Au mois d’août 1987, la police australienne intervient dans une propriété isolée sur les bords du lac Eildon.
Elle vient secourir les enfants de la «Famille», une secte apocalyptique. Depuis plusieurs années, les autorités avaient reçu des signalements concernant cet endroit, mais ce sont les témoignages de deux enfants évadés de l’enfer qui ont déclenché l’opération de police et mis fin à la folie d’une femme, Anne Hamilton-Byrne. Rare femme gourou d’une secte, elle se pensait la réincarnation du Christ.
Pendant des années, elle s’est appropriée des enfants, nés de membres de la secte ou adoptés frauduleusement, et leur a fait subir une éducation délirante
Au cœur de la plus célèbre secte australienne, « La Famille »
Pas moins de 28 enfants furent kidnappés, nourris au LSD et élevés dans une propriété isolée.
En 1961, la professeure de yoga Anne Hamilton-Byrne s’est rendue chez le Dr Raynor Johnson, directeur du Queens College de l’université de Melbourne. Ces deux-là ne s’étaient jamais rencontrés auparavant, mais autour d’une tasse de thé, Anne a réussi à convaincre Raynor – psychologue réputé – qu’elle était un être spirituel capable de prédire l’avenir.
Elle-même était persuadée d’être la réincarnation de Jésus-Christ. Au cours des trois décennies suivantes, elle endoctrinera nombre d’autres personnes, allant jusqu’à fonder une secte religieuse qui se fera connaître sous le nom de « La Famille ».
La secte fait désormais l’objet du nouveau livre de Rosie Jones et Chris Johnston, The Family, qui ont étudié séparément le groupe pendant des années – Rosie dans le cadre de son documentaire, également appelé The Family ; Chris pour une série d’articles publiée dans The Age, visant à lever le voile sur la grande fortune qu’a bâti Anne sur le dos de ses adeptes, à savoir près de 500 personnes.
Aujourd’hui âgée de 96 ans, elle vit dans une maison de retraite et n’a jamais été poursuivie en justice pour ses crimes présumés.
Atteinte de démence, elle ne pourra jamais répondre à cette question : pourquoi s’est-elle montrée aussi cruelle envers ceux qui la vénéraient ?
Pas moins de 28 enfants furent kidnappés, nourris au LSD et élevés dans une propriété isolée, baptisée Uptop.
Dans le documentaire de Rosie, beaucoup de ces enfants évoquent les abus qu’ils ont vécus. La plupart ont été adoptés à l’aide de documents falsifiés ; enlevés à leur naissance dans plusieurs hôpitaux : près d’un quart des membres de la secte était des infirmières et des professionnels de la santé.
Avant de rencontrer Anne, la plupart étaient tout à fait respectables – des avocats, des médecins et des personnalités politiques puissantes, recrutés par l’entremise de Raynor Johnson. D’autres venaient de Newhaven, un hôpital psychiatrique privé de Kew, géré par Marion Villimek, elle-même membre de la secte. Sous le charme, les adeptes d’Anne lui ont légué leurs économies, leur foyer et même leurs enfants, qu’elle a élevés comme s’ils étaient les siens.
Isolés du monde extérieur, parfois privés de nourriture et régulièrement battus, les enfants de la Famille ont grandi sous la surveillance stricte des femmes de la secte, surnommées les « tantes ».
Même quand elle voyageait à l’étranger, Anne appelait la propriété afin de s’assurer que les enfants étaient « disciplinés ».
La manipulation psychologique était intense. La photo la plus emblématique de la Famille est celle des enfants habillés dans des tenues assorties, les cheveux coupés et teints en blond platine – ce qui était réellement voué à les convaincre qu’ils étaient tous frères et sœurs.
Aujourd’hui adultes, les survivants racontent comment ils ont été endoctrinés à l’âge de 14 ans – ils étaient enfermés dans une pièce sombre pendant plusieurs jours d’affilée et ingurgitaient de grosses quantités de LSD.
L’histoire de la Famille comporte de nombreux éléments : l’usage abusif de LSD, les racines qu’elle puise dans la mouvance « New Age », ses liens avec les figures puissantes de Melbourne, les rumeurs selon lesquelles Julian Assange en était membre (ce n’est pas le cas), le fait que ce soit l’un des rares cultes dirigés par une femme. Mais après avoir lu le livre et visionné le documentaire, l’image qui nous reste est celle d’une souffrance inutile.
Les « enfants » d’Anne Hamilton-Bryne, aujourd’hui d’âge moyen, sont condamnés à vivre avec les horreurs auxquelles ils ont survécu. Ils essaient encore de reconstituer les morceaux – en traquant leurs parents biologiques, en se résignant à leur enfance et en élevant leur propre famille.
Source : VICE