Paris | Le calvaire d’Esra enfant de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) prostituée de force
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
oui
Pédocriminel En liberté
- 28/11/2024
- 19:11
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À la barre de la 14e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, en ce mardi de novembre, la jeune femme de 24 ans se défend un peu naïvement. Cheveux ramassés en chignon, long manteau noir, cette salariée d’un transporteur était en arrêt maladie cet été.
Et n’a rien vu de mal à « aider » Esra (le prénom a été changé), 18 ans, à se prostituer.
C’était au mois d’août. Esra, jeune fille fragile, décide de partir en vacances en Espagne avec son amoureux, 33 ans, rencontré dans un centre de rééducation, pour échapper à leur quotidien désœuvré.
Elle est placée depuis longtemps, après avoir subi des violences. Lui est en fauteuil roulant, une vie compliquée aussi et un casier judiciaire déjà bien chargé pour de multiples délits.
Mais ils n’ont pas d’argent. Alors début août, il réserve un appartement sur AirBnB dans le quartier Simplon (XVIIIe), 700 euros la semaine, « grâce à l’allocation handicapé », en se faiant passer pour un « voyageur ».
Il met une bonne copine, celle de 24 ans, dans la boucle, pour organiser cette prostitution « en famille », selon l’expression utilisée pendant la garde à vue. Le loueur ne croise pas son hôte, les clés sont à retirer dans un boîtier.
Planqués dans la salle de bain pendant les passes
Cinq à six clients défilent chaque jour dans le souplex.
Les modalités et tarifs des prestations ont été fixés par la jeune femme de 24 ans, jusqu’à « 300 euros les deux heures ».
Les clients laissent l’argent sur le plan de travail avant de descendre dans le souplex.
Le tandem d’organisateurs, planqué dans la salle de bain, récupère l’argent.
Au bout de trois jours, via Snapchat, Esra appelle à l’aide une amie, qui comprend qu’elle est séquestrée et prostituée.
La police débarque le 10 août, et découvre une jeune fille « apeurée, stressée », et qui n’a pas vu un euro de l’argent récupéré
« Je vous assure : préparer, s’occuper des annonces, récupérer l’argent, c’est organiser ! On vous reproche du proxénétisme, vous êtes une proxénète », s’agace la présidente à l’adresse de la jeune femme, venue sans avocat.
Même chose pour l’ex.
« C’est elle qui a eu l’idée de se prostituer pour partir en vacances », dit-il au sujet d’Esra, qu’il qualifie « d’instable » et qui se « victimise beaucoup ». « Elle ne m’a pas laissé le choix, poursuit-il. Soit je l’aidais à le faire, pour l’appartement, la sécurité, soit elle allait le faire avec quelqu’un d’autre. »
L’argent ? « On mangeait, le reste était gardé… » détaille-t-il.
Les deux « organisateurs » devaient récupérer leur mise : lui pour la location de l’appartement et elle pour la diffusion des annonces, le reste devant théoriquement être redistribué « à parts égales » à l’issue
« Vous ne pensez pas que c’est illégal de profiter de l’argent de quelqu’un qui vend son corps ? » demande un assesseur. « Je comptais partir avec mon argent à moi », rétorque l’ex.
J’ai l’impression d’avoir été une marchandise
Le procureur pense qu’il y a encore « du chemin à parcourir ».
« Ils ont trouvé la fille fragile, placée à l’aide sociale à l’enfance, déscolarisée, victime de maltraitances familiales. Ils ont exploité une personne plus jeune pour vendre son corps et qui n’a rien touché », explique le ministère public.
Le tribunal a suivi les réquisitions : 18 mois dont huit avec sursis pour l’ex de 33 ans, qui purgera la partie ferme sous bracelet électronique ; et un an avec sursis et 2 000 euros d’amende pour sa coprévenue.
Les deux ont également interdiction stricte de contact avec Esra pendant trois ans et de paraître à son domicile.
Ils devront aussi lui verser 4 000 euros de dommages et intérêts.
« Je ne pensais pas que ça lui laisserait des séquelles, je regrette. Je n’avais pas compris la subtilité… vendre son corps n’est pas anodin, je pensais qu’elle avait les épaules. Je m’excuse et souhaite qu’elle aille mieux », a conclu le trentenaire.
L’avocate d’Esra prend note.
La jeune fille n’est pas là, elle vit loin de Paris depuis l’été qu’elle a traversé.
Elle est suivie par l’ASE, toujours, dans le cadre d’un contrat pour les jeunes majeurs.
Elle aussi avait transmis quelques mots à son avocate pour le procès, Me Laurence Tartour.
« J’ai l’impression d’avoir été utilisée, qu’ils se sont moqués de moi. L’impression d’avoir été une marchandise. »
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