Sambre-Avesnois | Témoignage : Lola, prostituée à 15 ans, « c’est comme mourir, en pire »
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
non
- 17/12/2022
- 19:48
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Baskets aux pieds, une doudoune trop large sur son corps frêle, il lui a fallu de longues minutes pour trouver les mots, les bons.
« Je me suis tellement forcée à ne plus y penser que ça a du mal à sortir »
, explique Lola.
« Ça », ce sont ces semaines terribles pendant lesquelles la jeune fille s’est retrouvée prostituée. Armée d’une maturité qui tranche avec ses expressions parfois enfantines – « Tu ne vas pas me juger, tu promets ? », elle décrit ce corps qui, avec la puberté, s’est mis à changer. Et avec lui, le regard des hommes.
Une « transformation » qui n’échappe pas non plus à une autre lycéenne. Les deux filles deviennent inséparables.
« Elle me complimentait sur mon style, mon physique. Ça me redonnait confiance. À la maison, c’était compliqué. Et tout a vrillé. »
« Maintenant, tu es ma pute »
C’est au cours d’une soirée que le piège va se refermer sur Lola. Elle qui n’a jamais bu une goutte d’alcool finit « défoncée », encouragée par celle qu’elle pense être son amie et d’autres invités.
« L’un d’eux, un jeune, m’a emmenée à l’écart. »
Elle marque une pause, se recroqueville sous sa doudoune.
« Je ne voulais pas. J’étais vierge. »
Les larmes coulent. Avec un sourire triste, elle s’excuse de ne pas avoir pris de mouchoirs. Elle le savait, pourtant, qu’elle allait pleurer au cours de son récit.
« Je vais m’essuyer avec ma manche, comme quand on était petites. »
Un temps pas si lointain, la concernant.
Au calvaire enduré ce soir-là, s’en ajoute un autre.
« Ma copine avait filmé la scène. Elle menaçait de mettre la vidéo sur les réseaux. Elle m’a dit : “Maintenant, tu es ma pute”. »
Lola ne saisit pas tout de suite la portée de ces paroles. Jusqu’à ce que sa proxénète vienne la voir pour lui donner l’heure et le lieu de ses « rendez-vous ».
« J’étais paralysée, se souvient la jeune fille. Je n’ai même pas imaginé résister. »
Un coup de poing
Les passes s’enchaînent, au fil des semaines, dans une voiture, un coin de rue, en soirée.
La jeune fille ne sait rien de ses agresseurs.
« Je n’avais pas le droit de les regarder, parfois on me bandait les yeux. »
Tout juste sait-elle que certains étaient majeurs « à cause de leur voix grave » et que d’autres sont revenus, plusieurs fois.
« Elle, elle était toujours dans le coin, reprend Lola. Elle récupérait l’argent, me donnait ma part, quelques dizaines d’euros. Elle disait qu’un jour, on mènerait la grande vie comme les influenceuses, qu’elle prendrait soin de moi. Des fois, j’étais tellement paumée et alcoolisée (je buvais avant pour me donner du courage) que je la croyais. »
À aucun moment, elle n’envisage de confier son cauchemar. Encore moins de franchir la porte d’un commissariat. À cette prof, qui s’inquiète un jour de la voir triste, elle répond que ça ne va pas fort entre ses parents.
« J’étais pleine de honte, de peur. Je me racontais des histoires, c’était plus facile que d’accepter cette réalité dégueulasse. Une fois, j’ai pleuré pendant la chose, on m’a donné un coup de poing. Il fallait que je fasse semblant de prendre du plaisir, sinon ça les excitait pas. »
* Le prénom a été modifié. À ce jour, aucun dépôt de plainte n’a été effectué et aucune enquête n’a été diligentée. Le 119 est le numéro d’appel gratuit pour l’enfance en danger, ouvert 24h/24 et 7j/7.
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