Canada | Les éditeurs jugent « trop crue » l’histoire d’une femme victime d’inceste durant des années
- La Prison avec sursis... C'est quoi ?
- 11/02/2016
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Une vie trop brutale pour être publiée
Victime d’inceste pendant toute sa jeunesse, une femme de la Rive-Sud a écrit un livre pour raconter son calvaire, mais aucune maison d’édition n’accepte de le publier sous prétexte que son histoire est «trop crue».
Lyne Vaillancourt, 47 ans, s’est mise à écrire son incroyable récit alors qu’elle était en rémission d’un cancer du sein, en 2014.
Depuis, elle a fait parvenir son manuscrit à plus de 200 éditeurs. En vain.
Ceux qui lui ont répondu ont expliqué leur refus du fait que ses propos étaient trop brutaux, que le sujet n’intéresserait personne, selon Lyne Vaillancourt.
Les éditeurs auraient suggéré à l’auteure de romancer davantage son ouvrage, une proposition qu’elle refuse catégoriquement.
«C’est un témoignage et un drame, dit-elle. Ce n’est pas une belle histoire romancée.»
Pour la principale intéressée, rencontrée par Le Journal, l’inceste n’est rien d’autre que quelque chose de cru et de brutal, et elle ne veut pas modifier l’essence de son livre.
Cauchemar
Le cauchemar de Lyne Vaillancourt a pris naissance dans sa maison familiale de Saint-Hubert, alors qu’elle était âgée de trois ans et demi. Son premier agresseur était l’un de ses oncles, de 19 ans son aîné, dont on ne peut divulguer l’identité en raison d’un interdit de publication.
De 6 à 13 ans, la fillette a dû assouvir les désirs sexuels de cet homme quatre à cinq fois par semaine.
Comme si ce n’était pas assez, un autre de ses oncles, George Hallis, s’est mis à abuser d’elle pendant ces mêmes années, mais uniquement lors d’événements familiaux.
Il avait 14 ans de plus qu’elle.
Ses sœurs aussi
Après avoir suivi plusieurs dizaines de thérapies pour tenter de comprendre ce qui lui était arrivé, c’est un simple coup de téléphone qui a tout fait basculer en 1999.
Ses deux sœurs lui ont avoué avoir elles aussi été victimes d’inceste par le même oncle dont on doit taire le nom.Les procédures judiciaires n’ont pas tardé à se mettre en branle et l’agresseur a été reconnu coupable en 2000.
Il a écopé de neuf mois derrière les barreaux.
En 2013, George Hallis s’est lui aussi retrouvé sur le banc des accusés. Il a reçu une peine d’un an à purger dans la collectivité, même s’il s’agissait de sa troisième condamnation en matière d’agression sexuelle.
Aujourd’hui enseignante en alphabétisation dans un centre communautaire, Mme Vaillancourt rêve de voir un jour son livre sur les tablettes.
«Je veux que le conjoint d’une femme qui a été victime d’inceste puisse comprendre pourquoi elle se fâche quand il lui dit qu’elle est belle, explique-t-elle. C’est parce que, plus jeune, elle se faisait toujours dire qu’elle subissait ça parce qu’elle était belle.»
CE QU’ELLE A ÉCRIT
«Il est particulièrement violent ce soir. Je lui donne des coups de poing dans le dos et sur les épaules pour le faire cesser. Il rit et me dit de continuer, qu’il aime ça.»
«Il prend un toutou et me le met dans la bouche. Il me dit de m’étouffer avec ça.»
«Il a le visage rouge écarlate et la sueur coule dans son cou.»
«Tu sais comment ton oncle aime ça. Fais ta grande fille!»
«Je sais que c’est terminé, maintenant. Il me dit merci et me frotte la tête. Je repousse sa main d’un geste brusque.»
«Ben non, tu vas voir, tu vas aimer ça!» dit-il. «Non, non, s’il te plaît, je veux aller me coucher.»
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