Grenoble | Obligée de présenter sa fille à son père alors qu’une instruction est en cours

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Mon ex-mari avait agressé sexuellement mon enfant qui avait six mois
Ce jeudi, une mère iséroise a été reconnue coupable de non-présentation d’enfant par le tribunal de Grenoble, qui a décidé toutefois de ne pas prononcer de peine. Séverine a jusqu’au 11 décembre prochain pour respecter le droit de visite du père, alors qu’une instruction pour inceste est en cours.

Ce 27 février après-midi, il y avait beaucoup de monde dans la petite salle d’audience du tribunal judiciaire de Grenoble pour entendre la décision du juge unique concernant le dossier d’une grenobloise, poursuivie pour non-présentation d’enfant.

Son ex-mari l’avait assignée, devant la justice, par citation directe la semaine dernière.

Reconnue coupable mais jugement ajourné au 11 décembre 2025

Séverine a donc été reconnue coupable mais le tribunal a décidé d’ajourner la peine. Cela veut dire que la mère de famille a jusqu’au 11 décembre 2025 pour remettre sa fille, aujourd’hui âgée de trois ans, à son père lors de visites dans un endroit neutre.

Si d’ici là, elle ne le fait pas, elle sera condamnée. Lors de l’audience, qui s’était tenue à huis clos, à la demande de l’ex-compagnon, le parquet avait d’ailleurs requis six mois de prison avec sursis.

À la sortie de la salle d’audience, Séverine, épaulée par son avocat, Maitre Bernard Boulloud, et quelques amis, a répondu d’une voix ferme aux questions de la presse :

“Je suis en paix avec moi-même et je suis encore plus forte pour continuer le combat.

Le message que la justice a envoyé aujourd’hui est limpide. En 2025, en France, protéger son enfant d’un danger avéré est un crime. 

Et le danger a été reconnu, que ce soit par le JAF (juge aux affaires familiales), par le département quand il y a eu une enquête sociale diligentée par le procureur.

J’ai apporté des preuves, vidéo et analyses ADN à l’appui, que mon ex-mari avait agressé sexuellement mon enfant qui avait six mois à l’époque. L’enquête a été classée sans suite. J’ai alors déposé une nouvelle plainte avec constitution de partie civile et l’instruction est en cours.

Mais on m’oblige à lui confier mon enfant dans un lieu qui ne fait pas de visite médiatisée où on m’a expliqué qu’au bout de quatre visites, il pourra sortir en étant seul avec ma fille !”

“Vous n’avez pas fauté en voulant protéger votre enfant” – Maître Boulloud

Maître Boulloud prend la parole.

On ne peut pas accepter une culpabilité, même si on nous promet un éventuel ajournement, parce que ce serait reconnaître une faute et vous n’avez pas fauté en voulant protéger votre enfant” affirme l’avocat en se tournant vers sa cliente.

“On a l’impression que la justice n’a pas encore complètement ouvert les yeux ou ne veut pas les ouvrir pour des raisons qu’on ignore, mais on va continuer de se battre et nous allons faire appel.”

“Il fait quoi, le président Macron ?” –  Séverine

Séverine acquiesce et poursuit, toujours aussi déterminée :

“Quand Emmanuel Macron a pris la parole en 2021 pour annoncer la création de la Ciivise, de mémoire, ses mots étaient “On vous croit, vous n’êtes plus seuls, on vous écoute ! Et on en est là en 2025 ? À quel moment on nous croit, à quel moment on nous écoute ? On est des milliers de mères dans la même situation que moi en fait. On est des milliers à frapper à toutes les portes, à appeler à l’aide pour sauver nos enfants. Et il fait quoi, le président Macron ? On ne peut pas nous obliger à être complices de crimes, comme le voudrait le tribunal. On veut m’obliger à livrer mon enfant à son père alors que j’ai apporté les preuves de ce qu’il lui a fait !”

Séverine continue son plaidoyer :

“La France a signé la Convention internationale des droits de l’enfant, elle s’est engagée par écrit, à savoir que l’intérêt supérieur de l’enfant doit prévaloir sur tout le reste.”

Rappelons également que la loi du 18 mars 2024, dite loi Santiago, du nom de la députée qui l’a portée, élargit la suspension automatique de l’exercice de l’autorité parentale, des droits de visite et d’hébergement au parent poursuivi ou mis en examen pour agression sexuelle ou viol incestueux ou pour tout autre crime commis sur son enfant.

Cette suspension vaudra jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, jusqu’à la décision de non-lieu du juge d’instruction ou jusqu’à la décision de la juridiction pénale.

Nous avons sollicité la réaction de l’avocate du père qui ne nous a pas répondu.

“Le combat que mène Séverine, je l’ai commencé il y a 40 ans” – Eva Thomas

La grenobloise Eva Thomas, qui fut la première femme a témoigné à visage découvert à la télévision de l’inceste qu’elle avait subi et qui a fondé SOS Inceste en 1985, était présente pour soutenir Séverine.

“On vient d’une société patriarcale où l’inceste était tabou. Ce qui était interdit ce n’était pas de le faire mais de le dire. Il y a eu un énorme travail de fait depuis 40 ans, les mentalités ont évolué. On le voit à travers les plaintes qui explosent de partout. Mais cela ne suffit pas. La justice doit s’adapter à la réalité !”

Chaque année, en France, 160 000 enfants subissent des violences sexuelles, et un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups de ses parents.

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