Toulouse | 12 et 5 ans de prison pour deux violeurs incestueux illuminés

non

A 8 ans, elles sont soumises sexuellement au moyen de psychotropes
Hervé L. et Bernard J. ont été condamnés par la cour criminelle de la Haute-Garonne pour des viols et agressions sexuelles sur trois sœurs. En toile de fond, l’emprise sectaire.

Les rituels immondes de deux adeptes de la secte du Mandarom, jugés pour viols à Toulouse sur trois sœurs. L’une d’elles s’est suicidée depuis….

Une affaire d’inceste sur fond de dérive sectaire.

Adeptes du Mandarom, Hervé L., 60 ans et Bernard J., 58 ans, un père et son meilleur ami, sont jugés en cour criminelle pour des viols et/ou agressions sexuelles sur trois sœurs.

C’était la secte la plus médiatique de France dans les années 1990. Le Mandarom et son “messie cosmoplanétaire” Gilbert Bourdin, avaient érigé leur sanctuaire sur les hauteurs de Castellane (Alpes de Haute-Provence).

Dans un style chargé et clinquant aux influences architecturales hindo-égyptiennes, la statue du gourou et son temple pyramide de 33 m de haut défiguraient cette vallée du Verdon. Au grand dam des habitants du coin.

Les deux hommes jugés jusqu’à vendredi par la cour criminelle de la Haute-Garonne appartenaient alors à cette mouvance sectaire, retirée depuis de la liste infamante.

Et ce sont pour des agressions sexuelles, des viols (pour certains incestueux), parfois commis sous soumission chimique, qu’Hervé L., 60 ans désormais, et Bernard J., 58 ans, ex-meilleurs amis, comparaissent en audience publique.

De la “farine” aux psychotropes ?

Les victimes sont les trois filles d’Hervé. Myriam avait 8 ans lorsqu’elle a subi les assauts de son père.

C’était en 1995, à Toulouse. Une décennie plus tard, à Colomiers, ce cadre de La Poste a fait ingurgiter une “farine” à ses jumelles de 17 ans, Lucie et Aurore, pour pouvoir abuser d’elles.

Une pâte à base de psychotropes, qui les met KO, selon leur témoignage, à chaque fois qu’elles en avalent.

“On faisait prendre des produits à ces gamines pour se rapprocher de dieu. En réalité, c’était pour les soumettre sexuellement”, s’offusque Me Pierre Alfort, avocat des parties civiles, avec Me Alice Collinet.

Ingénieur hydrologue – “une pointure au niveau national” -, scientifique rationnel par essence, Bernard, lui, baigne toujours dans les préceptes du Mandarom, que ses parents lui ont fait découvrir adolescent.

Il en est devenu prêtre. Sa sœur, moniale depuis trois décennies.

“Le message essentiel, c’est l’unité des visages de dieu. Si on l’appliquait, l’humanité s’en porterait mieux”, tente-t-il de persuader à la barre, la voix assurée.

Le gourou mort “parlait” à travers lui

Un soir, alors que son ami est totalement ivre et la mère absente, il se retrouve à donner le bain aux jumelles, alors âgées de 6 ans.

Il leur bande les yeux et les initie au jeu du “devine ce que tu as dans la bouche”.

Les abus émergeront des années plus tard de leur conscience embrumée. Atroces souvenirs refoulés.

“Lucie, depuis, s’est suicidée”, précise Me Alfort.

Aurore porte la voix de “son double” devant la justice.

Myriam, la grande sœur, survit.

Aux premières minutes du procès, le père reconnaît les faits. Sa voix s’étrangle lorsque le mot “filles” sort de sa bouche.

“Je suis anéanti de ce que j’ai fait”.

On peine à déceler le médium à travers lequel le défunt gourou du Mandarom “parlait” directement à ses adeptes (!) lors de séances privées. “La voix du seigneur en personne”, souffle l’une des victimes.

L’ami, lui, conteste l’intention, se réfugiant derrière une fable éducative.

“Lucie ne voulait pas débarrasser la table. J’ai ouvert ma braguette et lui ai montré mon sexe”.

Quoi de plus naturel ?

20 ans de réclusion encourus

La cour, présidée par Valérie Noël, a mis en lumière la personnalité complexe et la fragilité psychologique d’Hervé, défendu par Me Robin Senie-Delon.

Hervé a été entraîné dans la secte par sa première épouse, elle-même approchée par un professeur de yoga.

Son parcours est marqué par une enfance difficile, avec un père violent et une mère centrée sur elle-même, ainsi que par des problèmes d’addiction à l’alcool et aux médicaments

Elle a aussi entrevu la silhouette ascétique et le rigorisme quasi mormon de Bernard, défendu par Me Yves Carmona, jamais tant volubile que lorsqu’il évoque sa foi.

Famille unie, réussite professionnelle, quête spirituelle en forme de puits sans fond…

Ce qui les a unis les sépare aujourd’hui. La parole des victimes semble les crucifier.

Ils encourent tous deux 20 ans de réclusion.

“C’était son sexe, j’étais pétrifiée” –

Aurore, 34 ans, témoigne à la barre des viols et agressions sexuelles commis sur ses deux soeurs et elle dans sa famille.

Elle décrit l’emprise au quotidien.

“À un niveau rarement rencontré dans l’histoire de l’emprise, sans refuge”.

En 1998, Gilbert Bourdin, le gourou et fondateur de la secte décède. Mais c’est à travers le père d’Aurore que le “seigneur” revient parler aux fidèles, lors des fameuses réunions mensuelles.

« Il se faisait passer pour un médium. Il était mon père, mais dans ces moments-là, sa voix devenait celle du gourou, celle du seigneur, un événement surnaturel », confirme Emmanuel, 36 ans.

Le frère d’Aurore dit avoir très longtemps « eu peur de lui ».

« Il avait des comportements anormaux, tenait des propos incohérents. Il était violent, partait au quart de tour. Il faisait le gentil dehors. Personne n’a connu ce qu’on a vécu dans le cadre intime ».

C’est dans ce huis clos oppressant, étouffant, dysfonctionnel, qu’ont grandi ces quatre enfants.

Une mère absente, absorbée par ses croyances.

Un père illuminé, à la dérive sur le plan psychique.

Jusqu’à la révélation des faits, des années plus tard par Lucie, la jumelle d’Aurore.

Une scène de bain qui dérape, avec le « grand ami » Bernard (ce qu’il nie). Les « p’tites sœurs », comme on les surnomme, ont 6 ans.

“Je repasse cette scène, ça me pétrifie”

« On sort de la baignoire. Il nous parle d’un jeu. Je me vois assise nue sur le tapis de bain. J’ai la vue occultée. J’entends le bruit d’un pantalon. On m’attrape la main et on la pose sur quelque chose. Sans poil et avec poils. C’était rapide comme contact. Comme une caresse ».

Aurore ne comprend pas.

« Sur le coup, je n’ai pas vu le mal. J’étais une gamine ».

Avant de ne pas vouloir comprendre.

Quand le mal-être de sa jumelle explose en 2017, la vérité crue s’impose.

« C’était son sexe. Je repasse cette scène et ça me pétrifie ».

Une réunion est organisée entre la mère des jumelles et Bernard.

« Je refuse d’y assister, se blâme Aurore. On avait une mission tellement importante, sauver la planète et que vienne un âge nouveau. L’individu n’était rien. J’ai même dit à ma sœur : t’es contente, t’as foutu la merde ! ».

L’entre-soi l’emporte.

« On était entourés d’adultes hypocrites qui ne nous aidaient pas et nous traitaient de menteurs. Il a fallu accepter qu’on était seuls », se désespère Emmanuel.

Lucie s’enfonce. Elle commet l’irréparable en se suicidant.( ndlr : en juin 2020 à Auch.)

« Son départ a été balayé d’un revers de la main, pire qu’un chien », sanglote Aurore, défendue par Me Pierre Alfort et Me Alice Collinet.

La plainte avait été déposée en 2017.

L’affaire est jugée en 2025…. (https://www.ladepeche.fr/2023/04/02/aurore-violee-par-son-pere-je-ne-mene-pas-une-vendetta-je-demande-juste-justice-11106731.php))

“Je planais, il y avait des couleurs…”

Car “l’incarnation du gourou” organisait lui-même des soirées méditation perverses chez lui.

La fameuse « farine » (aux psychotropes ?) qu’il fallait avaler.

« Je planais, il y avait des couleurs », se remémore Myriam, l’aînée de la fratrie, devenue « une maman triste » qui « pense au suicide tous les jours ».

Un soir, encore mineure, elle émerge sur son lit.

« Mon père était en train de baisser ma culotte et de regarder mon sexe. Après, je n’ai aucun souvenir ».

Aurore, elle, a pris le même cocktail. « Et deux kirs framboise ».

Cette autre nuit, elle se réveille avec le pénis de son père en elle.

« J’écarte la couverture de mon visage. Je pleure. Je demande à mon père d’arrêter. Il remet la couverture. Je sombre à nouveau. Le lendemain matin, il était jovial, prévenant : tu as bien dormi ma chérie ? J’avais des sensations au niveau du sexe, sinon, vu l’effrayante normalité de ce petit-déjeuner, je me serais dit que j’avais rêvé ».

Et la mère ? Aurore se confiait dans nos colonnes en 2023 (https://www.ladepeche.fr/2023/04/02/aurore-violee-par-son-pere-je-ne-mene-pas-une-vendetta-je-demande-juste-justice-11106731.php) :

“Découvrir les aveux de mon père, les contestations de mon parrain ont constitué un moment fort. Découvrir que ma mère savait, qu’elle n’a jamais dénoncé et qu’aujourd’hui elle se vante de jouer le rôle du témoin clef sans qui rien ne serait possible demeure insupportable. Sa place se trouve aux côtés des accusés, nulle part ailleurs. »

Les deux accusés encourent un maximum de 20 ans de prison.

Après trois jours de débats, Hervé L. et Bernard J. ont été condamnés par la cour criminelle de la Haute-Garonne.

Hervé L., 60 ans, a été condamné à 12 ans de réclusion criminelle pour sa conduite incestueuse, assortis de 5 ans de suivi sociojudiciaire.

Bernard J., 58 ans, a été condamné à 5 ans de prison, dont deux assortis d’un sursis probatoire.

“J’ai toujours dit à mes sœurs que j’ai eu la chance d’être un garçon et qu’il ne s’intéresse pas à moi”.

La phrase d’Emmanuel résonne comme un couperet.

C’est son géniteur que cet homme de 36 ans évoque en ces termes à la barre de la cour criminelle de Haute-Garonne.

Les condamnés ont dix jours pour faire appel du verdict.

 

(*) Pour protéger l’identité des victimes, nous avons choisi de ne pas publier l’identité des mis en cause.

 

Sources :

Enfance en danger

 

Source(s):