Interview | Christine Djamila Allaf, directrice de l’association L’enfance au cœur : “Le viol est un crime mais il y a en a un deuxième, rendre l’enfant à son agresseur”

Christine Djamila Allaf, directrice de l’association L’enfance au coeur, revient sur “l’affaire Lily-Rose” et évoque la violence familiale et ces enfants sacrifiés par la justice, dans “Bercoff dans tous ses états”, jeudi 13 juin, sur Sud Radio dans son rendez-vous du 12h-13h.

Christine Djamila Allaf, invitée sur Sud Radio.

Christine Djamila Allaf : “Le viol est un crime mais il y a en a un deuxième : rendre l’enfant à son agresseur”

Christine Djamila Allaf, directrice de l’association L’enfance au coeur, revient sur “l’affaire Lily-Rose” :

“Je voulais tout d’abord revenir sur votre introduction où vous dites qu’il y a des monstres et qu’il n’y a pas pire crime que de violer un enfant.

C’est vrai qu’il n’y a pas pire crime, mais il y a un deuxième crime, qui s’ajoute aujourd’hui, c’est celui de ne pas le croire, c’est celui de le rendre à l’agresseur.

Parce qu’un enfant qui a été violé et qui est pris en charge très rapidement parce qu’il est cru, parce qu’il est entendu, et qu’il y a des méthodes adaptées pour l’aider en psychothérapie, avec des victimologues, l’enfant peut parfaitement se reconstruire”.

Elle poursuit :

“Mais sur un crime de viol, si on dit à l’enfant qu’il a menti, lorsqu’on ne sait pas recueillir sa parole, finalement par manque de moyens, on le remet à l’agresseur au titre de théories qui n’ont pas été validées scientifiquement.

On entend beaucoup parler de l’aliénation parentale, mais elle a été réfutée par la communauté scientifique”.

Quid de l’affaire Outreau alors où des enfants ont menti ?

“Absolument pas, répond Christine Djamila Allaf.

Lorsqu’un enfant dit une exactitude, ça ne veut pas dire qu’il ment.

Un agresseur ne montre pas sa carte d’identité et si l’enfant dit :

‘il s’appelle Jean-Michel’, parce que l’agresseur a dit qu’il s’appelait ainsi, alors qu’il s’appelle Martin, en France, on a considéré que les enfants avaient menti à cause de ça”.

“Les enfants de l’affaire Outreau n’ont pas menti”

Christine Djamila Allaf insiste :

Je rappelle que les enfants de l’affaire Outreau n’ont pas menti.

Douze enfants ont été reconnus victimes de violences sexuelles.

Dans un contexte de proxénétisme.

C’est une affaire qui a fait énormément de mal à la cause des enfants.

Les années qui ont suivi le procès, il suffisait de brandir l’affaire Outreau pour dire ‘Attention il va y avoir encore des mensonges !’

Les premières victimes sont celles de l’affaire, mais les autres victimes sont tous les autres enfants qui, après cette affaire, n’ont pas du tout été entendus et n’ont pas été crus.

Qu’un agresseur puisse mentir alors qu’il risque la prison, on le comprend.

Qu’un enfant, victime d’un viol, mente ce n’est pas crédible”.

Elle conclut :

“Aujourd’hui, on vous parle d’enfants affabulateurs, c’est l’inversion de la culpabilité.

Le gros problème de la France, c’est que les professionnels ne sont pas formés au recueil de la parole de l’enfant.

En revanche, j’ai appris qu’il y avait, à la Sorbonne, un DEUG sur le recueil de la parole de l’enfant mis en place il y a un ou deux ans”.

Puis, elle évoque “l’affaire Lily-Rose” où, lorsque son père venait lui rendre visite à l’hôpital, la petite fille hurlait :

“Là, on est dans une affaire typiquement française.

En France, on discrédite la parole de l’enfant.

On a considéré que l’enfant avait été aliéné par la mère, manipulé contre le père.

À une époque où l’on parle beaucoup du bien-être animal, les animaux sont dotés de sensibilité, mais qu’en est-il des enfants ?

À l’époque des faits, la petite avait 4 ans.

Elle a révélé à sa mère, que son père la touchait, l’agressait sexuellement.

La mère a déposé plainte.

Il y a eu un classement sans suite.

Ce qui signifie qu’il n’y a pas de possibilité de poursuite.

Or, en France, il n’existe pas de principe de précaution.

Lorsqu’il y a une séparation, le juge des affaires familiales (JAF) fixe une résidence.

Pour respecter la loi, la mère est donc obligée de rendre l’enfant au père. 

Tant que l’agresseur n’est pas condamné, il est présumé innocent.

Une présomption d’innocence est brandit, mais on rappelle aussi que l’enfant, lorsqu’il dénonce un viol, est, lui, accusé de mentir“.

Source : Sud Radio

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