Abondance | Trois prédateurs notoires un directeur un pion et un abbé

non

Un autre Bétharram ?
Quatorze anciens élèves de l’établissement scolaire catholique de Sainte-Croix-des-Neiges, à Abondance, dénoncent des violences sexuelles et physiques, sur une période allant de 1956 à 1993. D’autres témoignages sont en cours de recensement.

Fabrice, 61 ans, raconte l’horreur vécue.

La Haute-Savoie est-elle en train de connaître un scandale équivalent à celui de Bétharram ?

L’affaire qui a éclaté dans les Pyrénées-Atlantiques semble avoir été un déclencheur pour libérer la parole d’anciens élèves de l’établissement catholique de Sainte-Croix-des-Neiges, situé dans le village de montagne d’Abondance.

« J’ai été violé pendant deux années par l’un des responsables du collège, aussi prof de maths. J’avais 12-13 ans, dans les années 1970 »se rappelle Fabrice Ferré, 61 ans aujourd’hui, qui veut briser l’omerta qui a régné tant d’années parmi les ex-pensionnaires.

« Je me retrouvais dans son lit après avoir promené tous les midis son chien. C’était un rituel. Je passais à la casserole au lieu d’aller à la sieste. C’était abominable pour moi. »

Depuis plusieurs jours, d’autres témoignages d’anciens élèves affluent concernant les abus qu’ils auraient subi lorsqu’ils étaient adolescents dans ce collège-lycée religieux, perché à 1 000 m d’altitude dans le Chablais, non loin du lac Léman et de la frontière avec la Suisse.

Dans ce paysage idyllique de montagne où les façades des chalets débordent de géraniums en été, certains ont vécu un cauchemar.

Des agressions sexuelles, des viols, ainsi que des violences physiques et psychologiques auraient été le quotidien de nombreux élèves sur une période allant de 1956 à 1993.

Pour l’instant, 14 victimes potentielles se sont clairement signalées.

« Pour eux, on était de la viande »

« Nous avons eu connaissance de ces faits que j’ai immédiatement signalés au procureur de la République de Thonon-les-Bains, confirme Marc Héritier, directeur diocésain de l’enseignement catholique de Haute-Savoie.

Un premier cas avait été porté à notre connaissance en 2021, suivi par la Cellule d’accueil et d’accompagnement des victimes d’abus sexuels (CAAVAS).Puis il y a une dizaine de jours, l’établissement a eu connaissance de faits nouveaux par l’intermédiaire d’un groupe Facebook sur lequel échangent d’anciens élèves. »

« On mesure la difficulté de cette situation qui est absolument terrible pour les personnes devant porter le poids de cette souffrance depuis des décennies, ajoute-t-il.Nous condamnons toutes formes de violences qu’elles ont pu subir et que nous trouvons révoltantes. On peut penser que les événements de Bétharram ont réactivé des souffrances enfouies. Nous nous devons de les écouter et de transmettre ces informations à la justice. »

À l’époque des faits, ce collège-lycée pour garçons était sous la responsabilité de Sainte-Croix-de-Neuilly (enseignement catholique de Nanterre dans les Hauts-de-Seine), avant d’être transféré à l’enseignement catholique de Haute-Savoie il y a une quinzaine d’années

Fabrice Ferré, passé à Sainte-Croix-des-Neiges dans les années 1970, raconte l’horreur qu’il a connue.

« À mon époque, il y avait au moins trois prédateurs notoires. Un directeur, un pion et un abbé. Chacun avait sa chasse gardée, ses mignons, ses préférés. Pour eux, on était de la viande. Notre histoire, celle de Bétharram, tout ça montre que ce n’étaient pas des cas isolés. L’école catholique, c’était le réseau pédophile de l’Église. Si quelqu’un voulait se faire des enfants, il lui suffisait de travailler dans une école catholique. Chaque année, de la chair fraîche arrivait.»

« Personne n’osait parler. C’était tabou. Ça a bousillé toute ma vie »

« On était facile à mater car on était loin de chez nous, en montagne, à l’écart, estime Fabrice Ferré. On revenait seulement dans nos familles à Noël. Il y avait des enfants de bonne famille, des fils d’ambassadeurs, de grands patrons, de dirigeants africains… Personne n’osait parler. C’était tabou. Ça a bousillé toute ma vie. »

« Je n’ai pas fini de me réparer. Il y a dix jours, j’étais encore en contact avec SOS Suicide. Je ne suis pas passé loin. Heureusement, je suis encore vivant, alors que beaucoup ont mis fin à leurs jours. Je tiendrai pour les autres, même si mon agresseur est mort aujourd’hui. J’ai décidé de briser le silence sur le groupe Facebook d’anciens élèves. Une autre victime m’a dit merci. Ça faisait 40 ans qu’elle attendait que quelqu’un parle. C’est une seconde affaire Bétharram. »

Outre les abus sexuels, les témoignages parlent aussi de tout type de violence.

« Un jour, on nous a fait attendre pendant des heures pieds nus dans la neige, en pyjama, le temps que celui qui avait fait une connerie se dénonce », raconte Fabrice Ferré, inscrit à l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et réparation.

D’autres fois, c’est le prof d’anglais qui frappait les élèves.

« Tous les abusés, on forme une famille. On est tous en train de déposer plainte. On saigne tous ensemble de ce qu’on a vécu, pointe l’ex-pensionnaire submergé par des sanglots. C’est absolument insoutenable. »

 

Source(s):