Asie | Philippe Gérard: Pédocriminalité en Asie sous couvert d’association humanitaire

Actualisation du 26 Mai 2021:

Au Népal et au Cambodge, les enfants l’appelaient “uncle”, “oncle” en anglais.

Il faut dire que Philippe Gérard faisait pratiquement partie de leur famille : pendant six ans, ce ressortissant français s’est présenté en sauveur des enfants des rues, dont il finançait la scolarité via son association “Philmy voyageurs solidaires”.

À première vue, croiser sa route était une aubaine, pour ces mineurs défavorisés.

Ils ont, en tout, été 80 à être pris en charge par la structure (dont une moitié de filles).

Mais l’image de l’humanitaire dévoué semble cacher une face bien plus sombre.

Âgé aujourd’hui de 51 ans, Philippe Gérard doit comparaître ce mardi devant le tribunal correctionnel en situation de récidive, à Paris, afin d’y répondre d’agressions sexuelles.

Et la liste des potentielles victimes est longue : 24 mineurs (neuf jeunes garçons cambodgiens et quinze népalais), âgés de 6 à 14 ans au moment des faits, qui auraient été commis entre 2011 et 2015.

Une première condamnation en 2005

Le prévenu, originaire de Douai (Nord) a passé sa vie à travailler auprès d’enfants et adolescents.

Au début des années 2000, il profite de son statut de sous-directeur d’une colonie de vacances en Haute-Savoie pour agresser plusieurs petits garçons, de 8 à 12 ans.

Le tribunal correctionnel de Thonon le condamne en 2005 à trois ans de prison, dont la moitié avec sursis.

Son nom est également inscrit au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infraction sexuelles ou violentes (Fijaisv), où sont renseignés l’identité de la personne, son domicile et la nature de la décision de justice.

Ce suivi, ainsi qu’une obligation de soin, ne l’empêche pas de travailler ensuite dans un camping, dont il est écarté après des plaintes de clients sur son comportement avec les enfants.

En 2008, il part au Népal pour six mois, puis s’investit pendant plusieurs années dans l’association humanitaire Philmy voyageurs solidaires, censée offrir une scolarité à des gamins des rues, l’association a été fondée en 2009 par la mère de Philippe Gérard.

Étonnamment, celle-ci jamais fait le moindre voyage au Népal ou au Cambodge et a opportunément oublié d’inscrire son fils sur les statuts de l’association…

Sur le blog de l’association, dont le statut est au nom de sa mère, Philippe G. vante ses actions éducatives ou humanitaires au Népal, au Cambodge, au Laos ou en Inde auprès des “populations les plus défavorisées.”

Entre les mailles du filet

Un témoin décrit aux enquêteurs;

“un homme qui inspirait confiance et donnait l’impression de vouer sa vie aux enfants”.

Son comportement alerte tout de même les membres de l’ONG népalaise Saathi, spécialisée dans le repérage des pédocriminels.

Au printemps 2014, ils se mettent à surveiller le Français, après l’avoir vu dans les rues de Katmandou avec des garçons de 8 à 11 ans et constaté qu’il les emmène dans un hôtel de la capitale népalaise.

Sur place, l’homme a en effet payé la scolarité de plusieurs enfants.

Il est accusé d’avoir imposé des masturbations ou des fellations à des garçons d’une dizaine d’années, parfois moins, lors de douches ou en dormant la nuit avec eux.

Une nuit, quelqu’un entendra, à travers la porte, l’un des enfants supplier:

“Non, oncle, s’il te plaît, ne me touche pas”.

Dans la foulée, en novembre 2014, la publication, sur Facebook, d’un article de presse au sujet de sa condamnation en 2005 éveille les soupçons.

Noémie Saidi-Cottier, avocate de l’association ECPAT, partie civile dans ce dossier explique:

“Là, les personnes qui étaient avec lui dans une mission humanitaire sur place, ont commencé à regarder différemment son comportement et ses gestes avec ces jeunes garçons”

Plusieurs d’entre elles se rappellent alors avoir vu le prévenu prendre des douches avec des mineurs, dormir dans la même chambre, ou se baigner nu avec les enfants, au Cambodge comme au Népal.

Le même témoin qui parlait de “confiance” dit s’être alors souvenu avoir entendu de jeunes garçons faire des blagues au sujet du sexe du Français.

En mars 2015, une enquête préliminaire est ouverte en France, et confiée à l’Office centrale pour la répression des violences aux personnes (OCRVP).

Jusqu’à vingt jeunes garçons dans la chambre

Peu à peu, les enfants livrent leurs témoignages.

Notamment ceux qui ont passé plusieurs nuits avec Philippe G. dans un hôtel de Katmandou, chambre 201.

Me Saidi-Cottier ajoute:

“Ils racontent qu’il y avait jusqu’à 20 jeunes garçons avec lui”

Ils décrivent des caresses sur leur sexe, des masturbations, des fellations.

Philippe G. aurait aussi pris des photos des enfants nus, à la sortie du bain ou de la douche.

Tout en leur demandant, selon les dires des mineurs, de ne rien raconter de ce qui se passe entre eux.

Pour symboliser leur pacte de confiance, le Français leur offre un collier avec un éléphant, mais aussi des vêtements, un maillot de foot, du chocolat ou quelques roupies les jours de grandes occasions.

Philippe G. quitte le Népal fin 2014, puis séjourne au Cambodge, dans un orphelinat où des témoins disent avoir été surpris de le voir dormir dans le dortoir des plus jeunes, alors que d’autres chambres sont mises à disposition des adultes.

Un profil “particulièrement alarmant”

Me Noémie Saïdi-Cottier, l’avocate de l’Ecpat, association qui lutte contre l’exploitation sexuelle souligne

« Plusieurs signaux importants ont été manqués, ses voyages dans des pays en proie au tourisme sexuel auraient dû alerter. »

Me Frédéric Benoist, l’avocat de l’association la Voix de l’enfant estime:

« Cette affaire pose la question du suivi des personnes condamnées pour violences sexuelles sur des mineurs »

Un temps en cavale, le fugitif est interpellé dans le Gard, près de chez sa mère octogénaire.

En garde à vue, il nie d’abord les faits et assure contrôler son attirance sexuelle pour les jeunes garçons grâce à son suivi thérapeutique.

Devant le juge d’instruction, il finit par admettre des attouchements, tout en expliquant avoir du mal à percevoir les enfants comme victimes, puisque, selon lui, ces-derniers se montrent pleins de joie de vivre, et revenaient régulièrement vers lui.

Noémie Saidi-Cottier, qui a rencontré les mineurs en 2018, affirme avoir effectivement vu “des enfants joyeux…jusqu’au moment où nous avons prononcé son nom”. 

D’abord écroué, Philippe G. est placé sous contrôle judiciaire fin 2018, à la fin de la période légale de détention provisoire en correctionnelle.

Il a depuis l’interdiction d’entrer en contact avec des mineurs.

Selon le rapport d’un expert, son profil est jugé “particulièrement alarmant.”

Un autre expert conclut:

“Philippe G. cherchait son plaisir auprès des jeunes garçons, sans se soucier du mal qu’il pouvait leur faire”

Il est, selon Me Noémie Saidi-Cottier, relativement rare de voir autant de parties civiles constituées dans un dossier de pédophilie à l’étranger.

Elle espère une indemnisation des enfants à la hauteur du préjudice subi, afin qu’ils puissent poursuivre leur scolarité.

L’ancien humanitaire encourt, en état de récidive légale, 20 ans de prison.

L’avocate a promis aux enfants de les tenir informés de l’issue du procès.

Eux disent souhaiter, avant tout, que Philippe G. ne puisse plus faire de victime.

Ils ont, par ailleurs, continué à suivre leur scolarité, malgré le départ du Français, grâce au financement des parrains et marraines fournis par son association.

Article du 24 Mai 2020:

Un français prétendant faire de de l’humanitaire accusé d’une vingtaine d’agressions sexuelles en Asie

La Dépêche – Pixabay

 Philippe G., déjà condamné pour des agressions pédophiles, est accusé d’avoir récidivé sur des dizaines de jeunes garçons lors de ses voyages, des actions humanitaires pour les “défavorisés” au Népal ou au Cambodge. 

La liste des victimes potentielles s’égrène dans le réquisitoire définitif du parquet de Paris en date du 3 avril : 16 garçons népalais, 10 Cambodgiens. Parmi eux, V., âgé d’à peine 6 ans quand, selon ses déclarations aux enquêteurs, Philippe G. l’aurait masturbé dans un orphelinat et lui aurait donné

“un collier en forme d’éléphant ainsi que des bonbons et des gâteaux”.

Âgé de 50 ans, Philippe G. a passé sa vie professionnelle à travailler auprès d’enfants et adolescents. Au début des années 2000, il agresse sexuellement plusieurs garçons d’une dizaine d’années dans une colonie de vacances.

Le tribunal correctionnel de Thonon (Haute-Savoie) le condamne en 2005 à 3 ans de prison, dont la moitié avec sursis. Soumis à une obligation de soins, il travaille ensuite dans un camping, dont il est écarté après que des clients se sont plaints de son comportement à la piscine avec les enfants.

Enquête ouverte en mars 2015

En 2008, il part au Népal pour six mois. À son retour en France en 2009, il crée “Philmy voyageurs solidaires”. Sur le blog de l’association, créée avec l’aide de membres de sa famille et de proches, Philippe G. vante les actions éducatives ou humanitaires au Népal, au Cambodge, au Laos ou en Inde auprès des “populations les plus défavorisées”.

Mais derrière de réelles activités humanitaires, il impose des masturbations ou des fellations à des garçons d’une dizaine d’années, parfois moins, lors de douches ou en dormant la nuit parmi eux.

Une ONG népalaise spécialisée, Saathi, observe Philippe G. en compagnie de plusieurs enfants dans différents hôtels et lieux publics de Katmandou, puis rédige un rapport alertant les autorités françaises en mai 2014.

En France, des donateurs découvrent alors son passé judiciaire sur Facebook quand une dépêche AFP de 2005 relatant sa condamnation est publiée sur la page de “Philmy“. Après de nouveaux signalements, la justice française ouvre une enquête en mars 2015.

Défaillance

Un temps en cavale, Philippe G. est interpellé en France, puis mis en examen et écroué. En garde à vue, confronté aux accusations des mineurs népalais et cambodgiens, Philippe G. nie d’abord les faits: il contrôlerait désormais son attirance sexuelle pour les jeunes garçons grâce à son suivi thérapeutique.

Quelques semaines plus tard, Philippe G. reconnaît finalement devant le juge d’instruction des attouchements sexuels sur plusieurs garçons. S’il n’avait pas avoué jusqu’alors c’est à cause, dit-il, du soutien de membres de sa famille qui le pensaient guéri.

“On est dans l’archétype du pédophile : “Monsieur Tout-Le-Monde”, capable de berner gentiment les autres, de laisser croire que c’est le Bon Samaritain”,

relève Me Stéphanie Chabauty, qui défend les enfants cambodgiens pour l’association Famille Assistance.

“Comment a-t-on pu laisser un homme déjà condamné pour des violences sexuelles sur mineurs monter une association dans le but d’aider des mineurs ?”

s’interroge Me Joseph Breham, avocat d’enfants népalais, pour qui cette affaire marque

“l’échec absolu de notre système judiciaire de protection de l’enfance”.

Pour sa consœur Me Noémie Saidi-Cottier, qui défend l’Ecpat, association de protection de l’enfance, c’est une défaillance majeure des autorités françaises, alors même que cet homme était inscrit au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. L’avocate espère d’un éventuel procès, outre une condamnation, une indemnité pour aider les enfants à se reconstruire. Outre ACPE et l’Ecpat, des associations de protection de l’enfance, 22 enfants sont en effet parties civiles.

Source : ladepeche

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