Paris | Le procès de l’affaire Adèle Haenel

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« Un homme qui a assassiné l’enfant que j’étais »
Le réalisateur Christophe Ruggia jugé pour agressions sexuelles sur mineure. Le procès du réalisateur s’est ouvert ce lundi pour deux jours devant le tribunal correctionnel de Paris. Il y a cinq ans l’actrice l’accusait d’avoir abusé d’elle lorsqu’elle avait 12 ans, nourrissant le mouvement du MeToo

Ils sont là tous les deux, ce lundi après midi à l’ouverture de l’audience. Cinq ans après des révélations qui avaient ouvert la voie au #MeToo français et bouleversé le monde du cinéma, l’actrice Adèle Haenel, 35 ans, fait face au réalisateur Christophe Ruggia, 59 ans, qui sera jugé lundi et mardi pour agressions sexuelles sur mineure.

Ce dernier, qui conteste les accusations, encourt une peine maximale de 10 ans de prison et 150 000 euros d’amende.

La justice s’était saisie de cette affaire en 2019, après une enquête de Mediapart sur les faits dénoncés par l’actrice qui s’est depuis mise en retrait du cinéma.

« Adèle, tu n’es pas seule »

Une cinquantaine de personnes ont manifesté devant le tribunal de Paris avant l’ouverture du procès.

« Adèle, on te croit ! Violeurs, on vous voit ! », ont scandé les manifestants, en grande majorité des femmes.

« Adèle, tu n’es pas seule », « la honte doit changer de camp », « elle avait 12 ans et lui 36. Un(e) enfant n’est jamais consentant », pouvait-on lire sur des pancartes.

Adèle Haenel « a pris la parole il y a plusieurs années » et « a pris des risques pour sa carrière pour ouvrir la voie à la vague #MeToo et à la question des violences sexistes et sexuelles », a déclaré à l’AFP l’une des manifestantes, Élise, 39 ans.

Adèle Haenel avait 11 ans lors du casting du film « Les Diables » de Christophe Ruggia et 12 pendant le tournage, à l’été 2001.

Le long métrage, dont des extraits devraient être diffusés au procès, raconte la fugue perpétuelle d’un frère et de sa sœur autiste abandonnés à la naissance. Une histoire qui devient incestueuse, avec plusieurs scènes de sexe entre les enfants et des gros plans sur le corps nu d’Adèle Haenel.

« On dirait un couple, c’est pas normal »

Plusieurs professionnels ont décrit leur « malaise » face aux conditions de travail imposées aux enfants, et surtout au comportement de Christophe Ruggia sur le plateau.

« Envahissant », « déplacé », « sa main sur la cuisse » de la jeune actrice, « des trucs dans le cou », elle « assise sur ses genoux ». « Ça va pas, on dirait un couple c’est pas normal », s’était dit une scripte.

Après le tournage, entre 2001 et 2004, l’adolescente se rend « tous les samedis » après-midi ou presque chez celui qui lui répète l’avoir « créée ».

Les agressions qu’elle dénonce se déroulaient toujours de la même façon : lui assis sur un fauteuil, elle sur le canapé et « très vite » il trouve un prétexte pour se rapprocher.

Il commence par lui caresser les cuisses, remonte « l’air de rien », puis lui touche le sexe ou la poitrine.

« Il respirait fort » et « m’embrassait dans le cou », décrit-elle. Et si elle résistait, « il réagissait de manière choquée et avec cet air de non mais qu’est-ce que tu vas croire ?, alors qu’il avait sa main dans ma culotte ».

« Sensualité » de l’actrice

Pendant l’enquête, Christophe Ruggia niera tout. Les agressions, les déclarations d’amour, l’emprise.

Il évoquera la « sensualité » de l’actrice de 12 ans pendant le tournage. Les « poses » que prenait Adèle Haenel sur son canapé, ses mouvements de « langue », « dignes d’un film porno », qui le mettaient mal à l’aise voire le « dégoûtaient ».

Il peinera à expliquer ce qu’ils faisaient pendant plusieurs heures, tous ces samedis après-midi. Se souviendra qu’il lui donnait « un goûter » avant de la ramener chez ses parents. Et mettra les accusations sur le compte d’une « vengeance » car il ne l’aurait finalement pas fait travailler à nouveau.

Adèle Haenel a dit avoir décidé de parler publiquement en apprenant que Christophe Ruggia préparait un nouveau film avec des adolescents.

Elle qui a marqué le public dans « Naissance des pieuvres », « 120 battements par minute » et surtout dans « Portrait de la jeune fille en feu » a obtenu deux César, celui de la meilleure actrice, dans « Les Combattants », et du second rôle, dans « Suzanne ».

Elle s’est depuis officiellement retirée du cinéma, soldant une carrière qui avait basculé le soir des César 2020, lorsqu’elle avait quitté avec fracas la cérémonie pour dénoncer le sacre de Roman Polanski, accusé d’agressions sexuelles et de viols par plusieurs femmes.

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« Mais vous êtes un gros menteur monsieur Ruggia ! »

L’actrice Adèle Haenel, récipiendaire de deux Césars et figure du mouvement MeToo, a fait face ce lundi au réalisateur de cinéma Christophe Ruggia, poursuivi pour agression sexuelle alors qu’elle avait 12 ans et lui 36 ans.

Elle n’a plus tourné depuis 2019, ayant mis définitivement un terme l’année dernière à une carrière aussi brève que brillante, auréolée de deux Césars.

Ce lundi, Adèle Haenel, 35 ans, s’est à nouveau retrouvée devant les caméras, celle des très nombreux médias qui l’attendaient au tribunal judiciaire de Paris pour l’entame du procès de Christophe Ruggia, 59 ans aujourd’hui.

Réalisateur des « Diables », en 2002, cette figure désormais déchue du cinéma indépendant est jugée jusqu’à mardi pour « agression sexuelle sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité ».

Des faits qui se seraient déroulés à son domicile parisien après le tournage des « Diables », dans lequel Adèle, âgée d’à peine 12 ans, tenait le rôle-titre.

« J’étais une enfant »

Pendant plusieurs heures ce lundi après-midi, Christophe Ruggia a dû revenir sur leur relation ambiguë, qu’Adèle analysera après coup comme une emprise ayant ouvert la porte à des attouchements et à un harcèlement sexuel régulier.

De nombreux témoins ayant participé au film en ont la même lecture, déplorant une relation fusionnelle malsaine établie par le réalisateur avec sa jeune actrice.

« Sur le tournage, on était obligé de se mettre dans une bulle », justifie l’intéressé, qui ne tarissait pas d’éloge sur ce diamant brut qu’il venait de découvrir.

Une jeune femme « qui brûle la pellicule comme Marilyn Monroe » et dont il encensait déjà la sensualité en dépit de son très jeune âge.

« J’étais une enfant, balaie-t-elle. Et lui avait ce regard plaqué sur moi. »

« Un procès stalinien »

À la barre, Christophe Ruggia dénonce avec véhémence « un procès stalinien », dont Mediapart aurait été « le procureur, le juge et l’exécuteur », en référence à l’article de 2019 dans lequel Adèle Haenel a révélé ce dont elle avait été la victime.

« Il fallait lancer un MeToo du cinéma, et c’est tombé sur moi », se lamente-t-il.

Un sobre gilet noir sur chemise noire, Adèle Haenel ronge son frein sur le banc des parties civiles. Son visage diaphane est comme mangé par ses yeux bleu acier, qui semblent parfois se foncer sous l’effet de la rage rentrée.

Quand elle n’y tient plus, elle prend sa tête entre ses mains, lève les yeux au ciel, triture nerveusement son stylo ou prend fébrilement des notes.

Vient enfin son tour. Elle rejoint la barre en trois grandes enjambées. Puis déverse vingt ans d’une souffrance trop longtemps accumulée. Elle commence par revenir sur le tournage et cette « proximité trop grande, tactile », qui s’est nouée avec Ruggia, 36 ans à l’époque.

« Je n’ai pas tout de suite compris que ce n’était pas normal. Il entretenait la confusion entre mon amour du jeu et l’amour pour lui. »

« Le dégoût, il ne vient pas du film »

Les scènes de sexe simulées sont éprouvantes. Les deux jeunes acteurs tournent nus, « protégés par un scotch de la taille d’un ticket de métro ».

« C’était très violent, très dur, souffle Adèle Haenel. Je regrette d’avoir fait ce film. »

D’ailleurs, tout au long des nombreuses interviews qui ont jalonné sa carrière, elle a toujours pris soin de ne pas le mettre en avant.

« J’en avais honte, déjà, à l’époque, quand j’étais au collège. »

« J’ai pris conscience qu’il a pu être douloureux », admet Ruggia.

Mais si le débat dérive sur les relations complexes entre un réalisateur et son actrice, « le dégoût, il ne vient pas du film », martèle Adèle Haenel.

Il vient de ces « 100 samedis après-midi » qu’elle a passés chez lui, à partir de septembre 2001, une fois le tournage achevé. Des après-midi à l’emploi du temps immuable.

Adèle prend le métro, monte chez lui, qui est célibataire. Il a prévu des Fingers blancs et de l’Orangina, son péché mignon, qu’elle n’a pas l’occasion de consommer ailleurs. La conversation roule, prétexte à Ruggia pour se repaître de celle dont il se dit « amoureux fou. »

« Il était devenu l’adulte principal de ma vie en un claquement de doigts », constate aujourd’hui Adèle Haenel.

Pourquoi y allait-elle, et y retournait-elle ?

« Je me sentais valorisée, admet-elle. Et j’en ai presque honte. Je me disais que j’avais quelque chose de spécial. »

D’autant plus que ses parents sont démissionnaires.

Ruggia, lui, parle d’échanges professionnels, d’un attrait de la jeune actrice pour sa DVDthèque forte de 7 000 références, dont il est pourtant incapable de citer celles qu’ils auraient visionnées ensemble.

« Il met sa main sous mon tee-shirt, puis sur mon sexe »

En revanche, plus elle s’installe sur le canapé, et plus il s’approche d’elle, alors même qu’elle se dit crispée, « recroquevillée » pour lui échapper. Jusqu’au samedi fatidique.

Elle le raconte cliniquement, tant elle semble l’avoir ressassé et objectivé :

« Il m’embrasse d’un coup. Il me caresse. Il remonte sa main vers mon sexe. Je me crispe. Je n’ai pas envie d’être touchée. Il met sa main sur mon tee-shirt, puis sous mon tee-shirt et sur mon ventre, puis sur mon sexe. Je me lève pour faire semblant de regarder par la fenêtre. »

Et Ruggia la ramène, comme à chaque fois.

« Ça n’est jamais arrivé !, maintient-il. Du pur mensonge. Je n’ai jamais fait ça. »

« Mais vous êtes un gros menteur Monsieur Ruggia ! », lui rétorquera-t-elle deux heures plus tard, les yeux rivés dans les siens.

Ce samedi est celui de trop. Adèle Haenel coupe les ponts. Ruggia lui fait miroiter un nouveau film qu’elle refusera d’emblée.

Lui dit que c’est l’inverse, et que cette « rupture » est à l’origine d’une acrimonie qui se transformera en vengeance vingt ans plus tard. Il y voit aussi la main de Céline Sciamma, réalisatrice ayant ensuite tourné avec Adèle Haenel, et qui entamera une relation avec elle.

Si rancœur il y a, c’est pour Adèle Haenel vis-à-vis de cette « vie normale d’enfant de 12 ans » qu’elle avait, et qu’il a « saccagé. »

Et si elle parle aujourd’hui, c’est « pour tous les enfants à qui ont dit chuuut, ne va pas détruire la famille. À tous ceux qu’on laisse seuls, avec cette solitude que j’ai vécue et qui donne envie de mourir. »

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« Vous avez sali ce qui aurait pu être beau ! »… récit d’une audience très tendue.

Lors du deuxième jour d’audience, où l’ex-étoile montante du cinéma français a explosé de colère, la procureure s’est dite persuadée de la culpabilité du réalisateur Christophe Ruggia.

Ce dernier est poursuivi pour des agressions sexuelles commises en 2001, alors qu’Adèle Haenel était âgée de 12 ans.

Le plus souvent, un « ta gueule ! » est violent. Il peut être parfois méprisant, plus rarement affectueux, mais jamais on n’aura entendu de « ferme ta gueule ! » aussi glaçant. Un cri puisé dans les années de souffrance, qui a fini par se briser dans les aigus.

Adèle Haenel s’est précipitée en dehors de la salle d’audience. Le président a fait comme s’il n’avait rien entendu, de même que Christophe Ruggia.

Poursuivi pour des agressions sexuelles sur celle qu’il avait révélée en 2001 dans le film « Les Diables », alors qu’elle avait à peine 12 ans, le réalisateur venait d’évoquer le grand-père de l’actrice.

Comme à son habitude, il se perdait dans une réponse qui vous fait oublier la question.

Et comme à son habitude, il a fait le dos rond, conscient que le volcan émotionnel Adèle Haenel avait encore beaucoup de lave à cracher, et que cette éruption pouvait en préfigurer d’autres plus dévastatrices encore.

Les larmes et la colère

Puis Adèle est revenue. Et Me Anouck Michelin, l’un de ses avocats, a mis des mots sur ses maux.

Ce mardi après-midi, au deuxième et dernier jour du procès de Christophe Ruggia, ils furent cette fois policés mais tout aussi ravageurs que la rage d’Adèle Haenel.

« Vous avez sali ce qui aurait pu être beau ! », a-t-elle fusillé.

Et de reprendre la métaphore de ce diamant brut qu’était la jeune Adèle à l’aube de sa brillante carrière, en versant dans la gemmologie.

La science des pierres précieuses sait être dure. Quand un diamant est fendu ou présente une anomalie, on parle d’« accident de croissance. »

« On appelle ça aussi un crapaud !, balance Me Michelin. Voilà ce que vous serez à jamais. L’accident de croissance d’un diamant brut. »

Sur le banc des parties civiles, les yeux bleus d’Adèle se sont teintés de rouge. L’espace de quelques minutes, les larmes ont raison du feu de sa colère, comme si elle était reconnue pour la première fois.

Dans la foulée, la représentante du parquet s’en fait l’écho.

La veille, Christophe Ruggia avait admis l’ambiguïté de sa relation passée avec l’actrice tout en niant la main qu’il aurait glissée sur son sexe.

Un parole contre parole que la magistrate est venue briser, estimant qu’au-delà du huis clos de l’intime, Adèle Haenel donnait comme pièce à conviction « la cohérence de son discours authentique, constant, précis, circonstancié et pondéré. »

Elle requérait alors cinq ans de détention dont deux fermes à l’encontre de Christophe Ruggia, sous bracelet électronique.

La défense du réalisateur, elle, voit dans toute l’affaire une reconstruction a posteriori, en reprenant le fil depuis sa révélation par Mediapart en 2019.

À ce moment-là, Adèle Haenel se refuse à déposer plainte, disant n’avoir pas confiance dans une justice qui va se charger d’abord seule de diligenter les poursuites.

« Elle a été précipitée dans une affaire qu’elle n’avait pas sollicitée, pointe Me Orly Rezlan, l’une des deux avocates de Ruggia. Ce n’est que devant les policiers qu’Adèle Haenel va dénoncer des agressions sexuelles. »

Des faits que l’actrice n’évoquait pas dans une lettre écrite au réalisateur en 2014.

À Mediapart, elle racontait toutefois déjà « un harcèlement sexuel permanent », et cette main « sous son tee-shirt, qui lui caressait la cuisse en descendant vers [son] sexe. »

« Une main sur son sein par inadvertance »

Restent les témoins de la relation malsaine entre le réalisateur et l’enfant de 12 ans qu’elle était.

« Un marionnettiste plutôt qu’un magicien », selon les mots de Me Michelin.

Mona Achache, elle aussi réalisatrice, fut la compagne de Ruggia de 2010 à 2011. En guise de virgule, son récit est balisé par le mot « dissonance ».

Par exemple celle entre les semi-aveux que Ruggia lui fait un jour, et ce qu’elle pense deviner.

« Il y a eu un truc une fois, lui confie-t-il sur le pas de la porte de leur salle de bains. Une main sur son sein par inadvertance. Elle a eu très peur, et moi aussi. »

Au fil des années, Mona Achache a vu la colère d’Adèle Haenel. Elle en a acquis le sentiment que « quelque chose planait, quelque chose ne tournait pas rond. »

À ce moment-là, « je comprends qu’il ment », et que « ce petit aveu dissimule une vérité beaucoup plus dérangeante », soupèse-t-elle.

Des années plus tard, elle livrera ces doutes à Mediapart.

« Il y a une béance derrière tout ça »

Pour Me Fany Colin, une autre avocate de Christophe Ruggia, le dossier est vicié par « la fiction qui imprègne la réalité jusqu’à la fausser. »

Pour la pénaliste, l’une des seules erreurs de son client serait de ne pas avoir « cadré la relation qu’il avait avec Adèle Haenel. S’il l’avait fait, il ne serait pas ici. »

Dans les faits, il s’agissait des 100 à 120 samedis après-midi que la très jeune fille avait passé seule au domicile du réalisateur, parmi lesquels celui où l’agression aurait été commise.

Dans les mots d’Adèle, devenue depuis une figure du mouvement MeToo, on aura compris que son histoire n’était pas seulement celle d’une agression, mais d’une emprise dévastatrice et d’un éveil à la vie volé par Ruggia en même temps qu’il la révélait au cinéma.

« Il y a une béance derrière tout ça, dit Adèle Haenel. Il n’y a plus de retour en arrière. »

Cinq ans de prison dont deux ferme ont été requis contre Christophe Ruggia, jugé pour agressions sexuelles.

La procureure Camille Poch a demandé que la partie ferme de cette peine soit directement aménagée sous bracelet électronique, ce qui veut dire que Christophe Ruggia n’irait pas en prison.

Elle a aussi requis une inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles, une interdiction d’entrée en contact avec la victime, et une obligation de l’indemniser.

Le délibéré sera rendu le 3 février 2025.

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« Aucun adulte n’a pris ses responsabilités », estime Adèle Haenel une semaine après le procès de Christophe Ruggia.

Ce réalisateur était jugé la semaine dernière pour des agressions sexuelles sur l’actrice Adèle Haenel quand elle avait entre 12 et 14 ans.

Le tribunal correctionnel de Paris rendra son jugement le 3 février.

L’accusation a réclamé à l’encontre de Christophe Ruggia une peine de cinq ans de prison, dont deux fermes directement aménagés sous bracelet électronique, ce qui veut dire que l’homme de 59 ans n’irait pas en prison si le tribunal suivait ces réquisitions.

La défense, elle, a plaidé la relaxe.

Une semaine après le procès de Christophe Ruggia, jugé pour des agressions sexuelles sur Adèle Haenel quand elle avait entre 12 et 14 ans, l’actrice, âgée de 35 ans aujourd’hui, a pris la parole pour revenir sur ces deux jours d’audiences mouvementés.

« Je suis la représentante de cet enfant qui a disparu, que personne n’a protégé. Aucun adulte n’a pris ses responsabilités », a-t-elle expliqué la voix remplie d’émotion, ce lundi 16 décembre sur France Inter.

Le réalisateur Christophe Ruggia est accusé d’avoir agressé sexuellement Adèle Haenel, entre 2001 et 2004, après le tournage du film de « Les Diables » dans lequel l’adolescente, âgée 12 ans à l’époque, était l’actrice principale.

Pendant cette période, elle s’est rendue tous les samedis ou presque au domicile du réalisateur, où se déroulaient les agressions.

« Taisez-vous dans la sphère médiatique »

« On parle d’un adulte qui s’organise pour avoir chez lui tout seul une enfant de 12 ans et l’agresser sexuellement tous les week-ends », a-t-elle martelé au micro de Sonia Devillers, estimant que « l’axe de défense de Ruggia, c’est de sexualiser l’enfant ».

« Je n’ai jamais eu l’occasion d’être cet enfant de 12 ans, on l’a tout le temps adultisé », a-t-elle poursuivi.

Quand elle a « commencé à parler en 2019 », l’actrice a expliqué qu’elle s’exprimait d’abord « en tant que femme ».

« Et j’ai capté plus tard que j’avais 12 ans. J’ai tellement oublié que j’ai jamais eu 12 ans », a-t-elle raconté, ajoutant que le réalisateur Christophe Ruggia lui avait répété à plusieurs reprises qu’elle était « une adulte dans un corps d’enfant ».

Adèle Haenel a également regretté que la présomption d’innocence, qui « a valeur dans le cadre judiciaire », soit « utilisée dans un cadre extrajudiciaire pour nous (les victimes de violences sexuelles) dire de nous taire ».

« Ça ne doit pas nous empêcher de prendre la parole dans les médias, de nous exprimer », a martelé l’actrice de 35 ans.

« L’axe de défense, c’était taisez-vous dans la sphère médiatique. Ce sont des outils de silenciation », a-t-elle ajouté.

« Un homme qui a assassiné l’enfant que j’étais »

Mardi, Adèle Haenel, qui avait péniblement contenu sa rage depuis le début du procès, se contentant de fixer Christophe Ruggia d’un regard noir qu’il évitait, l’a finalement laissée exploser en début d’après-midi.

« Mais ferme ta gueule ! », a-t-elle hurlé au réalisateur, furieuse, frappant du plat de ses mains la table devant elle.

Le réalisateur venait d’expliquer qu’il avait tenté de la protéger des retombées de son film « Les Diables » en 2001, dans lequel elle avait joué des scènes de sexe à 12 ans, juste avant le début des agressions dénoncées.

« Faut voir la violence que c’est, d’entendre tous ces mensonges accumulés par un homme qui a assassiné l’enfant que j’étais, qui l’a fait disparaître », a-t-elle expliqué au micro de France Inter, ce lundi matin.

Le tribunal correctionnel de Paris rendra son jugement le 3 février.

L’accusation a réclamé à l’encontre de Christophe Ruggia une peine de cinq ans de prison, dont deux fermes directement aménagés sous bracelet électronique, ce qui veut dire que l’homme de 59 ans n’irait pas en prison si le tribunal suivait ces réquisitions.

La défense, elle, a plaidé la relaxe.

Pour déterminer la « juste peine », a dit la procureure Camille Poch, il faudra prendre en compte le temps passé – plus de 20 ans -, mais aussi « l’absence de reconnaissance des faits » à l’audience du réalisateur, « leur gravité, leur récurrence, le nombre répété » des agressions, le fait qu’elles n’aient « cessé qu’à l’initiative de la plaignante », a-t-elle répété lors des réquisitions.

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