Cardinal Barbarin | L’enquête pour «non-dénonciation» d’actes pédophiles classée sans suite

Les victimes du père Bernard Preynat reprochaient au cardinal de ne pas avoir dénoncé à la justice les actes pédophiles du religieux et de l’avoir laissé en poste trop longtemps. La procédure portant directement sur les actes incriminés se poursuit.

 Konrad K./SIPA
Konrad K./SIPA

L’enquête pour «non-dénonciation» d’agressions sexuelles sur mineurs et «non-assistance à personne en danger», impliquant notamment le cardinal Philippe Barbarin, a été classée sans suite. Le procureur de la République de Lyon l’a annoncé ce lundi.

L’affaire d’agressions sexuelles en question concerne le père Bernard Preynat, ancien aumônier, mis en examen et placé sou contrôle judiciaire le 27 janvier dernier. L’ecclésiastique est accusé par d’anciens scouts de la paroisse Saint Luc, à Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône), d’actes d’attouchements commis il y a vingt-cinq ans.

Il est poursuivi pour «agressions sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans par personne ayant l’autorité», pour des faits commis lorsqu’il était conseiller religieux du groupe, entre 1970 et 1990.

Des faits qu’il a reconnus en janvier, lors de sa garde à vue. À cette date, il a également été placé sous le statut de témoin assisté pour des viols avoués lors de cette même garde à vue.

L’enquête classée sans suite ne portait toutefois pas sur ces actes mais sur leur «non-dénonciation». En parallèle des poursuites engagées contre le prêtre, les victimes accusent en effet le cardinal Barbarin, nommé archevêque de Lyon en 2002, ainsi qu’à d’autres responsables catholiques, de ne pas avoir dénoncé les agissements du religieux à la justice.

Ils lui reprochent de l’avoir laissé en poste trop longtemps, jusqu’en août 2015, dans une paroisse de la Loire où il était au contact d’enfants.

Plusieurs plaintes déposées en marsDans une lettre d’aveux datant de 1991, le prêtre affirmait pourtant que sa hiérarchie était au courant des actes pédophiles qu’il avait commis avant cette date. Le cardinal Barbarin -qui n’était donc pas en poste au moment de ces aveux-, quant à lui, a d’abord affirmé avoir été mis au courant de l’affaire à l’été 2014, avant de préciser avoir entendu parler des agissement du père Preynat dès 2007-2008.

«J’ai alors pris rendez-vous avec lui pour lui demander si, depuis 1991, il s’était passé la moindre chose», confiait-il à La Croix en février.

Le prêtre lui avait affirmé que non.

Pour les victimes, le cardinal n’a pas donné les suites nécessaires à l’affaire. Plusieurs plaintes avaient donc été déposées par une partie d’entre elles contre l’archevêque de Lyon. À la suite de la première plainte, déposée le 4 mars, une enquête préliminaire avait été ouverte par le parquet de Lyon.

Cinq mois plus tard, cette enquête, arrivée à son terme, vient donc d’être classée sans suite. Le procureur Marc Cimamonti a estimé que les infractions visées n’étaient pas constituées, notamment celle particulièrement sensible de la «non-dénonciation».

Les faits prescrits au moment des premiers soupçonsLe parquet de Lyon a confirmé que les autorités diocésaines avaient eu connaissance de soupçons visant le père Preynat entre 2005 et 2010, mais que cette période était couverte par la prescription, qui est de trois ans en matière de non-dénonciation.

Pour la période postérieure à 2014, date à laquelle l’archevêque a pour la première fois reçu une des victimes, le parquet a considéré qu‘il n’y avait pas eu de volonté d’entraver l’action de la justice en cachant la vérité.

D’abord parce que les faits révélés par l’ex-victime devenue lanceur d’alerte étaient anciens et prescrits et que ce quadragénaire était susceptible de porter plainte lui-même, ce qu’il fit d’ailleurs en 2015.

Enfin, parce que la démarche première de cette victime était d’écarter le Père Preynat de son ministère et non de pousser l’archevêché à alerter la justice.

Pour l’association La Parole Libérée, à l’origine de la première plainte, cette décision est celle «du procureur de la République» et n’enlève rien à la responsabilité du cardinal.

«Nous, nous sommes sur un débat moral, pas juridique», a réagi François Devaux, l’un des plaignants et membre de l’association.

«Ce qui m’intéresse, c’est le débat de société. Combien de temps les citoyens français vont accepter que des prêtres pédophiles soient en lien avec des enfants?»,

a-t-il ajouté, n’excluant pas la possibilité de saisir directement un juge d’instruction via une plainte avec constitution de partie civile.

Dans un court communiqué, le cardinal a dit «accueillir» cette décision, tout en saluant les «initiatives» des victimes, qui ont «permis d’améliorer le dispositif diocésain pour la lutte contre les abus sexuels».

À la mi-mars à Lourdes, lors d’une assemblée des évêques de France plombée par l’affaire, le cardinal Barbarin avait assuré n’avoir «jamais couvert le moindre acte de pédophilie», même s’il a depuis reconnu des «erreurs dans la gestion et la nomination de certains prêtres».

 

Source : http://www.lefigaro.fr

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