L'Enfance muselée
Catherine Bonnet, une pédopsychiatre qui lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants
Catherine BONNET
Présentation :
La pédopsychiatre Catherine Bonnet est une femme d’exception, engagée depuis des années pour briser la loi du silence qui règne dans le domaine des violences sexuelles faites aux enfants.
Catherine Bonnet a été contrainte à l’exil professionnel suite à des plaintes, parce qu’elle avait signalé des violences sexuelles sur des enfants.
Les plaignants prétendaient que ces signalements étaient la conséquence de manipulation par les mères en raison de divorces conflictuels.
Depuis février 1997, il y eut au total 8 plaintes : 6 plaintes disciplinaires et 2 plaintes pénales.
La justice donnera raison aux plaignants. Pour avoir voulu porter secours à des enfants, Catherine Bonnet sera sévèrement sanctionnée : trois fois trois ans d’interdiction d’exercer.
Elle n’aura d’autre choix que de fermer son cabinet, puis de s’exiler en Angleterre.
Depuis, Catherine Bonnet se bat pour que les violences sexuelles envers les enfants soient enfin reconnues et que les médecins puissent signaler ces violences en toute sécurité, sans risquer de perdre leur cabinet et leur droit de pratique.
Catherine Bonnet a également écrit deux livres :
L’Enfant cassé, l’inceste et la pédophilie, éditions Albin Michel, 1999
L’Enfance muselée, un médecin témoigne, éditions Thomas Mols, 2007
L’enfance muselée: un médecin témoigne.
Présentation
En 1996-1997, en signalant aux autorités judiciaires des enfants subissant des agressions, filmées par un de leurs parents pour être enregistrées en cassettes et exploitées sur Internet, Catherine Bonnet n’avait pas imaginé qu’ils seraient considérés comme menteurs, puis qu’on s’acharnerait à les museler.
Pouvait-elle penser qu’il en serait de même pour elle parce que ses prises de position indisposaient fortement ?
Était-elle en mesure d’anticiper qu’elle perdrait son travail et serait contrainte de s’exiler alors qu’elle n’avait fait que son devoir de médecin ?
L’auteur témoigne des résistances qu’elle a rencontrées pour faire entendre la voix de ses jeunes patients, tout comme celle de 200 autres médecins et autres professionnels de l’enfance, indignés par les mêmes abus et victimes des mêmes pressions au silence.
Elle nous fait découvrir les défaillances de la loi française envers les enfants maltraités.
Elle décrit comment d’autres pays occidentaux ont résolu des situations similaires.
Les procédures dureront presque huit ans.
Le dernier non-lieu sera prononcé le 10 septembre 2004.
En 2006, la commission d’enquête de l’Association mondiale de psychiatrie (WPA) confirme la valeur de son travail.
Aujourd’hui, Catherine Bonnet est réhabilitée par l’Ordre des médecins.
La commission anti-pédophilie du Vatican
Le 22 mars 2014, Catherine Bonnet est nommée par le Vatican avec 7 autres experts pour créer la toute nouvelle commission d’experts pour la protection des enfants dans les institutions de l’église catholique : “Vatican: une française nommée au sein de la commission anti-pédophilie”
La tâche de Catherine Bonnet au Vatican semble plutôt complexe.
Néanmoins, nous lui souhaitons de réussir dans sa mission de protection des enfants contre les pédocriminels qui sévissent dans les rangs de cette église.
Un article du 17 mars 2015 du site catholique La Vie : Portrait: Catherine Bonnet, une battante au Vatican
L’article quasiment dans son intégralité :
« C’était il y a tout juste un an. Quand la pédopsychiatre française Catherine Bonnet reçoit un mail du Vatican, la surprise est totale. Elle se demande comment le Saint-Siège peut avoir son adresse… On lui propose d’intégrer une nouvelle commission dédiée à la protection de l’enfance, le combat de sa vie. « Un immense honneur », témoigne-t-elle.
La soixantaine, Catherine Bonnet a le regard des gens qui n’ont jamais détourné les yeux. Déterminé. L’histoire commence au Maroc, où son père travaille dans le développement et où sa mère est femme au foyer. Dans la journée, elle va à l’école chez les carmélites missionnaires : « Des religieuses très dynamiques et très ouvertes, se souvient-elle. Je m’interrogeais alors beaucoup sur la foi… Plus tard, dans ma pratique, j’ai observé que les personnes victimes de violences se posaient de grandes questions de sens. »
Elle étudie aux États-Unis, commence sa carrière au Maroc, mais c’est en France qu’elle entend pour la première fois toute une série de dévoilements d’inceste et de violences sexuelles subis dans l’enfance qui n’ont pas été dépistés. Elle veut comprendre pourquoi les médecins n’ont pas été formés à reconnaître ces violences. Quand l’affaire Dutroux éclate, en 1996, elle est submergée de demandes de consultations. À l’époque, les psy parisiens formés au dépistage et à la psychothérapie d’enfants victimes se comptent sur les doigts.
Parmi les enfants qui lui sont adressés, certains révèlent avoir non seulement subi l’inceste, mais aussi avoir été filmés au cours d’agressions. Catherine Bonnet établit des signalements suspectant que ces films soient l’objet de productions pédopornographiques. Quelques mois plus tard, elle reçoit une série de plaintes adressées au Conseil de l’ordre départemental pour « accusation mensongère » et « dénonciation calomnieuse ». Certains enfants sont très petits, ils n’ont que quelques mots pour se plaindre. En tout, il y aura six plaintes disciplinaires et deux plaintes pénales. Les plaignants arguent de la possible manipulation par les mères lors de divorces douloureux. La sanction tombe : trois fois trois ans d’interdiction d’exercer. « Pourtant, se souvient-elle, tous mes diagnostics avaient été confirmés, comme l’indiquera le rapport de Juan Miguel Petit, rapporteur spécial de l’Onu, le 14 octobre 2003. » Elle fait appel et s’engage dans une longue bataille judiciaire de 7 ans.
Une véritable traversée du désert. Après des postes intérimaires, elle se retrouve au chômage, voit ses économies fondre. Le quotidien devient de plus en plus difficile. Au moindre signalement, elle encourt le risque d’une nouvelle poursuite, avec la crainte que cela se retourne une fois de plus contre les enfants qu’elle tente de protéger. Paradoxalement, c’est à cette époque qu’elle reçoit la Légion d’honneur. Devant l’impossibilité d’être embauchée, elle part au Royaume-Uni. Là-bas, en 2004, elle apprend que la dernière plainte pénale déposée contre elle, en 1997, fait l’objet d’un non-lieu.
Aujourd’hui, elle ne pratique plus la pédopsychiatrie, mais fait, depuis 1999, du lobbying pour que le signalement de soupçons de violence devienne une obligation afin de sortir du « flou législatif, qui place le médecin face à un dilemme ». Elle explique : « Les médecins qui ne relèvent pas du service public hospitalier et les médecins libéraux n’ont pas l’obligation de signaler. Ils ont le choix de se taire. Mais ce choix est complexe, car s’ils signalent, ils s’exposent à des poursuites de la part de la personne indirectement mise en cause, et s’ils ne signalent pas, ils peuvent être condamnés pour ne pas avoir protégé l’enfant. Au Canada et aux États-Unis, les médecins ont l’obligation d’établir des signalements, obligation assortie d’une protection juridique de leur responsabilité, ce qui est essentiel pour dépister sereinement les violences envers les enfants. »
Elle déplore aussi le « manque criant de chiffres en France, alors qu’il y aurait environ un enfant sur cinq victime de violences sexuelles, selon des études américaines ». Elle aimerait que la France développe des études cliniques et épidémiologiques sur cette violence et que les praticiens soient formés à la détection de signes de maltraitance dès l’école de médecine. « Il faut que la société apprenne à regarder ce problème en face. La protection des plus fragiles doit être une priorité. »