Côte-d’Or | Le prêtre Yves Grosjean mis en examen pour agressions sexuelles aggravées

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Des victimes de plus en plus nombreuses en France et au Maroc
Le prêtre Yves Grosjean a été mis en examen pour agressions sexuelles aggravées. Les faits concernent des mineurs et des majeurs indique le parquet de Dijon. Il a été placé en détention provisoire à la maison d’arrêt de Bourges, dans le Cher.

D’après le parquet de Dijon, plusieurs agressions ont été commises, certaines sur des personnes mineures, d’autres sur des majeurs.

Yves Grosjean est mis en examen et placé en détention provisoire en attendant son procès à la maison d’arrêt de Bourges, dans le Cher.

Un éloignement “pour de multiples raisons” précise le parquet, notamment un manque de places à Dijon.

Dans un communiqué de presse, l’archevêché indique qu’une plainte, a été déposée par “un jeune homme” pour des faits “qui se seraient déroulés en 2010”.

Ce prêtre avait intégré la paroisse Saint-Pierre en tant que “prêtre coopérateur” depuis 2024, peut-on lire dans le communiqué.

Dans ce communiqué de presse, Monseigneur Antoine Hérouard, l’archevêque de Dijon, évoque “une nouvelle grave”.

Il indique que le prêtre accusé est arrivé à Dijon en 2024, à la demande de l’archevêque de Rabat, au Maroc, où il officiait, pour “bénéficier d’un suivi psychologique”.

Il devait rester pour une période d’un an.

Informé en novembre 2024 par la Conférence des évêques de France, de la plainte déposée à l’encontre du prêtre, Monseigneur Antoine Hérouard, l’archevêque de Dijon, assure avoir mis en place les “mesures conservatoires à son égard”.

L’homme a notamment été éloigné des mineurs, et a eu interdiction de retourner dans les paroisses côte-d’oriennes où il avait officié, c’est-à-dire à Sombernon, Bligny-sur-Ouche et Arnay-le-Duc.

L’archevêque de Dijon dit aussi avoir fourni les renseignements demandés par les gendarmes dans le cadre de l’enquête, et avoir proposé une rencontre avec le plaignant, sans succès.

Monseigneur Antoine Hérouard, l’archevêque de Dijon, adresse ses pensées “à la personne victime présumée et à sa famille” et dit dans ce communiqué de presse sa “confiance dans le travail de la justice et dans les investigations de la gendarmerie pour que la vérité se fasse pleinement jour”.

Un collectif s’est formé afin d’appuyer les victimes, dont au moins cinq ont déjà été identifiées.

L’annonce leur a fait l’effet d’un “soulagement assez fort”.

“Je me suis dit : ça y est, ça commence”, explique Véronique. Samedi 31 mai dans la matinée, cette infirmière à domicile a appris le placement en détention provisoire du prêtre coopérateur de la paroisse Saint-Pierre de Dijon (Côte-d’Or), Yves Grosjean.

Le religieux est visé par des accusations de pédophilie, lancées à son encontre par Jean, le fils de Véronique.

“Il avait tout du curé super cool”

Les faits reprochés au prêtre datent d’une quinzaine d’années.

À l’époque, en 2010, Jean est enfant de chœur au sein de la paroisse de Sombernon (Côte-d’Or).

Yves Grosjean en est alors le curé depuis neuf ans.

Emmanuelle Dancourt, membre du collectif de soutien aux victimes “La parole accueillie”, se souvient d’un homme “à l’écoute”, qui mettait beaucoup de vie dans la paroisse.

Il a aidé beaucoup d’enfants avec toutes sortes de problèmes.

Selon elle, le curé est “le tonton que tous les enfants rêvent d’avoir”.

“Il avait pour habitude d’organiser des soirées cinéma au presbytère, au cours desquelles il laissait tout faire aux enfants. Il les laissait jouer sur son téléphone, les autorisait à accéder à internet sur son ordinateur, leur donnait des clopes… il avait tout du curé super cool.”

Féru de parcs d’attraction, il arrive même qu’il emmène certains garçons en voyage.

C’est au cours d’une expédition au Futuroscope que Jean est lui-même agressé.

“Comme Yves Grosjean était un ami de la famille, les parents ne se sont doutés de rien et ont laissé leur fils partir avec lui”, relate Emmanuelle Dancourt.

“Et puis, tout au long du trajet, il garde sa main sur la cuisse du garçon.”

Le voyage prend une tournure d’autant plus sordide lorsque Jean, en arrivant à l’hôtel, s’aperçoit que la chambre ne possède qu’un seul lit.

Il se rappelle la crainte d’être rejoint sous les draps par le prêtre, nu ou en caleçon.

De la suite, il ne conserve aujourd’hui aucun souvenir.

Le prêtre reconnaît certains faits

Des bribes qui lui sont revenues en octobre 2024, après la réception d’un SMS d’Yves Grosjean.

Ce dernier avait quitté la France pour le diocèse de Rabat, au Maroc, en 2017.

“Une exfiltration” d’après le collectif, qui balaye la justification officielle de “dialogue interreligieux”.

S’il a fait son retour en France, c’est “à la demande de l’archevêque de Rabat, pour une période d’un an afin de pouvoir bénéficier d’un suivi psychologique”, précise l’archevêque de Dijon, monseigneur Antoine Hérouard.

“Ce message a levé l’amnésie traumatique de Jean”, estime Véronique.

“Il était à ce moment à Chamonix pour le travail, mais s’est retrouvé incapable de travailler. Alors il est revenu directement en Côte-d’Or pour porter plainte à la gendarmerie de Sombernon.”

À l’époque, je n’ai rien vu.

Mais je n’ai pas été surprise de l’apprendre.

Dans l’échange de messages, le jeune homme accuse le religieux d’être un pédophile.

Le mis en cause, lui, reconnaît avoir caressé le corps du garçon.

“Pour moi, ça a été une surprise et en même temps ça ne l’a pas été”, relate la mère de la victime.

“J’ai toujours trouvé qu’Yves avait une attitude étrange avec les jeunes, mais jamais je n’ai pensé que c’était arrivé à mon fils.”

“Avant que Véronique me raconte l’histoire, elle m’a annoncé qu’elle devait me parler de Jean.

Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai tout de suite pensé qu’elle allait évoquer Yves Grosjean”, assure Emmanuelle Dancourt.

“Je ne sais pas pourquoi j’ai pensé ça, parce que je n’ai jamais rien vu.

Mais je n’ai pas été surprise de l’apprendre.”

Jean dépose plainte peu après.

Dans la foulée, le diocèse prend des mesures conservatoires à l’encontre du mis en cause : interdiction de tout ministère auprès de mineurs, interdiction de se rendre dans ses anciennes paroisses…

Mais, selon le collectif, Yves Grosjean exerçait encore jusqu’à peu au sein de l’école Saint-Pierre, adjacente à l’église de la paroisse, en tant qu’aumônier.

Quatre autres victimes ont été identifiées.

L’une d’elles s’était déjà manifestée en 2016, conduisant à la mutation du prêtre au Maroc.

“On va essayer de toutes les retrouver, mais on est très inquiet pour toutes les paroisses au sein desquelles il a exercé”, souligne Emmanuelle Dancourt.

“Il avait un système de prédation en place, il n’y a aucune raison pour qu’il ne l’ait pas utilisé ailleurs qu’à Sombernon.”

Toutes les victimes peuvent se signaler auprès du collectif via l’adresse mail : laparoleaccueillie@gmail.com.

Elles peuvent également contacter la cellule d’écoute du diocèse, auprès de laquelle il est possible de demander réparation.

Une réunion publique se tiendra par ailleurs à Sombernon le 7 juin prochain, afin d’informer les habitants.

Depuis la mise en examen et le placement en détention provisoire du prêtre, le téléphone du collectif  “La parole accueillie” n’arrête pas de sonner, et les témoignages de violences commises par le père Grosjean affluent.

“Là, on en est à une quinzaine d’agressions avérées. On a d’autres témoignages où on ne peut pas dire qu’il y a agression, au niveau pénal.

Par contre, on a une quinzaine d’enfants qui ont subi cette agression.”

Mauvaise volonté de l’Église

Véronique François, membre du collectif, est la mère de Jean Jedrysek.

Elle explique qu’elle a rencontré l’évêque de Dijon il y a quelques jours, pour lui demander de coopérer, mais il n’a pas été coopératif, elle s’est retrouvée face à un mur.

“J’ai rencontré l’évêque. Je lui ai donné le témoignage de ce que Jean avait vécu en lui disant que Jean était incapable physiquement et psychologiquement de le rencontrer, donc que je le rencontrais en tant que représentante de Jean.

Et je lui ai demandé également, dans le but de retrouver les jeunes de la paroisse de l’époque, d’avoir accès aux archives du catéchisme et des confirmations des jeunes qui fréquentaient les paroisses.

L’évêque a refusé de nous ouvrir les archives.

Donc on lui a proposé de lui même de contacter les paroisses et de faire un mot à ses paroissiens pour les prévenir.

Il n’a pas voulu non plus le faire.

Sur Sombernon, on arrive à retrouver puisque untel connaît un tel, qui connaît un tel.

Par contre, les autres paroisses d’Arnay, d’Auxonne, de Châtillon, on n’a pas les noms des jeunes, donc on aurait voulu pouvoir contacter au moins les parents pour qu’ils leur en parlent.”

Véronique François relaie la parole de son fils – qui travaille en ce moment comme menuisier du côté de Morlaix, dans le Finistère.

Il estime qu’il ne doit pas être réduit comme étant seulement une victime.

“Il a accueilli déjà plusieurs fois la parole de jeunes qui l’ont appelé.

Et ce qui lui tient à cœur, vraiment, c’est de montrer que lui, c’est un jeune homme qui a des projets de vie, qui a des passions, qui a un travail, qui vit une vie normale de jeune homme, et que le fait de témoigner ne le réduit pas à l’état de victime.

Il a aussi une vie très belle et très riche à côté.”

Soutien citoyen

Aujourd’hui Jean fait sa vie avec son chien dans son camion aménagé.

Il parcourt la France, de Chamonix à la Drôme en passant par la Lozère, pour son métier, la menuiserie.

Il reste suivi par un psychologue spécialisé, et sa maman l’assure : elle et son fils ne se sentent pas seuls.

“J’ai eu beaucoup de messages de soutien de toutes les personnes du secteur.

Tous sont unanimes : ils me disent que ce que fait mon fils est vraiment très courageux et que ce que nous faisons pour libérer la parole des jeunes, c’est quelque chose de bien.

Donc j’espère que l’Église va comprendre le bien fondé de notre démarche et j’espère qu’on va pouvoir travailler ensemble pour pour aider ces jeunes à guérir.”

Travailler ensemble, ça veut dire travailler avec l’Église, et ce n’est pas facile.

“Ça me rend très triste parce que j’avais vraiment confiance en l’Église, j’étais catholique pratiquante et pour moi c’était une institution de valeur et en qui je pouvais avoir confiance.

Et là, le fait de ne pas sentir ce soutien de la part de l’évêque, c’est un peu comme si Jean était trahi une deuxième fois”,
soupire-t-elle, fatiguée.

Véronique François a encore l’impression dit-elle, que l’église ne fait pas confiance à la parole de son fils.

Suivi – 12.06.2025

L’ancien prêtre de Sombernon Yves Grosjean a reconnu quatre agressions sexuelles sur mineurs devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Dijon, mardi 11 juin.

Au lendemain de son audience devant la justice, l’archevêque de Dijon a affirmé soutenir les victimes et collaborer avec les enquêteurs.

D’après le président de la chambre de l’instruction, Yves Grosjean a reconnu ces faits, ainsi que trois autres agressions sexuelles sur mineurs devant les enquêteurs, en amont de cette audience.

L’archevêque de Dijon a donc été invité à réagir au micro de Ici Bourgogne, ce jeudi 12 juin.

Il a commencé par adresser son “attention” et sa “compassion” vis-à-vis des victimes.

Le chef de l’Église côte-d’orienne avait eu vent des “dérives supposées” du Père Grosjean quand il était entré en fonction en 2022.

Il a rappelé lui avoir interdit l’exercice de tout ministère auprès de mineurs dès que la plainte de Jean est arrivée entre ses mains, en novembre 2024.

L’archevêque collabore avec les enquêteurs uniquement

Depuis, Monseigneur Hérouard assure collaborer avec les enquêteurs.

Il a en revanche refusé de transmettre les coordonnées des anciens confirmants du père Grosjean au collectif  “La parole accueillie” qui les lui a demandées.

Créé des suites de cette affaire, ce collectif espère libérer la parole d’autres victimes potentielles du Père Grosjean.

“Pour moi, ceux qui sont chargés de l’enquête, ce sont les gendarmes et la justice”, s’est défendu l’archevêque.

Suivi – 13.06.2025

Le prêtre, qui avait déjà reconnu l’agression de Jean, a confessé trois autres agressions sexuelles, mercredi, lors d’une audience devant la Cour d’appel de Dijon où sa remise en liberté lui a été refusée, selon le diocèse.

Un nombre de victimes plus important ?

Le nombre de victimes pourrait cependant être plus important, estime le collectif, soulignant que le père a officié dans de nombreuses paroisses près de Dijon, ainsi que sept ans au Maroc après avoir été “exfiltré”, à la suite d’une première plainte de 2016, classée sans suite.

“Il avait un système de prédation en place, il n’y a aucune raison pour qu’il ne l’ait pas utilisé ailleurs”, juge Emmanuelle Dancourt, présidente du collectif.

Pour l’instant, “une quinzaine de personnes se sont reconnues victimes” auprès du collectif, a ajouté Mme Dancourt, par ailleurs présidente de MeTooMédia, collectif de victimes dans le milieu des médias.

Les hommes concernés font état d’attouchements et parfois d’abus plus sévères quand ils étaient mineurs mais ils n’ont pas encore porté plainte car les faits se révèlent à eux au fur et à mesure que leur amnésie traumatique s’estompe, explique Véronique.

C’est le cas de Jean, dont la plainte a été reçue en novembre 2024, un mois après un choc qui a réveillé des souvenirs.

“Il a reçu un sms du prêtre, lui demandant: salut Jean, comment tu vas?

Les images lui sont alors remontées et il lui a dit: tu es un pédophile, ce à quoi le prêtre a répondu: oui, je sais”, raconte Véronique.

Les faits remontent à 2010, quand Jean avait douze ans.

Il se souvient de “caresses sur la cuisse” mais “pas encore complètement” de ce qui a suivi, selon sa mère.

Le collectif veut retrouver “toutes les victimes” potentielles mais le diocèse refuse de fournir les coordonnées des enfants catéchisés, regrette cette fervente catholique.

Interrogé sur la radio chrétienne RCF, l’archevêque de Dijon, Antoine Hérouard, a répondu “ne pas avoir le droit de le faire”.

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