu du procès qui s’est ouvert lundi 14 octobre à la cour d’Assises de Saône-et-Loire.

Le couple est accusé

Le 06 février 2017, le procureur de la République reçoit un signalement d’enfant en danger. Au lycée du Sacré Cœur de Paray le Monial, une élève en classe de première, née en 1999, dénonce des agissements criminels : elle dit que le mari de sa maman la « touche » depuis qu’elle est petite, et la viole depuis plusieurs années. L’adolescente est immédiatement mise à l’abri, puis placée par un juge des enfants, d’abord dans un foyer, ensuite chez son père.

Conjointement une enquête commence, puis un dossier est ouvert à l’instruction dont le juge a estimé qu’il avait suffisamment d’éléments pour renvoyer le couple mis en examen, comme accusés devant la cour d’assises.

 

La prévention s’étend sur 9 ans

Lui, il encourt jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle s’il est déclaré coupable de viols incestueux sur mineur, par personne ayant autorité, de 2005 à 2014.

La mère encourt une peine correctionnelle de 5 ans maximum pour non-assistance à personne en danger : sa fille dit qu’elle avait un jour laissé un mot sur la cafetière pour que sa mère sache. Celle-ci, d’après la jeune fille, avait pleuré puis avait demandé une confrontation avec le beau-père, la petite avait refusé, fin de la discussion. Ce petit mot est déjà dans les débats car on ne l’a pas retrouvé.

 

« Chez nous, on n’a pas d’enfant en dehors du mariage »

Ce couple s’est formé alors que madame, déjà maman de deux petits, voyait son premier mariage se délabrer sous les coups d’une vie matérielle rude, décrit-elle à la barre. Elle n’était plus heureuse, c’est ce qu’on retient de son récit.

Elle quitte le domicile pour retourner chez ses parents, avec les enfants. Elle avait déjà sympathisé avec celui qu’elle épousera quand elle sera enceinte de Sylvie, parce que « chez nous, on n’a pas d’enfant en dehors du mariage ».

Il la rejoint 6 mois plus tard, ils commencent leur vie de couple chez les beaux-parents, dans une ambiance plutôt fraîche, explique l’accusé à la barre.

 

« Je ne comprends pas », répète-t-il

N’empêche qu’il connaît Sylvie depuis ses deux ans. Qu’il fut « abasourdi » par les accusations qu’elle porte contre lui. « Je ne comprends pas », répète-t-il.

La mère, expose la présidente Podevin qui lit le document qu’on appelle « ordonnance de mise en accusation » rédigé par le juge d’instruction, dit que sa fille « ment », elle pense que sa fille aurait appris des choses relatives à la sexualité génitale « dans ses lectures (que le couple désapprouvait) de livres Harlequin ». Elle pense également que le père de Sylvie influence, voire manipule sa fille.

 

La fille est « crédible »

L’enfant, devenue jeune femme, a révélé à trois moments et par des moyens différents, être victime à répétition de pénétrations et de fellations forcées : lorsqu’elle était en classe de 6ème (le mot retrouvé dans son journal intime), en 3ème, puis en 1ère .

Pour la juge d’instruction, au vu des rapports d’expertises, Sylvie est « crédible ».

Dans la salle d’assises du palais, elle est sur le banc des parties civiles, son père à ses côtés. Il souhaite d’ailleurs se constituer partie civile avec elle. Assis sur deux chaises placées l’une derrière l’autre, les époux. Fatigués déjà, et on le comprend, par les tensions et les peurs que génère un tel procès, qui durera en plus toute la semaine. L’épouse a décidé de rester liée à son mari par une loyauté qu’elle déclare ferme et assurée.

 

Suresnes, Laon, Autun, Montceau-les-Mines

Lui, interrogé par la présidente, reprend l’histoire pas à pas. Les déménagements successifs : Suresnes, Laon, Autun, Montceau-les-Mines. Le travail et les périodes de chômage, les déplacements partout, la naissance de sa fille, en 2007, qui grandit avec Sylvie et son frère.

Sylvie était une enfant « facile », « agréable », « réservée », puis il y a eu « un début de rébellion, j’ai envie de dire ».

La présidente l’engage à préciser ce qu’il entend par « rébellion », sa carrière de juge lui a fait connaître tant de réalités… Bien lui en prend, car dans cette famille « stricte », la rébellion, à 12 ans, c’est commencer « à vouloir décider de ses tenues vestimentaires », et « avoir des lectures qui n’étaient pas à notre goût non plus ». Puis l’homme convient, « elle essaie d’exister, c’est normal ».

 

Lapsus sur les prénoms

On l’a déjà constaté lors d’autres procès où le tripot familial (une expression qui désigne ce qui se joue dans toute famille : les relations entre les uns et les autres, et leurs enjeux, conscients et inconscients) est impudiquement déballé et décortiqué en public : les accusés se prennent les pieds dans les prénoms, ou dans la généalogie. A la barre, le beau-père fait un lapsus, il désigne Sylvie par le prénom de sa fille biologique. La présidente le reprend à la seconde. Il se corrige, mais rebelote, et la présidente rectifie à nouveau. On s’étonne de ce calme possible alors que de telles tempêtes secouent les accusés.

 

Echange houleux incompréhensible

Une tempête a cependant soufflé sur la salle en fin de matinée. L’avocate générale avait des questions à poser à monsieur, elle l’accule, il lève un bras et dit « je comprends que vous êtes dans votre rôle, mais…  – Non, non, je n’ai pas de rôle. – Votre fonction, alors. – Je n’ai pas de fonction non plus. » Nul ne comprend comment il est possible que l’avocat général, celui qui porte l’accusation dans un procès, n’ait ni rôle, ni fonction. L’un des avocats de l’accusé intervient pour demander qu’on revienne à la sérénité des débats en évitant les questions agressives, ce qui entraîne une nouvelle passe agressive. Fin de l’épisode.

 

« Je suis innocente aussi »

La mère est entendue l’après-midi. Très émue, trop émue. La présidente doit la prendre comme par la main pour que la cour puisse entendre de sa bouche le récit de sa vie, de sa vie de couple, de sa vie de famille, de ses relations avec le père de ses deux premiers enfants. Sa position ? « Je suis innocente aussi. »

Le premier jour d’un procès plante les faits tels que le juge d’instruction les a présentés, et naturellement ils sont à charge. Les jours qui viennent vont permettre à la cour (trois juges et 6 jurés, majoritairement des hommes) de voir un éventail se déplier, les images qu’on se fait des uns et des autres vont fluctuer au gré des témoignages et des interventions, jusqu’à la fin des débats. Les questions restent donc ouvertes.

 

« Les stigmates d’une défloration ancienne »

Mais la déposition du docteur Corrège, peu avant 18 heures ce lundi, en pose une qui est de taille. Il a examiné Sylvie en février 2017. Son examen clinique établit avec certitude « les stigmates d’une défloration ancienne » et conclut que l’examen est « compatible » avec les déclarations de la jeune fille.

D’après le médecin-expert, de tels « résidus hyménéaux » sur une adolescente, ne sont pas le fait d’un seul rapport sexuel (qu’elle était alors en âge d’avoir), mais de « trente à cinquante » rapports, un nombre important : ça ne s’est pas fait en une seule fois et ça ne date pas d’hier. L’examen témoigne donc également « d’une certaine durée ». La jeune fille a beaucoup pleuré lors de cet entretien.

 

« En danger »

Lorsqu’une personne de l’aide sociale à l’enfance a téléphoné à la mère pour lui dire que sa fille était en danger et qu’elle avait été mise à l’abri, le beau-père dit qu’ils avaient pensé qu’elle avait peut-être fait une tentative de suicide, ou qu’elle s’était plainte de maltraitance : quelques jours auparavant la mère avait passé un savon à sa fille qui soutenait qu’elle s’était douchée alors que ce n’était pas vrai. Ce n’était ni l’un ni l’autre. Le verdict sera rendu vendredi en principe.

Source : montceau-news.com

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