France | Une victime de la prostitution sur deux est mineure

non

« Le phénomène prend de l’ampleur »
La publication des chiffres policiers et judiciaires qui luttent contre la prostitution montre l’ampleur d’un phénomène qui touche quasi exclusivement des femmes de plus en plus jeunes.

Un constat alarmant.

L’observatoire national des violences faites aux femmes met en lumière, un an après le lancement par Aurore Bergé de la stratégie nationale de lutte contre le système prostitutionnel, la réalité chiffrée du phénomène.

Si dans ces dernières estimations l’État estime à 40 000 le nombre de personnes en situation de prostitution, le bilan dressé à partir des 1 500 victimes de recours à la prostitution ou de proxénétisme prises en charge par les services de police, de gendarmerie et des tribunaux en 2024 s’avère particulièrement inquiétant : 94 % d’entre elles sont des femmes et près de la moitié mineures.

Des chiffres en hausse de 9 % en trois ans et même de 107 % pour les victimes mineures de recours à la prostitution.

« Il faut redire que la prostitution c’est toujours les corps de femmes et d’enfants qu’on achète au bénéfice exclusif d’hommes »

Explique Roxana Maracineanu, la secrétaire générale de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof) à l’origine de ce travail de quantification.

« Les proxénètes comme les clients utilisent les vulnérabilités des victimes qui sont de plus en plus jeunes. Le phénomène prend de l’ampleur, les acteurs de terrain le ressentent. On a besoin d’un regard précis et transparent sur la situation pour agir. »

Peu de verbalisations mais une réponse judiciaire en progression

Depuis 2016, la loi pénalise les clients de prostitués mais dans les faits, les verbalisations restent peu fréquentes — 1 146 l’an dernier — et très inégalement réparties sur le territoire : 58 % le sont à Paris quand plus de la moitié des départements n’en compte qu’une seule voire aucune.

La réponse judiciaire est en revanche en progression.

De 2017 à 2023, le nombre de personnes impliquées dans des affaires de proxénétisme a augmenté de 12 %. Dans 85 % des cas, elles ont été poursuivies.

Dans l’ensemble, les condamnations définitives pour proxénétisme, recours à la prostitution ou tenue d’un lieu de passes ont doublé en quelques années pour atteindre plus de 1 200.

Parmi ces affaires, 13 % d’entre elles impliquaient des victimes mineures et la moitié des coupables étaient en situation de réitération ou de récidive.

Ces hausses des condamnations, comme le nombre global de victimes d’exploitation sexuelles, s’expliquent par une plus grande prise de conscience des violences sexuelles, par le travail d’associations et de collectifs ainsi que des lignes d’appels dédiées comme 3919 (violences femmes infos) ou le 119 (enfance en danger).

Outre des poursuites judiciaires, ces dispositifs permettent le déclenchement d’aides aux victimes.

Ce soutien prend la forme d’actions associatives avec des maraudes, des accompagnements sociaux, sanitaires et juridiques ou des mises sous protection.

Un travail qui souligne les multiples situations de violences collatérales que vivent les victimes.

Un « parcours de sortie de la prostitution » encore peu répandu

La loi de 2016 prévoit également la mise en place d’un « parcours de sortie de la prostitution » (PSP) qui permet aux victimes de bénéficier d’aides au logement et d’un soutien financier ainsi qu’un accompagnement à l’insertion professionnelle.

903 personnes en bénéficiaient en décembre 2024. Mais encore une fois, les disparités territoriales sont criantes avec 40 % des PSP concentrées dans cinq départements (Paris, Rhône, Bouches-du-Rhône, Isère, Haute-Garonne).

34 départements n’en ont déclenché aucun l’an dernier.

« C’est l’illustration que le phénomène n’est pas considéré à la hauteur de sa réalité, reprend Roxana Maracineanu. Si on veut repérer les situations de prostitution, il faut s’en donner les moyens. Le tribunal de Bobigny a mis en place de bonnes pratiques au côté de multiples acteurs. 12 % des signalements de prostitutions y viennent de l’Éducation nationale et 16 % des services de la protection de l’enfance. C’est la preuve que lorsqu’on sensibilise et qu’on forme les gens, on peut contribuer à sortir des jeunes femmes et des enfants de la prostitution ».

Source(s):