Toulouse | Esclavage moderne: Une mère de famille jugée pour séquestration, torture et viol aggravé
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 25/05/2023
- 10:29
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Elle a soigné son look, elle est maquillée, les cheveux longs et lissés.
Ses yeux clairs transpercent le premier rang quand elle s’assoit dans son box.
Alexandra G., 36 ans, revoit ses cinq enfants pour la première fois depuis son arrestation il y a quatre ans.
C’est d’elle dont il sera principalement question pendant ces quatre voire cinq jours d’audience.
Même si à ses côtés dans le box, il y a aussi son frère Sony G., 29 ans, accusé d’avoir participé au viol de la victime, ce qu’il nie.
Alexandra G., 36 ans, est, elle, accusée de séquestration, torture, actes de barbarie et viol aggravé. Elle est aussi jugée pour violences sur ses enfants, motif pour lequel elle a déjà été condamnée par le passé.
La mère de famille, sans profession, est défendue par Frédéric Dutin et Katy Mira.
“Le dossier n’est peut-être pas si accablant, ma cliente admet les violences, mais pas la séquestration.
Il faut explorer les faits et les personnalités“,
résume la défense.
Des enfants traumatisés
Au premier rang des parties civiles, Mohamed A., entouré de deux policiers. Il est en prison pour une toute autre affaire.
Dans celle-ci, il est partie civile, il en est même en quelque sorte le héros.
C’est lui, l’ancien mari d’Alexandra G. et le père de ses enfants qui, en mai 2019, libère L. (elle a demandé à ce qu’on modifie son prénom dans la presse) de sa geôle mentale et la ramène à Toulouse pour que sa mère, sans nouvelles d’elle depuis près de deux ans, la récupère.
Derrière Mohamed, en rang d’oignons et tout sourire – nerveux – sauf l’aîné, les cinq enfants de la famille. Trois adolescents âgés de 14 à 17 ans, et deux plus petits de 11 et 10 ans.
Ils font coucou à leur père qui envoie des baisers à sa petite dernière. Quand la mère arrive dans le box, seul le plus jeune des garçons la salue timidement.
Ils sont tous placés en foyer d’accueil.
Hormis la benjamine, ils ont tous été insultés et battus par leur mère dont la violence a décuplé quand le père a quitté le domicile familial : coups-de-poing, morsures, fouettés avec des câbles électriques et des cuillers en bois.
Les plus grands ont même été forcés parfois à participer aux actes d’humiliation sur celle qui leur servait de nounou et qui dormait par terre dans le salon.
“Eux aussi ont eu la tête plongée dans les toilettes et leur mère leur a foncé dessus en voiture.
C’était une mère dans la toute puissance, défaillante dans le quotidien. Ils ont vécu un calvaire“,
plussoie Amélie Villageon, leur avocate.
Ils ont tous les cinq été témoins des violences quotidiennes de leur mère sur la jeune femme et de la scène terrible du 21 mai 2019 où L. fut violée avec un rouleau à pâtisserie.
À l’époque, ils avaient entre 6 et 13 ans.
Parmi les parties civiles, au deuxième rang, la principale victime bien sûr. L., 30 ans, aujourd’hui, est une petite femme brune en jean et en basket, les cheveux attachés en queue-de-cheval.
Elle adresse quelques sourires aux enfants et vient saluer Mohamed A., son libérateur, qui lui glisse un “sois forte” avant le début de l’audience.
La jeune femme est accompagnée de sa cousine et ses tantes qui témoignent aussi.
“L. ne voit pas le mal chez les gens”
La mère de L., Joëlle, est le premier témoin à s’exprimer à la barre ce lundi.
Elle décrit sa fille comme étant “t**rès naïve, très influençable, très empathique, incapable de gérer ses comptes“.
L., née grande prématurée, a toujours accusé un retard sur les autres enfants de son âge. Ce qui n’a pas empêché la jeune femme, fille unique très liée à sa mère, d’avoir son permis de conduire et un métier.
Elle est ASH, agent de services hospitaliers dans une maison de retraite,
elle “aime beaucoup s’occuper des personnes âgées“,
précise sa mère.
La famille habite près de Tonneins, dans le Lot-et-Garonne. C’est là qu’elle rencontre au lycée un certain Willy G qui devient son petit ami alors qu’il est marié.
En juillet 2017, L. disparaît, sans laisser de traces, sinon un post-it “j’ai rencontré quelqu’un, ne t’en fais pas“.
N’arrivant plus à la joindre, sa mère fait plusieurs déclarations de disparition aux gendarmes, d’autant que le compte bancaire de la jeune femme a été vidé de 25.000 euros brutalement.
Mais L. est majeure et libre d’aller où elle veut avec qui elle veut.
En réalité, L. éperdument amoureuse de ce Willy se fait manipuler. Et finit par atterrir à Montesquieu-Volvestre chez Alexandra, la sœur de Willy.
L’amant disparaît (il sera jugé en septembre pour abus de confiance), et L. se retrouve seule avec celle qui deviendra son pire cauchemar pendant près de deux ans.
La famille déménage peu de temps après à Carbonne et L., privée de ses affaires personnelles dont son téléphone et sa voiture, sert de nounou pour les enfants et de bonne à tout faire dans la maison.
Dépouillée de ses quelques rentrées d’argent, elle dort par terre sur des couvertures dans le salon et subit très vite la colère et les coups de la maîtresse de maison.
Brûlures de cigarette, morsures, tentatives de noyade dans la baignoire et la cuvette des toilettes, la jeune femme est martyrisée sous les yeux des enfants.
“C’est vrai, je l’ai violentée, je m’en excuse.
Mais je ne l’ai pas violée, et je ne l’ai pas séquestrée“,
assène d’entrée l’accusé.
De fait, L. n’a jamais été attachée ou enfermée. La porte d’entrée de la maison était ouverte et plusieurs fois seule, elle aurait pu s’en aller.
Mais l’emprise mentale d’Alexandra G., la peur d’échouer et des représailles étaient telles que la victime n’a jamais essayé de s’enfuir. Le ministère public a donc maintenu l’accusation de séquestration.
Retenant son émotion, Joëlle, la maman, revient sur la journée de mai 2019 où elle retrouve sa fille, près de deux ans après sa disparition, après un échange téléphonique avec Mohamed A. qui lui indique où elle se trouve à Toulouse.
La quinquagénaire revoit alors L., méconnaissable.
“Elle n’arrivait plus à marcher, elle était toute bleue et toute maigre.
Elle pesait 36 kilos.
Si elle était restée plus longtemps là-bas, je crois que je ne l’aurais jamais revue vivante“,
lâche-t-elle dans un sanglot.
“Cette femme, c’est le démon”
L., défendue par l’Agenaise Sylvia Goudenege-Chauvin, a été entendue une première fois ce lundi après-midi par le tribunal.
Courageusement, presque automatiquement, elle débite son récit sans ciller.
Juste avant son témoignage, une gendarme de Tonneins a apporté les photos que lui a envoyées le médecin de Marmande qui a examiné la jeune femme au lendemain de sa libération.
Coquard, lésions et multiples bleus, traces de morsure au front, et une oreille écrabouillée, sans cartilage.
“Cela correspond à ce qu’Alexandra G. vous a fait subir ?“,
demande le président.
“Oui“
répond sans trembler la trentenaire.
“J’étais son esclave, j’étais une merde”,
répète-t-elle.
La gendarme explique que le jour des photos, la victime ne pouvait pas se déplacer et s’asseoir tant elle avait mal au bas-ventre.
Car, juste avant ce dépôt de plainte, il y a eu cette horrible matinée du 21 mai 2019, le jour du viol au rouleau à pâtisserie, avant d’emmener les enfants à l’école.
“Elle m’a dit “je veux que tu crèves, salope”.
Elle a voulu me tuer“,
assène la jeune Lot-et-Garonnaise qui maintient que Sony G. se trouvait aussi là, et lui a baissé le pantalon et la culotte.
L. a aussi commencé à répondre à la question que tout le monde se pose : pourquoi ne s’est-elle pas enfuie en presque deux ans ?
Au départ, L. reste volontairement, et elle accepte de participer aux frais en versant son allocation chômage à son hôtesse.
Les deux femmes entretiennent des relations amicales, tout se passe bien avec la famille jusqu’au départ du père, Mohamed et au déménagement à Carbonne.
Les premières gifles et insultes fusent, puis les coups de poing, de genou, les morsures, les strangulations et tentatives de noyade.
La mère entretient alors un climat de terreur, tandis que sa “commis” comme elle l’appelle, participe aux réunions parents-professeurs à sa place.
“Je ne pouvais pas partir, je m’étais attachée à elle, et j’avais peur“,
résume la victime.
“Cette femme, c’est un démon“.
L’accusée reprend la parole quelques minutes. Droite dans ses bottes, elle réexprime ses regrets quant aux violences infligées.
“Je ne suis plus la même qu’il y a quatre ans, je fais un gros travail psychologique sur moi.
J’ai grandi dans la violence avec mes parents“.
Et de poursuivre sa défense :
“Je suis désolée pour ce que j’ai fait, mais je n’accepte pas d’être calomniée“,
redisant qu’elle n’a ni violé ni séquestré L.
Son frère répète, lui aussi, qu’il n’y est pour rien dans le viol. “Je dormais“. Pourquoi ne pas avoir dénoncé sa sœur, alors ?
“J’aurais dû le faire“,
admet l’accusé.
Les accusés encourent la réclusion à perpétuité.
Verdict attendu jeudi ou vendredi.
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