John Stamford lance en 1970, lancé «Spartacus», le premier guide touristique spécialisé à l’intention des homosexuels, le Britannique John Stamford avait eu une idée de génie. A un détail près: cet ouvrage, diffusé dans 150 pays, était discrètement codé, par un jeu d’initiales, à l’usage des pédophiles du monde entier (1). Jugé pour commerce d’écrits contraires aux bonnes mœurs et publicité incitant à l’exploitation sexuelle des enfants, John Stamford encourt, au maximum, une peine d’un an de prison.
Devant le tribunal correctionnel, l’ancien pasteur de l’Eglise anglicane âgé de 55 ans, poursuivi également pour «écrits contraires aux bonnes moeurs» et qui assure sa défense, a entamé la lecture d’une déclaration-fleuve rédigée par ses soins et longue de 69 pages. L’énoncé en anglais des 18 premières pages, avec traduction simultanée en néerlandais, aura pris trois heures. «Depuis deux ans, j’ai été déclaré coupable par les médias et les parties civiles. Ils ont crée un deuxième Stamford cousu de fil blanc, mais l’heure est venue de mettre fin aux mensonges», a déclaré d’une voix assurée ce Britannique en qui quatre associations de défense de l’enfance, qui se sont constituées parties civiles, voient le cerveau d’un réseau international de prostitution enfantine.
Arrêté à son domicile belge en 1993 alors qu’il avait lui-même alerté la police pour se plaindre d’un journaliste, John Stamford est dénoncé depuis quinze ans par l’association Terre des hommes, qui l’accuse de proxénétisme sur des enfants de pays du tiers monde au profit de riches pédophiles membres de son club, Spartacus.
Bernard Boeton, directeur de l’information de Terre des hommes, a déclaré, au président du tribunal de Turnhout qu’il ne mène pas «une croisade morale» mais dénonce d’abord «le commerce de l’exploitation de mineurs dans lequel John Stamford possède un intérêt financier». Le guide pour homosexuels Spartacus, tiré à 60.000 exemplaires et distribué dans 150 pays, n’est pas directement mis en cause dans le procès de Turnhout. Mais, derrière ce guide, se cachent le club Spartacus et des portfolios qui donnent les adresses aux Philippines où l’on peut trouver «de jeunes garçons facilement disponibles». Stamford assure en avoir «personnellement testé beaucoup». Par ailleurs, un témoignage d’un ancien collaborateur a été lu durant l’audience selon lequel Stamford aurait réalisé un film montrant comment deux jeunes Philippins auraient été torturés et assassinés par ses soins. Pour sa défense, John Stamford s’est livré à une longue attaque des médias et des parties civiles, qu’il accuse d’avoir monté ensemble un complot contre sa personne. Une cabale qui réunirait également des politiciens américains, qui verseraient «de l’argent sur des comptes en Suisse pour servir à détruire le guide Spartacus». Pour l’ex-pasteur, son procès fait partie d’une vaste «campagne antihomosexuels», puisque, dans le milieu gay, il est lui-même «une personne publique et une célébrité». Rejetant toute accusation de pédophilie, il assure: «Je n’ai encore jamais vu de toute ma vie une cassette de porno enfantin.»
Lui-même se définit plutôt comme une espèce de justicier qui, précisément, lutte contre la pédophilie . Il cite ainsi quatre exemples quasiment invérifiables où, à Manille, il aurait agi contre un policier corrompu exploitant des enfants, se serait opposé au viol de mineurs dans les prisons philippines et, même, aurait contribué à l’arrestation d’un chef de bande qui terrorisait des enfants prostitués. Sans parler de ces deux jeunes étudiants venus le trouver à son hôtel pour lui offrir leurs services et qu’il a sauvé de la prostitution. «J’ai lutté contre le pouvoir et la corruption, mais j’ai dû arrêter ma campagne en raison des risques encourus aux Philippines», affirme-t-il. Pour ce qui est des témoins qui disent l’avoir rencontré dans sa fonction de proxénète, Stamford est formel: il s’agit d’un double: un ancien collaborateur de Spartacus «ressemblant à un cochon», qu’il a renvoyé pour fraude et vol, et qui se faisait parfois passer pour le vrai John Stamford. Invérifiable là aussi puisque ce double serait mort du sida.
Sylvain EPHIMENCO
Source : http://www.liberation.fr/
Le tribunal correctionnel de Turnhout a créé la surprise le 19 avril 1995 en se déclarant incompétent pour juger John Stamford, co-éditeur du guide de voyages pour homosexuels Spartacus, un guide qui «couvrait» d’autres activités orientées, elles, vers la pédophilie.
Le ministère public avait requis la peine maximale pour ce type de délit, soit un an de prison. Dans son jugement, le président estime que les faits incriminés constituent un délit de presse, ce qui est légalement de la compétence de la cour d’assises. Le tribunal correctionnel n’a donc pas suivi le ministère public mais il n’a pas davantage suivi les thèses des parties civiles qui demandaient au tribunal de qualifier autrement les faits à charge de Stamford. Les parties civiles (quatre ONG suisses) voulaient qu’il soit poursuivi sur base de l’article 379 qui sanctionne le proxénétisme international de mineurs. Un délit passible de la cour d’assises.
Pour le tribunal correctionnel, il y a délit de presse (un délit commis par la voie d’imprimés) mais il y a aussi «crime». Autrement dit, les faits de pédophilie reprochés à Stamford sont suffisamment graves et établis pour que le dossier soit renvoyé au ministère public afin qu’il requalifie les faits. Le tribunal n’a d’ailleurs pas retenu les seules activités d’éditeur de John Stamford pour étayer son jugement. Il s’est aussi basé sur ses responsabilités dans la rédaction et l’édition de portfolios du club Spartacus et des revues comme «Pan» (Paedo Alert News) et Coltsfoot Press, directement axées sur la pédophilie.
Stamford doit être poursuivi pour les seuls faits commis en Belgique, insiste le président, récusant ainsi les accusations des parties civiles sur les ravages provoqués par les guides de Stamford auprès des enfants du tiers monde. Un lien existe entre les différents faits. Un grand nombre de revues dont le contenu traite de pédophilie ont été diffusées à partir de Geel (le siège d’activités de Stamford entre 1987 et 1993). Des idées prônant la pédophilie ont ainsi été répandues dans le grand public. C’est donc au juge compétent de dire s’il y a délit de presse.
Pour les parties civiles, le renvoi de l’affaire au ministère public est une victoire car l’occasion est ainsi donnée au parquet de qualifier autrement les faits et de poursuivre Stamford, aux assises, sur base de la toute nouvelle loi réprimant la traite des êtres humains. Celle-ci stipule que «tout étranger trouvé en Belgique» peut être poursuivi pour avoir commis des abus sexuels sur enfants. Stamford risquerait de quinze à vingt ans de travaux forcés.
Ce jugement est totalement inespéré, reconnaît Me Flamme, l’avocat des parties civiles. Me Michèle Hirsch, qui a participé comme expert aux travaux des parlementaires sur la nouvelle loi, insiste sur le fait qu’il s’agit d’une loi de procédure. Celle-ci permettrait donc d’incriminer Stamford sur base du délit continu que constitue le fait d’être toujours coéditeur de Spartacus.
Stamford, lui, est resté impassible. Au cours des audiences précédentes, il avait qualifié la pédophilie «d’action humanitaire» et se disait victime du complot «nazi» ourdi par les journalistes et les organisations humanitaires. Un renvoi devant la cour d’assises n’est pas une défaite, explique-t-il. Et d’annoncer qu’il se battra pour obtenir son acquittement.
L’association Terre des Hommes annonce qu’elle continuera elle aussi à s’impliquer «avec la même détermination» dans la poursuite judiciaire de Stamford pour donner un message clair aux touristes pédophiles qui commettent pour cinq dollars dans le tiers monde ce qui leur coûterait cinq ans de prison dans leur pays d’origine.
Martine Vandemeulebroucke
Source: http://archives.lesoir.be
La mort naturelle en prison de John Stamford, en décembre 1995, a interrompu définitivement les poursuites.
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