Metz | Un réfugié afghan jugé pour proxénétisme aggravé sur des ados de l’ASE

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Un exemple parmi trop d’autres : état des lieux de la prostitution de mineures en Moselle
Un homme de 36 ans a été condamné par le tribunal correctionnel de Metz pour des faits de proxénétisme à l’encontre d’une mineure. Il attirait des jeunes filles d’un foyer de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) avec de l’alcool et de la drogue avant d’organiser des relations sexuelles tarifées.

Un homme de 36 ans a été condamné mardi 25 mars 2025 par le tribunal correctionnel de Metz (Moselle) à quatre ans de prison pour des faits de proxénétisme à l’encontre d’une mineure, et pour soustraction de jeunes filles d’un foyer de l’Aide sociale à l’enfance (ASE).

À l’audience en février, la procureure Lauréline Guillot avait requis à l’encontre de Farhad Kamawal, Afghan réfugié politique en France, cinq ans de prison dont deux avec sursis.

Il a aussi été condamné pour « provocation directe à la consommation » d’alcool et de stupéfiants et fait l’objet d’un mandat de dépôt différé.

Lui avait nié les faits, disant considérer les jeunes filles « comme (s)es petites sœurs ».

Une des jeunes filles servait de relais dans le foyer pour attirer d’autres victimes

Début 2021, quelques jeunes filles mineures, placées dans un foyer de l’ASE, commencent à découcher et à fuguer.

Rapidement, une éducatrice du foyer déclare aux enquêteurs qu’un réseau de prostitution de jeunes mineures pourrait exister.

Elle fait notamment référence à « un Afghan qui traîne souvent devant le foyer, qui a un appartement à Woippy (en banlieue de Metz : NDLR) où il accueille » des mineures, avec de l’alcool, des stupéfiants, et organise des relations sexuelles tarifées.

Une des jeunes filles, partie civile au procès, a été un temps en couple avec le trentenaire.

Il ressort de l’enquête qu’elle était l’instigatrice au sein du foyer, incitant d’autres mineures à se prostituer pour gagner de l’argent.

Entendue, elle a déclaré que le mis en cause les attirait avec « de l’alcool, de la drogue » avant de les enfermer « dans sa tanière pour les prostituer ».

Le prévenu « savait pertinemment ce qu’il faisait »

Il a été relaxé pour proxénétisme envers elle, en raison de dates erronées, mais a été condamné pour ces faits à l’encontre d’une autre mineure.

Pour Laura Cassaro, avocate de cette dernière, le prévenu « savait pertinemment ce qu’il faisait : apprivoiser ces jeunes mineures, se voulant bienveillant au début », mais en réalité, il les « exploitait sexuellement ».

L’avocate a également souligné que la victime attendait « beaucoup » de la décision du tribunal, demandant à « être protégée ».

Niant les faits, le prévenu avait déclaré avoir : « l’impression qu’ils se sont tous réunis au sein du foyer pour inventer une histoire pour (l’) accuser ».

Son avocat Arnaud Blanc avait plaidé la relaxe, estimant que « la majorité des témoignages » ne mettaient pas en cause le prévenu, pointant une enquête qui « a traîné ».

À ce jour 34 mineurs en situation de prostitution sont identifiés en Moselle.

Un exemple parmi trop d’autres

Ce chiffre du comité de suivi des situations de prostitution des mineurs mis en place fin 2023 est bien en deçà de la réalité, tant il est complexe de déceler ces faits.

« Il y a des mineurs qui tombent dans la prostitution par le biais d’un réseau, mais bien souvent c’est une approche qui se fait en plusieurs temps » expliquait en janvier François Pérain, procureur général près la Cour d’appel de Metz.

Les victimes peuvent être entraînées par « un petit ami » ou même des « amies ayant elles-mêmes été prostituées », le plus souvent entre 14 et 16 ans, détaille le magistrat.

« continuum de violence »

Si dans les foyers, des éducateurs peuvent effectuer des signalements, la prostitution reste bien présente ailleurs.

« Les profils sont extrêmement variés (…) Il y a des jeunes filles qui viennent des quartiers populaires, mais il y a également des jeunes filles qui viennent de milieux aisés », note encore le procureur général.

Parmi les 34 situations connues des services compétents,

Tous les mineurs ont « vécu de la violence intrafamiliale et/ou des agressions sexuelles avec une forme de continuum de violence », avait conclu le comité de suivi de ces situations lors d’une conférence de presse en janvier, un an après sa mise en place.

Ils ont aussi en commun de connaître des « problèmes relationnels antérieurs, souvent avec un parent », et de « développer une addiction aux stupéfiants dès l’entrée dans la prostitution ».

Mais sur le moment, et parfois pendant plusieurs années, ces jeunes ne se « considèrent pas comme victimes », pointe Géraldine Grillon, conseillère déléguée à la protection de l’enfance.

Ils sont dans le « déni » et « refusent de toute façon d’évoquer » la situation.

Les proxénètes peuvent aussi les menacer, les incitant à garder le silence.

« Montée en puissance du phénomène prostitutionnel »

La création d’un comité de suivi de ces situations en Moselle répondait au constat qu’« il s’agissait d’un phénomène important, beaucoup plus important qu’il n’y paraissait », a détaillé M. Pérain, estimant qu’il pourrait toucher « plusieurs dizaines voire plusieurs centaines » de mineurs dans le département.

Il y a une « montée en puissance du phénomène prostitutionnel » en Moselle « comme sur l’ensemble du territoire », a constaté le comité, avec même une augmentation, notamment l’été dernier et d’une manière générale durant les « évènements sportifs internationaux qui ont eu lieu en France », pointe Élise Dalstein-Chenal, directrice prévention du département.

Et « un suivi (d’une situation) peut durer des années. Sortir un mineur de la prostitution, ça prend énormément de temps », rappelle M. Pérain.

Un exemple cité a pris plus de deux ans, avec un déménagement contraint de la victime dans un autre département.

Cela demande aussi des moyens dont ne disposent pas forcément les enquêteurs, avec des investigations longues, notamment sur les réseaux sociaux, pour débusquer des proxénètes.

Le suivi est désormais étendu, dans le département, aux jeunes jusqu’à 21 ans, plus seulement jusqu’à leur majorité.

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