Indre-et-Loire | Le tribunal canonique de Paris juge les délits au sein de l’Église
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
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- 06/12/2024
- 20:27
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Actualisation du 6 décembre 2024
Le collectif de victimes “les Voix Libérées” et l’archevêque de Tours ont donné une conférence de presse, vendredi 29 novembre, pour revenir sur la condamnation de l’abbé Tartu.
Le tribunal pénal canonique national l’a reconnu coupable d’abus sexuels sur plusieurs chanteurs de la chorale qu’il animait entre 1968 et 1985, à Tours et Loches.
À l’époque, les victimes avaient entre 8 et 18 ans.
“Les plaignants doivent entendre qu’ils sont reconnus comme victimes”
Gilles a été violé par l’abbé Tartu de 1968 à 1975, à partir de l’âge de 11 ans.
Des abus dont les conséquences le poursuivent encore, un demi-siècle plus tard.
“Échecs scolaires, alcoolisme, troubles sexuels, envies suicidaires, dépression, hôpital neuro-psychiatrique. J’ai failli tout perdre”, explique l’homme, la gorge serrée, en lisant un texte qu’il a préparé avant la conférence de presse.
Pour Monseigneur Jordy, l’archevêque de Tours, la condamnation prononcée par le tribunal canonique est un acte fort :
“Les plaignants doivent entendre qu’ils sont reconnus comme victimes”, souligne Monseigneur Jordy. “Comme m’a dit l’un d’entre eux, on ne pourra plus dire que nous sommes des menteurs.”
“S’assurer qu’il ne pourra pas repasser à l’acte”
Bien que soulagés par cette condamnation, certains membres des Voix Libérées auraient préféré que l’octogénaire soit poussé hors de l’Église.
Selon l’archevêque, il était préférable de garder l’Abbé Tartu sous surveillance, plutôt que de laisser faire, éventuellement, d’autres victimes.
“Il n’y a pas de bracelet électronique avec l’Église, il n’y a pas de prison de l’Église. Mais on peut quand même, pour une personne qui a été condamnée, qui est dangereux, en le gardant à l’intérieur de l’institution, s’assurer un minimum du fait que les conditions sont telles qu’il ne pourra pas repasser à l’acte.”
Rendre publique cette condamnation pourrait permettre de révéler d’autres abus.
L’abbé Tartu a travaillé avec 1.000 jeunes chanteurs.
Il y a peut-être davantage de victimes que les 21 déjà recensées.
Une de ces victimes a d’ailleurs demandé à Monseigneur Jordy si l’abbé avait exprimé des regrets :
“Je vais répondre en deux mots. Malheureusement non.”
Une plaque commémorative pourrait être posée prochainement dans la basilique Saint-Martin de Tours pour honorer les victimes et sensibiliser le public.
Une rencontre avec le pape est aussi envisagée, peut-être en 2025 ou 2026.
Sources :
Article du 5 décembre 2024
Grâce à leur chef de chœur, ils ont rencontré le pape Jean-Paul II et chanté devant lui, en 1980. Les « Petits chanteurs de Touraine », une chorale catholique fondée en 1954 et dirigée par l’abbé Tartu jusqu’à la fin des années 1990, se sont produits dans le monde entier.
Une expérience « fabuleuse », pour beaucoup d’enfants. Mais pas tous. Au moins 21 d’entre eux ont vécu sous l’emprise du prêtre qui les violait chaque semaine dans l’infirmerie.
Longtemps, ces victimes ont cru qu’elles ne parviendraient jamais à faire condamner leur bourreau.
Ce vendredi, lors d’une conférence de presse, ce groupe d’enfants âgé aujourd’hui de 45 à 68 ans, va annoncer avoir enfin obtenu justice… de la part du tribunal pénal canonique national.
Cette nouvelle instance rend là sa toute première décision : Bernard Tartu, 88 ans, a été reconnu coupable de ces viols et écope d’une interdiction perpétuelle d’officier. Il est assigné à résidence dans une institution religieuse et ne devra plus approcher de mineur.
Annoncé lors de la Conférence des évêques de France (CEF) et créé dans le sillage du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), le tribunal canonique, basé à Paris, prend en charge, selon le droit propre de l’Église catholique, les délits commis en son sein.
Et il vient de frapper fort. Sans toutefois aller jusqu’à renvoyer le père Tartu de l’état clérical, la sentence ultime.
Le calvaire de Gilles
« Un gros risque serait de le laisser dans la nature, sans contrôle. Là, il est logé dans un endroit précis, précise Vincent Jordy, l’évêque de Tours. Ainsi, il est possible de surveiller quelqu’un qui a un comportement pathologique. »
Les victimes acquiescent : « Au moins on nous croit désormais. »
Mais le chemin a été long, notamment pour Gilles, le premier à dénoncer les abus sexuels survenus lorsqu’il avait 11 ans, en 1968.
« L’abbé Tartu avait dit à mes parents qu’il était médecin et qu’il allait s’occuper de moi car j’étais chétif, se remémore-t-il. Ensuite sous prétexte de replacer ma voix, parce que j’allais muer, il a commencé à me toucher les parties génitales. Puis à me violer. »
À raison de deux « auscultations » par semaine pendant six ans…
« Il me faisait mal, mais je n’arrivais pas à le détester, j’étais un enfant, reprend Gilles, 68 ans aujourd’hui. J’ai compris que c’était un viol seulement en 2000, lors de séances psy. Ma vie était déjà un enfer. » Échec, alcoolisme, pensées suicidaires. « J’ai écrit à Bernard Tartu, et sa réponse ne m’a pas plu, c’est ce qui m’a incité à déposer plainte. »
Mais en 2006, il est seul. Et replonge lorsque l’affaire est classée sans suite, après une enquête des plus sommaires, où aucun autre enfant n’a été contacté, alors que l’abbé Tartu avait en partie reconnu les faits en garde à vue…
J’ai fait une tentative de suicide
Le mode opératoire de l’abbé pédophile s’est répété à Amboise, Loches et Tours .
« J’aimais cette attention particulière qui manquait chez moi car mon père me frappait, glisse Benoît, violé plus d’une cinquantaine de fois entre 1978 et 1981. Mais pour éviter que l’abbé Tartu ne continue à me faire mal, je ne me lavais plus. Et quand j’allais aux toilettes , je ne m’essuyais pas, en espérant que ça le dégoûte. » En vain. « Je n’ai été rejeté que lorsque j’ai grandi, lâche Benoît. Je l’ai vécu comme une trahison, j’ai fait une tentative de suicide. »
D’autres iront au bout de leur geste.
« En 2002, j’ai perdu mon fils Gwénaël qui avait 32 ans, j’ai compris qu’il avait été abusé à la chorale », souffle la maman de ce chanteur.
Violé une centaine de fois au début des années 1980, Louis (le prénom a été modifié) a aussi voulu en finir après avoir vu le film les Choristes, en 2004.
« Ça m’a rappelé tout ce que j’avais vécu, jusque-là j’avais fait une amnésie », détaille celui qui a longuement été hospitalisé en psychiatrie.
« Les médecins ne comprenaient pas son problème, moi non plus », se souvient son frère François (le prénom a été modifié), lui aussi abusé, et qui avait pareillement occulté ce traumatisme jusqu’à ce Noël de 2013, où une discussion avec son frère a réveillé ses souvenirs
Une décision essentielle pour le collectif des Voix libérées
Ils trouvent la force de déposer plainte en 2019 contre ce prêtre qui a enterré leur mère et leurs grands-parents. Là, on leur apprend que Gilles a subi les mêmes sévices qu’eux. Ils se réunissent et ensemble, remuent ciel et terre pour dénicher d’autres victimes dont les faits ne seraient pas prescrits.
Benoît découvre leur activité et après un appel dans la presse locale, leurs rangs grossissent.
« 21 personnes ont déclaré avoir été violées par le père Tartu, confie Christian le coordinateur de leur collectif baptisé Voix Libérées. Mais beaucoup n’ont pas voulu engager une procédure judiciaire, c’était trop douloureux. »
Car localement l’opposition est forte : un groupe de paroissien « doutant » de la parole des victimes a adressé pléthore de courriers aux prêtres du diocèse et interpellé sur Internet les accusateurs du père Tartu.
« C’est pour ça que cette décision est un soulagement, reprend Gilles. Ma vie est presque finie. J’en ai perdu des années, mais c’était important d’aller au bout. »
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