Vauchonvilliers | Le maire condamné à dix ans de prison pour viol sur ses filles

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Un homme “avec deux faces”
Le maire de Vauchonvilliers était jugé pour des faits de viols incestueux sur ses filles. Sous le choc, les élus l’ont appris par hasard dimanche soir. À l’issue du procès à Agen, René Collemiche a été condamné à dix ans d’emprisonnement. Il a tenté de se suicider le lendemain de son incarcération.

Ambiance particulière, cette matinée du lundi 03 février 2025.

Dans le petit village (174 âmes) de Vauchonvilliers (Aube), personne n’était au courant.

René Collemiche, le maire de Vauchonvilliers, a été condamné au maximum de la peine requise par le parquet : dix ans d’emprisonnement.

Il est en outre condamné à 40 000 euros de dommages et intérêts pour chacun de ses deux filles, et doit indemniser leurs frais de justice.

En matière de crimes, la condamnation entraîne de fait une peine d’inéligibilité.

L’avocat du maire, maître Jean-François Renaudie, a fait savoir qu’il procéderait dans les plus brefs délais à l’envoi d’une lettre de démission au nom de son client.

Une nouvelle élection municipale aura donc lieu à Vauchonvilliers.

La date devrait être précisée prochainement par la préfecture de l’Aube.

L’âge de l’accusé devient un argument

Au cours de sa plaidoirie, l’avocat de René Collemiche a interpellé les juges sur le sens à donner à “une peine prononcée 30 voire 40 ans après les faits”.

Son but était d’éviter la prison ferme à son client.

“La honte est un cachot plus cruel que la prison”, a ajouté le conseil de l’accusé, faisant écho au fait que tout le monde est désormais au courant.

Y compris la propre épouse de monsieur Collemiche, qui semblait tout ignorer de la nature des faits reprochés.

Eu égard aux 73 ans de l’accusé, l’avocat a demandé une peine aménagée.

Par exemple, le bracelet électronique et l’interdiction d’approcher des victimes auraient pu être substitués à une peine de prison ferme.

“Ce serait terrible pour moi si je devais mourir en prison”, a insisté René Collemiche, à qui revenait de prononcer les dernières paroles de cette audience.

Nonobstant, le ministère public a requis de huit à dix ans d’emprisonnement.

Des actes de viol qualifiés

Le maire, René Collemiche, un septuagénaire, était jugé pour des faits de viols incestueux commis sur ses filles.

Bien qu’il ait reconnu les faits à la surprise générale, il restait officiellement innocent des faits qui lui sont reprochés jusqu’à ce que la justice le prononce coupable.

Il aurait introduit, à de multiples reprises, ses doigts dans le vagin de ses filles.

Ceci est constitutif d’un viol, grâce à l’évolution fluctuante de sa définition juridique.

Les faits sont prescrits (crime datant de plus de 30 ans) pour l’aînée de ses trois filles : ils se sont passés il y a trop longtemps pour que cette personne en question puisse voir le crime reconnu et obtenir réparation.

Les faits, datant des années 80, se sont produits à l’époque où l’homme vivait avec ses filles mineures (entre 5 et 14 ans, aujourd’hui quinquagénaires) dans le Sud.

Membre d’une communauté de témoins de Jéhovah, celle-ci était au courant des faits mais ne les a pas rapportés aux autorités.

Un homme “avec deux faces”

C’est la cour criminelle d’Agen (Lot-et-Garonne) qui est compétente.

Tiphaine Le Roux, reporter de France 3 Champagne-Ardenne, se trouve dans l’Aube et a rencontré une partie du conseil municipal en mairie de Vauchonvilliers pour recueillir des impressions.

“On a l’impression qu’on ne connaissait pas l’homme qui se trouve actuellement au tribunal”, déplore la conseillère municipale Françoise Achard-Bardin, malgré les aveux.

“On a vraiment l’impression d’un homme avec deux faces. Le René qu’on connaît, c’est le gars toujours là, qui dépanne, très présent sur la commune et actif. Ça ne correspond pas… C’est très, très choquant.”

“Je me suis d’abord demandé ce qu’il se passait pour qu’on nous réunisse un dimanche à neuf heures du soir, ex abrupto, on était tous là. Là, notre premier adjoint nous a appris que notre maire René se trouvait à Agen, devant une cour criminelle, pour [ces] actes graves.”

“Hier soir, c’était vraiment le choc. La déflagration : je crois que c’est le terme qui convient le mieux. Mais après, on a resserré les rangs. On est [en mairie] ce matin” pour affronter cette situation pour le moins difficile. “On nous appelle des villages à côté, les gens tombent de l’armoire.” L’élue attend le prononcé du jugement, et a aussi une pensée pour l’épouse de monsieur le maire, habitante du village.

“On est tous extrêmement choqués”, complète Jean-Bernard Jorry, le premier adjoint, qui pense représenter l’avis général des élu(e)s comme de la population.

“Il a indiqué qu’il s’absentait quelques jours pour régler un ‘problème judiciaire’. Ça n’est que dimanche [02 février] que nous avons appris ce qu’il se passait, après un appel d’un journaliste.” La presse locale a effectivement pris le relais. “C’est une manière violente” pour apprendre les choses. “Rien” n’a jamais pu laisser suspecter l’histoire secrète du maire suspecté de pédocriminalité et d’inceste .

Le premier adjoint, lui aussi, évoque une autre personne.

“L’homme que nous connaissons ici n’est pas celui dont on parle dans le journal. C’est quelqu’un de vraiment très différent : très disponible, à l’écoute des demandes des uns et des autres. Il bouche les trous des chemins comme il règle les soucis administratifs et juridiques de la commune”.

Une suite aux contours flous

La sous-préfecture a été jointe durant la matinée pour savoir ce qui se passera en cas de condamnation du maire.

Le conseil municipal ignore si René Collemiche pourra être révoqué (ce qui arrive très rarement), ou s’il compte démissionner.

Se poserait aussi la question de la personne pouvant effectuer le remplacement, à un an des élections municipales de 2026. Ce serait déjà le deuxième depuis 2020. L’ancien maire, Jean-Michel Lancelot, est mort en 2023.

La question de communiquer sur ce sujet est aussi sur la table, mais la réponse est compliquée dans la mesure où le maire demeure considéré comme innocent “jusqu’au bout”. Au petit matin, un habitant tombé des nues en apprenant la nouvelle s’était rendu en mairie pour avoir des explications.

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