Saint-Malo | Un agriculteur condamné pour des agressions sexuelles sur mineures
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 08/12/2022
- 09:00
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C’est après des articles dans la presse sortis durant l’hiver 2021, qui relataient une affaire d’agression sexuelle entre un agriculteur et une de ses apprenties que d’autres femmes ont réagi : des souvenirs leur sont remontés.
Elles sont trois à avoir porté plainte.
L’épouse de l’agriculteur, elle aussi sous l’élan de la presse, s’est également constituée partie civile pour des viols conjugaux.
Des tours de tracteurs et des bisous
Les plaignantes, dont une est encore mineure, l’assurent : entre 2008 et 2017 l’agriculteur a abusé d’elles alors qu’elles avaient 8, 10 et 11 ans : pour l’une, fille d’amis venue passer des vacances à la ferme, l’agriculteur l’a amenée faire des tours de tracteurs en les mettant sur ses genoux.
Lui caressant les cuisses, il l’aurait embrassée sur la bouche.
Elle déclare:
« Je n’arrivais pas à dire non »
Une autre dénonce les mêmes situations:
« Il y en a eu tellement… »
Dans la salle de traite, et toujours dans le fameux tracteur…
Revoici donc l’homme de 34 ans devant le tribunal correctionnel de Saint-Malo ce lundi 5 décembre 2022.
« Des choses pénibles »
Son épouse aussi a réalisé après avoir lu les journaux qu’elle avait vécu des « choses pénibles » durant leur mariage.
À la barre du tribunal, elle parle d’agression sexuelle, dans la cuisine:
« Il se mettait derrière moi, me faisait des câlins, des bisous dans le cou. »
Elle évoque aussi des pénétrations digitales non consenties, parfois dans la salle de traite et dit avoir pensé « accomplir son devoir conjugal ».
Pour le prévenu, ce n’était que des gestes tendres, avant une relation sexuelle.
Me Marie Bourdon aux côtés de l’épouse explique:
« C’est le gendarme qui lui a expliqué que ce qu’elle avait subi était une infraction sexuelle »
Dans la première procédure qui accablait son mari, celle qui l’accuse aujourd’hui l’avait soutenu contre vents et marées.
Maître Baron qui défend le prévenu ne manque pas de le souligner.
Longuement, le tribunal s’épanche alors sur la nature et la fréquence des relations sexuelles entre mari et femme.
Les plaignantes défilant à la barre, la sœur de l’épouse vient elle aussi témoigner.
Pour elle, les faits ont eu lieu quand elle avait 11 ans ; le prévenu se serait masturbé avec sa main.
Il crie son innocence
Toute l’audience, toute la journée, l’ancien agriculteur clame son innocence :
« Non je n’ai jamais fait ça ! »
Il crie au complot : on voudrait le priver de ses enfants et récupérer quelques sous.
Sa femme serait allée voir les parents de la fillette, aurait incité sa sœur à porter plainte… et puis les détails écrits çà et là dans quelques articles sont ceux précisément repris par les plaignantes.
Voilà qui laisse indifférent le substitut du procureur Domitille Guinot qui regrette « des explications affligeantes d’un homme dans la toute puissance ».
« Parfois la presse a du bon »
« Parfois la presse a du bon », plaide Me Sourdin, qui intervenait déjà pour la partie civile dans le premier procès en 2021:
« Ça ne fait aucun doute que c’est la vérité judiciaire, on n’a pas besoin des aveux du prévenu pour le croire. »
Il s’appuie sur le rapport d’un psychologue qui évoque sa cliente:
« Une jeune fille sensible qui peut être une proie pour un prédateur, qui n’affabule pas ».
Il demande 5 000 € en réparation du préjudice de sa cliente, et 1 000 € pour chacun de ses parents.
Aujourd’hui salarié dans une entreprise de fruits et légumes, le prévenu se dit mis au ban de tous les clubs de foot de la région.
Isolé, ses amis lui ont tourné le dos.
Le Parquet requiert quatre ans d’emprisonnement et un mandat de dépôt, et se fend de quelques poncifs :
« La honte doit changer de camp. »
Me Cyril Baron plaide en défense:
« Ce qui vous est dit est séduisant, mais c’est en décalage complet avec la réalité du dossier Je n’ai pas entendu de démonstration de culpabilité. On vous demande de croire, sans preuve. »
« S’il n’y a pas de conviction, il ne reste que le doute »
Face à un dossier qu’il qualifie de « vide, sans témoin », pour des faits qui s’étaleraient sur dix années, l’avocat interpelle les juges :
« Interrogez-vous sur ce qui fonde votre conviction. Ce qui fait qu’on est en État de droit, c’est qu’il faut des preuves pour condamner. La conviction, c’est une certitude en béton armé. S’il n’y a pas de conviction, il ne reste que le doute. »
Arrivé libre, reparti menotté
Alors que son client est relaxé pour les faits d’agression sexuelle dénoncés par son ex-femme, il est néanmoins condamné pour ce que les deux jeunes filles et la belle-sœur dénonçaient.
Avec une peine de 5 ans d’emprisonnement dont 18 mois avec sursis probatoire, l’homme tombe sous le coup d’un mandat de dépôt immédiat : arrivé libre au petit matin il est reparti du tribunal menotté à 18h, et a passé sa première nuit en prison.
Une scène saisissante, très rare au palais de justice malouin, dans une salle d’audience que chacun a bien vite quitté pour ne pas y assister.
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