Tout commence voilà quelques mois. Dans le cadre de la coopération policière internationale, le parquet de Bordeaux reçoit un signalement : un Français partage des images et des vidéos pédopornographiques. Les investigations sont confiées aux gendarmes spécialisés de l’Unité nationale cyber, à Paris.
Des milliers de clichés
Grâce à leur travail, l’adresse IP est identifiée. Les experts localisent l’endroit d’où partent les fichiers : il s’agit d’un studio photo à Pauillac. Il comporte deux salariés, dont un homme de 64 ans. Ce comptable retraité reconverti dans la photographie est placé en garde à vue le 24 novembre.
Il pourrait s’agir de clichés de mineurs réalisés dans le cadre de l’activité du photographe
Ce jour-là, les militaires de Paris se sont rendus au fameux studio, en fin de matinée, pour procéder à une perquisition. Du matériel informatique a été saisi. Contacté par « Sud Ouest », le parquet de Bordeaux dévoile que
« l’exploitation partielle du matériel numérique a, dès ce stade de l’enquête, permis de démontrer la présence de contenu pédopornographique en masse ».
Il est ici question de plusieurs milliers de fichiers.
Le mode opératoire soupçonné serait très atypique : la création de contenu pédopornographique partant de photos réelles et modifiées par intelligence artificielle pour ajouter un contexte sexuel.
Il pourrait s’agir de clichés de mineurs réalisés dans le cadre de l’activité du photographe, qui se décrivait lui-même comme un autodidacte. Son travail couvrait un large champ : mariages, portraits individuels et familiaux, manifestations associatives, galas, kermesses, animations scolaires et événements d’entreprises…
Le mis en cause indiquait intervenir en Gironde, dans la région bordelaise et, ponctuellement, partout en France.
Combien de victimes ?
Désormais, le travail des enquêteurs va porter sur l’identification de potentielles victimes de ces détournements. Une source proche de l’enquête à Paris nous confie qu’il s’agit d’une des premières grandes affaires de création de contenu pédopornographies par l’IA en France.
Reste à savoir combien de photos d’enfants réalisées dans le cadre de prestations classiques ont été détournées à des fins criminelles et diffusées sur des sites à caractère pédopornographique visités dans le monde entier.
Dans le quartier, la nouvelle a provoqué une grande surprise. Le pâtissier voisin, qui le voyait régulièrement, évoque « un personnage extravagant », au style très affirmé – santiags, grosses bagues, allure de cow-boy –, parfois auteur de « blagues pas toujours très fines », mais perçu comme « plutôt sympathique ».
Inquiet pour ses propres enfants, photographiés lors d’un gala, il a contacté la gendarmerie. La collaboratrice du photographe, jeune femme « discrète et effacée » selon plusieurs témoins, aurait indiqué durant sa garde à vue être elle-même victime depuis plusieurs années.
Stupeur dans le milieu associatif
Au sein de l’Association des commerçants et artisans de Pauillac (Acap), dont le photographe était trésorier, c’est la stupeur.
« Nous n’avons rien vu venir », explique une responsable. « Il participait à de nombreuses manifestations où il fallait photographier des enfants. Beaucoup lui faisaient confiance. »
L’homme, père de deux enfants et grand-père, aurait également exercé comme comptable dans un établissement scolaire catholique sous contrat de la commune. Depuis l’interpellation, les gendarmeries du secteur reçoivent de nombreuses demandes de familles cherchant à savoir si les photos de leurs enfants sont visées.
Certaines associations locales ont également été concernées par les premières vérifications. Selon nos informations, la responsable d’une association aurait été convoquée pour procéder à des vérifications liées à des clichés réalisés lors d’événements.
« Il participait à de nombreuses manifestations où il fallait photographier des enfants. Beaucoup lui faisaient confiance. »
L’affaire fait désormais l’objet d’une information judiciaire confiée à un juge d’instruction bordelais. Le sexagénaire a été mis en examen pour
« détention et diffusion de l’image d’un mineur présentant un caractère pornographique, ainsi que de diffusion d’un montage ou d’un contenu généré par un traitement algorithmique à caractère sexuel reproduisant l’image ou les paroles d’une personne sans son consentement ».
Il a été placé en détention provisoire et bénéficie de la présomption d’innocence.