Argenteuil | Jusqu’à deux ans de prison ferme pour avoir prostitué deux mineurs
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 02/02/2025
- 12:52
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C’est une affaire assez hors norme de prostitution qui est jugée au tribunal correctionnel de Pontoise (Val-d’Oise).
Sept personnes, deux femmes et cinq hommes, comparaissent pour des faits de proxénétisme sur mineurs commis entre 2022 à 2023.
Si cinq d’entre eux comparaissent libres, deux sont incarcérés pour d’autres affaires.
Une certaine tension régnait dans la salle d’audience.
C’est un appel téléphonique à la gendarmerie de la directrice de l’hôtel Formule 1 de Roissy-en-France, qui a permis la découverte d’un enchevêtrement d’histoires sordides de prostitution.
Cette dernière y dénonçait des faits de proxénétisme sur mineurs survenus dans la nuit du 14 au 15 novembre 2022, après que la victime avait, selon sa version, pris la fuite et demandé de l’aide à la réception de l’établissement.
« Noélie nous a eus par les sentiments »
Sur place, les gendarmes ont rencontré Lydia (le prénom a été changé), âgée de 16 ans au moment des faits, qui leur explique avoir été menacée par trois hommes et une femme pour qu’elle se prostitue.
Elle indique également avoir eu une relation sexuelle tarifée avec un client contre la somme de 55 euros et accuse l’un des individus suspectés de proxénétisme de l’avoir agressée sexuellement un peu plus tard dans la soirée.
Les quatre individus ont été reconnus sur les caméras de vidéosurveillance et interpellés par les gendarmes.
Malgré ce premier coup de filet, les autres trois prévenus pas encore identifiés vont poursuivre les activités de prostitution.
Les investigations vont permettre d’identifier une seconde victime, Driss (le prénom a été changé), âgé de 14 ans.
L’exploitation des téléphones a permis de trouver des conversations relatives à des relations sexuelles tarifées, ainsi que des captures d’écrans et des annonces sur des sites de rencontres.
Les interceptions téléphoniques réalisées ont permis d’établir que les activités de prostitution ont continué jusqu’au 7 février 2023.
Des bénéfices de 500 à 1 000 euros par jour pour 10 clients par jour
L’une des mises en cause, Noélie C., s’est liée d’amitié avec les deux victimes dans un foyer de la Croix-Rouge à Argenteuil, où ils étaient hébergés.
Elle va profiter de cette proximité pour les entraîner, avec ses complices, dans la prostitution.
« Noélie ne nous a pas forcé mais elle nous a eus par les sentiments, c’est la première fois de ma vie que j’avais une telle complicité avec quelqu’un », assure pourtant Driss.
Tout comme Lydia, ils étaient parfois contraints de subir les assauts d’une dizaine de clients par jour, ce qui rapportait aux proxénètes présumés entre 500 et 1 000 euros à la journée.
Les prévenus, chargés notamment d’assurer la sécurité et d’effectuer les réservations des chambres, se sont succédé à la barre ce jeudi.
Ils ont enchaîné les « je ne sais pas » et « c’est pas moi, j’ai rien fait ».
S’ils se dénoncent les uns les autres, ils ne semblent pas nourrir de ressentiments particuliers.
D’un autre côté, l’avocat des parties civiles a dû œuvrer pour leur faire saisir la définition de proxénétisme, qui ne se limite pas qu’à forcer une personne à se prostituer.
Driss aurait été incité à se prostituer, parfois sous la contrainte de la confiscation de son téléphone, dans des appartements gérés par l’un des prévenus.
Plus loquaces, les filles du groupe reconnaissent certains faits.
« J’étais influençable à l’époque », commente Lucie L. qui dit avoir tiré un trait sur cette vie de prostitution.
Noélie C. reconnaît avoir mis en relation Lydia et Lucie, mais réfute toute influence dans les activités tarifées.
« C’est eux qui ont décidé de se prostituer, moi je leur ai dit de ne pas le faire », explique celle-ci, alors que les éducateurs du foyer d’Argenteuil décrivent une personnalité forte qui avait de l’emprise sur les deux mineurs.
Si Lydia était absente à l’audience, Driss a pris son courage à deux mains pour venir témoigner et faire part de son mal-être.
« J’angoisse beaucoup, je n’ai plus beaucoup d’amis », raconte-t-il.
Il en veut énormément à ses camarades de foyer, dont Noélie, en qui il avait confiance.
« J’ai le sentiment d’avoir été trahi », confie-t-il.
Tous coupables, sauf un.
La sanction est tombée ce vendredi 24 janvier au tribunal judiciaire de Pontoise où sept personnes étaient jugées depuis jeudi pour des faits de proxénétisme aggravé commis entre 2022 et 2023 en raison de l’âge des victimes, 14 et 16 ans.
Le tribunal a suivi les réquisitions du ministère public, prononçant des peines allant de douze mois de prison avec sursis à quatre ans de prison dont la moitié ferme.
Seul un prévenu a obtenu la relaxe pour l’intégralité des faits qui lui étaient reprochés dans cette affaire, conformément à ce qu’avait plaidé son avocate.
La peine la plus lourde a été prononcée à l’encontre de Exaucé N., petit ami de Lucie L. à l’époque des faits, condamné à quatre ans de prison dont deux ans ferme pour son implication dans la prostitution des deux mineurs, à des périodes distinctes.
L’auteur de l’agression sexuelle sur la jeune Lydia (le prénom a été changé), à l’hôtel F1 de Roissy-en-France où l’enquête de police a commencé, a quant à lui écopé d’une condamnation de trois ans dont un an ferme et d’une inscription au fichier des délinquants sexuels.
Un autre homme, arrêté après les investigations téléphoniques a été condamné à deux ans dont un de prison ferme. Celui qui avait réservé la chambre d’hôtel s’en tire quant à lui avec douze mois de sursis.
« Des produits jetables, à usage unique »
L’avocat des parties civiles, maître Gallon, dresse le portrait de ces proxénètes à la petite semaine : « des jeunes des quartiers, peu insérés dans le monde professionnel, avec casier judiciaire et connus pour des histoires de stupéfiants », du genre à considérer le corps des autres comme « des produits jetables, à usage unique ».
La représentante du ministère public a déploré que les affaires de proxénétisme similaires soient de plus en plus courantes dans le Val d’Oise, facilitées notamment par les réseaux sociaux et plate-formes numériques.
Il insiste également sur le profil des victimes, composé de « parcours de vie complexes et de structures familiales fragiles ».
Et la procureure de s’agacer contre l’apparente mauvaise foi des prévenus relative à leur méconnaissance de l’âge des victimes ou de leurs activités : « On a des hommes qui mangent un MacDo pendant que des ados font des fellations dans une chambre d’hôtel ».
Elle relève que Driss (le prénom a été changé) est toujours sous traitement deux ans après les faits et que Lydia n’est malheureusement toujours pas présente à l’audience, malgré qu’elle en eût entretenu l’espoir auprès de son avocat.
« Lydia et Driss seront impactés à vie », tonne la magistrate, évoquant ensuite l’engrenage ayant happé la jeune fille, avec la poursuite de ses activités de prostitution.
« Et malheureusement, on ne la rattrapera peut-être jamais », s’inquiète-t-elle.
Le tribunal a également suivi les réquisitions du parquet concernant les filles poursuivies.
Mais leurs activités de prostitution et leur dépendance, elles aussi, à des proxénètes, leur a valu une certaine clémence. Noélie C., qui avait rencontré les deux victimes dans le foyer de la Croix-Rouge où ils étaient hébergés, semblait particulièrement touchée ce vendredi.
Elle écope de dix-huit mois de prison avec sursis.
Lucie L. a écopé de quatorze mois dans les mêmes circonstances.
Tous, maquereaux comme maquerelles, auront à se conformer à des obligations de travail, de soins, et l’interdiction d’entrer en contact avec leurs victimes.
« Moi je pense qu’on peut encore aider Lydia à en sortir », nous confie une des nombreuses éducatrices présentes à l’audience.
Elle évoque aussi l’image de ces véhicules qui viennent régulièrement récupérer des filles dans les foyers comme celui de La Croix-Rouge à Argenteuil.
Et contre lesquels ils se sentent bien désarmés…..
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